Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_24/HUG1234
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
III
LI
À CEUX QUI SONT PETITS
Est-ce ma faute à moi si vous n'êtes pas grands ? 6+6 a
Vous aimez les hiboux, les fouines, les tyrans, 6+6 a
Le mistral, le simoun, l'écueil, la lune rousse, 6+6 b
Vous êtes Myrmidon que son néant courrouce ; 6+6 b
5 Hélas ! l'envie en vous creuse son puits sans fond ; 6+6 a
Et je vous plains. Le plomb de votre style fond 6+6 a
Et coule sur les noms que dore un peu de gloire, 6+6 b
Et tout en répandant sa triste lave noire, 6+6 b
Tâche d'être cuisant et ne peut qu'être lourd ; 6+6 a
10 Tortueux, vous rampez après tout ce qui court ; 6+6 a
Votre œil furieux suit les grands aigles véloces ; 6+6 b
Vous reprochez leur taille et leur ombre aux colosses ; 6+6 b
On dit de vous : — Pygmée essaya, mais ne put. — 6+6 a
Qui haïra Chéops si ce n'est Lilliput ? 6+6 a
15 Le Parthénon vous blesse avec ses fiers pilastres ; 6+6 b
Vous êtes malheureux de la beauté des astres ; 6+6 b
Vous trouvez l'Océan trop clair, trop noir, trop bleu ; 6+6 a
Vous détestez le ciel parce qu'il montre Dieu ; 6+6 a
Vous êtes mécontents que tout soit quelque chose ; 6+6 b
20 Hélas, vous n'êtes rien. Vous souffrez de la rose, 6+6 b
Du cygne, du printemps pas assez pluvieux, 6+6 a
Et ce qui rit vous mord. Vous êtes envieux 6+6 a
De voir voler la mouche et de voir le ver luire. 6+6 b
Dans votre jalousie acharnée à détruire, 6+6 b
25 Vous comprenez quiconque aime, quiconque a foi, 6+6 a
Et même vous avez de la place pour moi. 6+6 a
Un brin d'herbe vous fait grincer s'il vous dépasse ; 6+6 b
Vous avez pour le monde auguste, pour Pespace, 6+6 b
Pour tout ce qu'on voit croître, éclairer, réchauffer, 6+6 a
30 L'infâme embrassement qui voudrait étouffer. 6+6 a
Vous avez juste autant de pitié que le glaive. 6+6 b
En regardant un-champ vous maudissez la sève ; 6+6 b
L'arbre vous plaît à l'heure où la hache le fend ; 6+6 a
Vous avez quelque chose en vous qui vous défend 6+6 a
35 D'être bons, et la rage est votre rêverie. 6+6 b
Votre âme a froid par où la nôtre est attendrie ; 6+6 b
Vous avez la nausée où nous sentons l'aimant ; 6+6 a
Vous êtes monstrueux tout naturellement ; 6+6 a
Vous grondez quand l'oiseau chante sous les grands ormes ; 6+6 b
40 Quand la fleur, près de vous qui vous sentez difformes, 6+6 b
Est belle, vous croyez qu'elle le fait exprès. 6+6 a
Quel souffle vous auriez si l'étoile'était près ! 6+6 a
Vous croyez qu'en brillant la lumière vous blâme ; 6+6 b
Vous vous imaginez, en voyant une femme, 6+6 b
45 Que c'est pour vous narguer qu'elle prend un amant, 6+6 a
Et que le mois de mai vous verse méchamment 6+6 a
Son urne de rayons et d'encens sur la tête ; 6+6 b
Il vous semble qu'alors que les bois sont en fête, 6+6 b
Que l'herbe est embaumée et que les prés sont doux, 6+6 a
50 Heureux, frais, parfumés, charmants, c'est contre vous. 6+6 a
Vous criez au secours quand le soleil se lève. 6+6 b
Vous exécrez sans but, sans choix, sans fin, sans trève, 6+6 b
Sans effort, par instinct, pour mentir, pour trahir ; 6+6 a
Ce n'est pas un travail pour vous de tout haïr. 6+6 a
55 Fourmis, vous abhorrez l'immensité sans peine. 6+6 b
C'est votre joie impie, âcre, cynique, obscène ; 6+6 b
Et vous souffrez. Car rien, hélas, n'est châtié 6+6 a
Autant que l'avorton, géant d'inimitié ! 6+6 a
Si l'œil pouvait plonger sous la voûte chétive 6+6 b
60 De votre crâne étroit qu'un instinct vil captive, 6+6 b
On y verrait l'énorme horizon de la nuit ; 6+6 a
Vous êtes ce qui bave, ignore, insulte, et nuit ; 6+6 a
La montagne du mal est dans votre âme naine. 6+6 b
Plus le cœur est petit, plus il y tient de haine. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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