Métrique en Ligne
HUG_24/HUG1233
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
III
L
Prends-tu l'humanité pour la cause finale ? 6+6 a
Crois-tu que cette sombre aïeule virginale, 6+6 a
Toute jeune et portant les siècles sur son front, 6+6 b
Qui fait tomber l'encens des fleurs, les fruits du tronc, 6+6 b
5 Des feuilles la fraîcheur, de l'écorce la gomme, 6+6 a
La nature sacrée est servante chez l'homme, 6+6 a
Qu'elle l'adore, prend ses ordres, suit ses pas, 6+6 b
Fait les quatre saisons pour ses quatre repas, 6+6 b
Et n'a pour fonction, toute à ce maître étrange, 6+6 a
10 Que de bercer le lit de cette âme qui mange, 6+6 a
De ce cœur compliqué d'un ventre, et le hamac 6+6 b
De cet esprit sublime orné d'un estomac, 6+6 b
Qui suce et boit du sang en rêvant des doctrines, 6+6 a
Et qui s'emplit à l'auge et se vide aux latrines ? 6+6 a
15 Crois-tu que l'ache verte en poussant ait pour but 6+6 b
De préserver ta bouche et tes dents du scorbut ? 6+6 b
Crois-tu que la montagne, où Dieu laissa ses traces, 6+6 a
N'a d'autre utilité que d'être, quand tu chasses, 6+6 a
L'écho des voix ; des cris, des cors et des abois ? 6+6 b
20 Crois-tu que lé, croissant, lampe oblique des bois, 6+6 b
Qui lorsque le bandit sent le sbire à ses trousses, 6+6 a
Se cache à point derrière un tas de branches rousses, 6+6 a
Égarant la patrouille avec le caporal, 6+6 b
Soit du rôdeur de nuit le complice moral ? 6+6 b
25 Crois-tu que l'aquilon soit le garçon de salle 6+6 a
Qui vient te balayer l'azur quand il est sale ? 6+6 a
Que l'eau pense à l'usine en courant au ravin ? 6+6 b
Penses-tu que ce soit pour te sucrer ton vin 6+6 b
Que la comète va chez toi, sombre évadée ? 6+6 a
30 Dis-tu, quand tes pavés sont lavés par l'ondée : 6+6 a
Bien, bon Dieu ! la besogne est faite ce matin ! 6+6 b
Crois-tu que dans un ciel perdu, gouffre lointain 6+6 b
Qui sent ; au froid rayon du soleil qui l'éclaire, 6+6 a
Se mêler l'effrayante attraction stellaire, 6+6 a
35 Dans un ciel où jamais un ange ne vola, 6+6 b
Une planète morne, et fatale, au delà 6+6 b
D'Uranus qui lui-même est plus loin que Saturne, 6+6 a
Se traîne, obscure ; sourde, âpre, à jamais nocturne, 6+6 a
Traçant dans l'être, au fond d'un blême tourbillon, 6+6 b
40 Presque hors de la vie un lugubre sillon ; 6+6 b
Et que cette planète épouvantable râle, 6+6 a
Et que ce monde triste autour du soleil pâle 6+6 a
Qu'à travers la distance il peut à peine voir, 6+6 b
Accomplisse, tournant comme un chariot noir, 6+6 b
45 Une sinistre année, égale à cent des vôtres ; 6+6 a
Et que, monstre, géant des globes, loin des autres, 6+6 a
Il traverse à jamais, seul dans un sombre bruit, 6+6 b
Un ouragan d'hiver, d'épouvante et de nuit, 6+6 b
Et soit énorme, et soit funeste, et soit horrible, 6+6 a
50 Et montre à l'ombre immense une face terrible, 6+6 a
Pour faire, en votre bouge et dans votre terrier, 6+6 b
Donner la croix d'honneur à monsieur Leverrier ? 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
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