Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_24/HUG1231
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
III
XLVIII
Tu veux comprendre Dieu,mais d'abord comprends l'homme ; 6+6 a
Je t'en défie.
Allons !définis, classe, nomme, 6+6 a
Sonde, explique, suivantn'importe quelle loi ; 6+6 b
L'être mystérieuxque tu portes en toi. 6+6 b
5 Scrute avec ton regard,flaire avec ta narine ; 6+6 a
Fouille-toi ; tire-toil'homme de la poitrine, 6+6 a
Et mets-le sur ta table,et penche-toi pour voir 6+6 b
Ce que c'est que ce monstre,éblouissant et noir ! 6+6 b
Qu'en dis-tu ? Te plt-ilque nous parlions de l'homme ? 6+6 a
10 Es-tu flamme et génie ?es-tu bête de somme ? 6+6 a
Dis, parle. Oh ! quel spectacleétrange que ceci : 6+6 b
Un dieu monstre, un espritpar la chair obscurci, 6+6 b
Vivant, comme deboutsur le tranchant d'un glaive, 6+6 a
Entre l'ombre qui monteet l'aube qui se lève, 6+6 a
15 Du ciel dans le fumiertoujours précipité, 6+6 b
Et d'une extrémitédans l'autre extrémité, 6+6 b
Et ramené sans cesseau point dont il dévie 6+6 a
Par l'oscillationlugubre de la vie ! 6+6 a
Songes-tu quelquefoisà ce mystère affreux, 6+6 b
20 La chair ? Ce corps abject,douloureux, ténébreux, 6+6 b
Cette vie l'enferdans l'azur se reflète, 6+6 a
Mariage effrayantd'une âme et d'un squelette, 6+6 a
Cette aile intérieureet qu'un cachot meurtrit, 6+6 b
Cette cage des osqui renferme un esprit, 6+6 b
25 En sondes-tu la nuitet le prodige, ô sage ? 6+6 a
En comprends-tu l'horreur ?Sens-tu sous ton visage 6+6 a
Cette tête de mortsur laquelle tu ris ? 6+6 b
Entends-tu de ton âmeen toi les sombres cris ? 6+6 b
Parle. As-tu peur de l'homme ?As-tu peur de cet ange 6+6 a
30 Que tu sens remuervaguement dans ta fange ? 6+6 a
Dis, le jour tu vinsau monde, as-tu compris ? 6+6 b
O ver de terre aveugle,ombre entre les esprits ; 6+6 b
Espèce de fantômeen suspens sur deux mondes, 6+6 a
Sortant des lumineuxpour aller aux immondes, 6+6 a
35 Tantôt Trimalcion,tantôt Ithuriel, 6+6 b
O zénith ; ô nadir,souffle immatériel 6+6 b
Qui te fais par la chairrendre d'impurs services, 6+6 a
Et dans le sac du corpsvas portant tous les vices, 6+6 a
De toi-même ébloui,de toi-même effrayé, 6+6 b
40 Plus souillé que le bâtd'un onagre rayé, 6+6 b
Et que le vert-de-grisdes plus viles monnaies, 6+6 a
Ce qui n'empêche point,par instants, que tu n'aies ; 6+6 a
Dans tes heures d'orgueilet de rébellion, 6+6 b
Des couchers de soleil,des réveils de lion, 6+6 b
45 Rôdeur qui veux quitterta sphère pour les nôtres, 6+6 a
Trouve donc ton énigmeavant d'en chercher d'autres ! 6+6 a
N'as-tu donc point assezde ton gouffre ? réponds. 6+6 b
Comment rejoindras-tul'homme à l'homme ? quels ponts 6+6 b
Pourront jamais unir,à travers la nuit noire, 6+6 a
50 Un de ses bords à l'autre,et sa honte à sa gloire ? 6+6 a
Sois un pasteur d'esprits,un guide des vivants, 6+6 b
Un fier tribun du peupleaux, discours émouvants, 6+6 b
Dont la mort est plus tardpour la terre un désastre ; 6+6 a
Sois grand et fort avecune lumière d'astre ; 6+6 a
55 Sois Colomb, et découvreun monde ; sois Schiller, 6+6 b
L'aigle du cœur plus grandque les aigles de l'air ; 6+6 b
Sois Mirabeau, Shakspeareet Platon tout ensemble ; 6+6 a
Si profond, si puissant,si sublime qu'il semble 6+6 a
Qu'on ne va plus te voirque derrière le ciel, 6+6 b
60 Avec une figure :au delà du réel ; 6+6 b
Sois Christ, le fils néde la clarté divine, 6+6 a
En qui l'homme s'efface,en qui Dieu se devine, 6+6 a
Le grand Christ arrachant,calme et le bras tendu, 6+6 b
Aux faits épouvantésle miracle éperdu ; 6+6 b
65 Passe ton jour entier,être à haute stature, 6+6 a
À modeler en toil'humanité future, 6+6 a
Du matin jusqu'au soirroule dans ton cerveau 6+6 b
Le système insondableet l'univers nouveau, 6+6 b
