Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_23/HUG996
Victor HUGO
LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT
1881
I
LE LIVRE SATIRIQUE
— LE SIÈCLE —
XXIII
SUR UN PORTRAIT DE SAINTE
C’est toi, dénaturée ! | Oui, te voilà, c’est toi 6+6 a
Qui fis taire ton cœur | pour écouter ta foi, 6+6 a
Qui, pour gagner ton ciel | de larve et de chouette, 6+6 b
Foulas ton âme aux pieds, | mère sourde-muette, 6+6 b
5 Et qui, lorsque ton fils | se couchait en travers 6+6 a
De ta porte, pleurant | et les deux bras ouverts, 6+6 a
Marchas sur ton enfant | pour entrer dans le cloître. 6+6 b
Quand l’amour décroissait, | tu crus sentir Dieu croître ; 6+6 b
Ah ! Folle ! Et te voilà, | face d’austérité ! 6+6 a
10 Va, la sainteté froide | est fausse sainteté. 6+6 a
Croire qu’on plaît au Dieu | de lumière et de gloire 6+6 b
Parce que d’âme blanche | on se fait âme noire, 6+6 b
Parce qu’on a d’abord | soufflé sur son flambeau, 6+6 a
Parce qu’on vient à lui, | n’étant plus qu’un tombeau 6+6 a
15 Où ceux qui vous aimaient | d’avance ont dû descendre, 6+6 b
Et qu’on en est le marbre | et qu’ils en sont la cendre ! 6+6 b
Ô morne vision ! | Mauvais songe que font 6+6 a
Ceux qui désertent Dieu | dans le couvent profond ! 6+6 a
Dieu, c’est la raison ; Dieu, | c’est l’amour ; Dieu, c’est l’être ; 6+6 b
20 C’est le devoir de vivre | après le droit de naître ; 6+6 b
C’est l’immense clarté | sur l’immense combat. 6+6 a
Il a voulu que l’homme | aimât, conquît, tombât, 6+6 a
Et ne fût pas fantôme | et deuil. Le froc de bure 6+6 b
Ne donne point à l’homme | une bonne courbure ; 6+6 b
25 Devenir ombre, c’est | obscurcir le saint lieu ; 6+6 a
En s’approchant du spectre, | on s’éloigne de Dieu. 6+6 a
Pas de cloître ; la vie. | Un voile couvre un rêve. 6+6 b
Le mérite n’est pas, | quand vers Dieu l’on s’élève, 6+6 b
De rejeter, ainsi | qu’un vêtement quitté, 6+6 a
30 Ses parents, sa patrie | et son humanité ; 6+6 a
De s’enfuir de son cœur | ainsi que d’une fange ; 6+6 b
De dire : ― Arrachez-moi, | Christ, pour que je sois ange, 6+6 b
Mon père, ce lambeau, | ma mère, ce haillon ! ― 6+6 a
De mettre à la nature | effarée un bâillon ; 6+6 a
35 De crier : ― Mes enfants | où tout mon sang se mêle, 6+6 b
Mon fils dans son berceau, | ma fille à la mamelle, 6+6 b
Tout cela, c’est la nuit, | car Dieu seul est le jour. ― 6+6 a
De raturer en soi | la famille et l’amour 6+6 a
Comme des contre-sens | qui vous cachent le texte ; 6+6 b
40 Et de perdre la forme | humaine, sous prétexte 6+6 b
Qu’on monte et qu’on s’en va | dans le firmament bleu. 6+6 a
Faisons, tout en fixant | notre regard sur Dieu, 6+6 a
Tous nos devoirs de fils | ou de frère ou de père. 6+6 b
Soyons l’être penchant, | même quand il espère. 6+6 b
45 Par l’esprit vers le bien, | par la chair vers le mal ; 6+6 a
Sans quitter le réel, | conquérons l’idéal ; 6+6 a
Restons homme, en montant | vers le sépulcre austère. 6+6 b
Il faut aller au ciel | en marchant sur la terre. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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