Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_23/HUG997
Victor HUGO
LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT
1881
I
LE LIVRE SATIRIQUE
— LE SIÈCLE —
XXIV
ÉCRIT APRÈS LA VISITE D'UN BAGNE
I
Chaque enfant qu’on enseigneest un homme qu’on gagne. 6+6 a
Quatrevingt-dix voleurssur cent qui sont au bagne 6+6 a
Ne sont jamais allésà l’école une fois, 6+6 b
Et ne savent pas lire,et signent d’une croix. 6+6 b
5 C’est dans cette ombre-làqu’ils ont trouvé le crime. 6+6 a
L’ignorance est la nuitqui commence l’abîme. 6+6 a
rampe la raison,l’honnêteté périt. 6+6 b
Dieu, le premier auteurde tout ce qu’on écrit, 6+6 b
À mis, sur cette terre les hommes sont ivres, 6+6 a
10 Les ailes des espritsdans les pages des livres. 6+6 a
Tout homme ouvrant un livrey trouve une aile, et peut 6+6 b
Planer là-haut l’âmeen liberté se meut. 6+6 b
L’école est sanctuaireautant que la chapelle. 6+6 a
L’alphabet que l’enfantavec son doigt épelle 6+6 a
15 Contient sous chaque lettreune vertu ; le cœur 6+6 b
S’éclaire doucementà cette humble lueur. 6+6 b
Donc au petit enfantdonnez le petit livre. 6+6 a
Marchez, la lampe en main,pour qu’il puisse vous suivre. 6+6 a
La nuit produit l’erreuret l’erreur l’attentat. 6+6 b
20 Faute d’enseignement,on jette dans l’état 6+6 b
Des hommes animaux,têtes inachevées, 6+6 a
Tristes instincts qui vontles prunelles crevées, 6+6 a
Aveugles effrayants,au regard sépulcral, 6+6 b
Qui marchent à tâtonsdans le monde moral. 6+6 b
25 Allumons les esprits,c’est notre loi première, 6+6 a
Et du suif le plus vilfaisons une lumière. 6+6 a
L’intelligence veutêtre ouverte ici-bas ; 6+6 b
Le germe a droit d’éclore ;et qui ne pense pas 6+6 b
Ne vit pas. Ces voleursavaient le droit de vivre. 6+6 a
30 Songeons-y bien, l’écoleen or change le cuivre, 6+6 a
Tandis que l’ignoranceen plomb transforme l’or. 6+6 b
Je dis que ces voleurspossédaient un trésor, 6+6 b
Leur pensée immortelle,auguste et nécessaire ; 6+6 a
Je dis qu’ils ont le droit,du fond de leur misère, 6+6 a
35 De se tourner vers vous,à qui le jour sourit, 6+6 b
Et de vous demandercompte de leur esprit ; 6+6 b
Je dis qu’ils étaient l’hommeet qu’on en fit la brute ; 6+6 a
Je dis que je nous blâmeet que je plains leur chute ; 6+6 a
Je dis que ce sont euxqui sont les dépouillés ; 6+6 b
40 Je dis que les forfaitsdont ils se sont souillés 6+6 b
Ont pour point de départce qui n’est pas leur faute ; 6+6 a
Pouvaient-ils s’éclairerdu flambeau qu’on leur ôte ? 6+6 a
Ils sont les malheureuxet non les ennemis. 6+6 b
Le premier crime futsur eux-mêmes commis ; 6+6 b
45 On a de la penséeéteint en eux la flamme ; 6+6 a
Et la sociétéleur a volé leur âme. 6+6 a
II
Ô vieux bagne éternel !Énigme ! Abîme obscur ! 6+6 b
Que d’ombres ont passésur ce funèbre mur ! 6+6 b
Ici le mal, la nuit,l’ignorance servile ; 6+6 a
50 À l’autre extrémitéde cette corde vile 6+6 a
Le génie et la foi,l’amour, la vérité, 6+6 b
L’inventeur, le penseurde Dieu même agité, 6+6 b
Le prophète écartantl’erreur impie et fausse, 6+6 a
Saint Jean dans son caveau,Daniel dans la fosse, 6+6 a
55 Galilée au cachot,Colomb au cabanon ; 6+6 b
Et, remontant au jourde chnon en chnon, 6+6 b
Cette chne de deuil,sur la terre jetée, 6+6 a
Qui commence à Poulmann,finit à Prométhée. 6+6 a
À travers six mille ans,et trnant en chemin 6+6 b
60 Ses monstrueux anneauxsur tout le genre humain, 6+6 b
Elle part de Toulonet s’attache au Caucase. 6+6 a
L’homme met la lumièreet l’ombre au même vase ; 6+6 a
Le bagne, enfer stupide,admet dans son tombeau 6+6 b
Depuis l’homme poignardjusqu’à l’homme flambeau. 6+6 b
65 Malheur à qui dit : marche !Au progrès qui recule, 6+6 a
À qui jette un rayondans notre crépuscule ! 6+6 a
Que deviendrait l’erreursi le jour triomphait ? 6+6 b
C’est le même attentatet le même forfait, 6+6 b
Le même crime avecla même peine immonde 6+6 a
70 Que de tuer un hommeou de trouver un monde. 6+6 a
Lucifer est Satan ;l’aigle est le basilic. 6+6 b
Quiconque allume un phareest l’ennemi public. 6+6 b
Quoi, l’archange enchnécoudoyant les vampires ! 6+6 a
L’âme au carcan ! Les bonstraités comme les pires ! 6+6 a
75 Ô morne aveuglementde l’homme et de ses lois ! 6+6 b
L’esprit tremble et frémitdevant toutes ces croix 6+6 b
Que portent les voyants,les inspirés, les sages ; 6+6 a
Pour s’enfuir de la vieon cherche des passages, 6+6 a
Ciel juste, quand on songeà ces révélateurs 6+6 b
80 Qu’on a saisis, pensifset venant des hauteurs, 6+6 b
Qu’on a punis du bienainsi que d’une faute, 6+6 a
Liés avec le crimeau poteau côte à côte, 6+6 a
Qu’on a fouettés, martyrssaignants et radieux, 6+6 b
Et qui furent foatsparce qu’ils étaient dieux ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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