tout aura ta forme,arts, lois, dogmes, doctrines ; 6+6 a
70 Et, maintenant, foat,c'est ton heure. Aux latrines ! 6+6 a
Ô génie accabléd'un viscère ! destin 6+6 b
Traversé par l'abjectet lugubre intestin ! 6+6 b
Oh ! quelle ombre après tantde clarté ! tout à l'heure, 6+6 a
Tu semblais l'ange, roide l'éther qu'il effleure ; 6+6 a
75 Socrate sur le Pnyxou Moïse au Galgal, 6+6 b
Tu planais ; tu parlaisà Dieu comme un égal ; 6+6 b
Tu semblais de l'énigmeêtre le grand ministre ; 6+6 a
À présent te voilànu, frissonnant, sinistre, 6+6 a
Misérable au niveaudu bourbier, et réduit 6+6 b
80 Aux accroupissementsdes bêtes dans la nuit ! 6+6 b
Et tu fais tous les jourscette chute, prophète, 6+6 a
Roi, mage, osant revoirl'azur quand tu l'as faite ! 6+6 a
Tous les jours, l'homme allantaux astres ses pareils, 6+6 b
Vole avec les espritsau-dessus des soleils, 6+6 b
85 Luit, resplendit, flamboie,et tous les jours retombe 6+6 a
De plus haut que le cieldans plus bas que la tombe ! 6+6 a
L'homme a beau sous son frontsentir les cieux frémir, 6+6 b
Être un génie ; il fautmanger, il faut dormir ! 6+6 b
Il se heurte aux besoins.Les besoins sont les bornes. 6+6 a
90 C'est le rappel brutalaux réalités mornes ; 6+6 a
L'éternelle cuissondu stigmate de feu ; 6+6 b
C'est le coup de bâtonde la matière au dieu. 6+6 b
Oui, médite. C'est làton sort. Nuit, crépuscule, 6+6 a
Maladie et famine,hiver et canicule, 6+6 a
95 Ton âme endure tout ;elle est esclave enfin. 6+6 b
Ton esprit, à traversta chair, a soif, a faim, 6+6 b
A la fièvre, maigrit,engraisse, brûle, gèle. 6+6 a
Chacun de tes besoinsen, passant te flagelle. 6+6 a
Et ces besoins sont vils !Si hideux, si honteux 6+6 b
100 Que tu te sens coupableet puni devant eux, 6+6 b
Et que, sentant pesersur ta tête inféconde 6+6 a
Le poids antérieurd'un mystérieux monde, 6+6 a
Tu dis : qu'ai-je donc faitailleurs pour être ici ? 6+6 b
Mais tu reprends ton vol,le jour s'est éclairci, 6+6 b
105 La science t'appelle,homme, l'art te relève, 6+6 a
Tu fuis dans la clartébleue et vague du rêve, 6+6 a
Tu t'évades aux cieux ;te voilà libre ! … — Non. 6+6 b
Redescends dans ton corps,rentre en ton cabanon ; 6+6 b
Avec ton sombre espritla fange est familière ; 6+6 a
110 Ton sang est ton bourreau,ta chair est ta geôlière ; 6+6 a
De l'infâme prisontes sens sont les habits ; 6+6 b
Tu ne peux les quitter,et, courbé ; tu subis, 6+6 b
Toujours, toujours, le jour,la nuit, et sans relâche, 6+6 a
La fustigationinexplicable et lâche. 6+6 a
115 Au moment l'azurt'ouvre son pur chemin, 6+6 b
tu te vois auguste,et splendide, une main, 6+6 b
Qui que tu sois, beau, juste,illustre, innocent, vierge, 6+6 a
Te prend, et, frémissant,tu sens le coup de verge. 6+6 a
L'horreur crie : es-tu là ?Ta fange répond : oui. 6+6 b
120 Et rien ne te soustraità ce joug inouï. 6+6 b
Il est une heure sainte,inexprimable, altière, 6+6 a
tout ce qui n'est pasjoie, orgueil et lumière, 6+6 a
Semble s'évanouirdans ton cœur transporté ; 6+6 b
C'est quand tu vois la femme,aube, blancheur, beauté, 6+6 b
125 Qui met sous son pied nutes résistances vaines, 6+6 a
Et qui fait ruisselerdu soleil dans tes veines. 6+6 a
Telle que dans l'Édenjadis elle brilla, 6+6 b
Elle appart, charmante ;homme, en ce moment-là, 6+6 b
Tu méprises la bête,infecte créature, 6+6 a
130 Fier, superbe, oubliantta propre pourriture ; 6+6 a
Bien ! prends ton Ève blonde ;Emporte-la. Le jour 6+6 b
La donne à ta nuit… — Ah !tu frissonnes d'amour, 6+6 b
La volupté t'enivre !Ah ! l'extase te gagne ! 6+6 a
Tu ne te souviens plusde la chne du bagne, 6+6 a
135 Tu te crois ange… — Allons !réveille-toi, fouetté 6+6 b
Jusque dans ton plaisir,par ta fétidité ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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