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| = césure
HUG_23/HUG985
Victor HUGO
LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT
1881
I
LE LIVRE SATIRIQUE
— LE SIÈCLE —
XII
ANIMA VILIS
À force d’insulter les vaillants et les justes, 6+6 a
À force de flatter les trahisons augustes, 6+6 a
À force d’être abject et d’ajuster des tas 6+6 b
De sophismes hideux aux plus noirs attentats, 6+6 b
5 Cet homme espère atteindre aux grandeurs ; il s’essouffle 6+6 a
À passer scélérat, lui qui n’est que maroufle. 6+6 a
Ce pédagogue aspire au grade de coquin. 6+6 b
Ce rhéteur, ver de terre et de lettres, pasquin 6+6 b
Qui s’acharne sur nous et dont toujours nous rîmes, 6+6 a
10 Tâche d’être promu complice des grands crimes. 6+6 a
Il raillait l’art, et c’est tout simple en vérité, 6+6 b
La laideur est aveugle et sourde à la beauté. 6+6 b
Mais être un idiot ne peut plus lui suffire, 6+6 a
Il est jaloux du tigre à qui la peur dit : sire ! 6+6 a
15 Il veut être aussi lui sénateur des forêts ; 6−6 b
Il veut avoir, ainsi que Montluc ou Verrès, 6+6 b
Sa caverne ou sa cage avec grilles et trappes 6+6 a
Dans la ménagerie énorme des satrapes. 6+6 a
Ah çà, tu perds ton temps et ta peine, grimaud ! 6+6 b
20 Aliboron n’est pas aisément Béhémoth ; 6+6 b
Le burlesque n’est pas facilement sinistre ; 6+6 a
Fusses-tu meurtrier, tu demeurerais cuistre. 6+6 a
Quand ces êtres sanglants qu’il te plaît d’envier, 6+6 b
Mammons que hait Tacite et qu’admire Cuvier, 6+6 b
25 Sont là, brigands et dieux, on n’entre pas d’emblée 6+6 a
Dans leur épouvantable et royale assemblée. 6+6 a
Devenir historique ! Impossible pour toi. 6+6 b
Sortir du mépris simple et compter dans l’effroi, 6+6 b
Toi, jamais ! Ton front bas exclut ce noir panache. 6+6 a
30 Ton sort est d’être, jeune, inepte ; et, vieux, ganache. 6+6 a
Vers l’avancement vrai tu n’as point fait un pas ; 6+6 b
Tu te gonfles, crapaud, mais tu n’augmentes pas ; 6+6 b
Si Myrmidon croissait, ce serait du désordre ; 6+6 a
Tu parviens à ramper sans parvenir à mordre. 6+6 a
35 La nature n’a pas de force à dépenser 6+6 b
Pour te faire grandir et te faire pousser. 6+6 b
Quoi donc ! N’est-elle point l’impassible nature ? 6+6 a
Parce que des têtards, nourris de pourriture, 6+6 a
Souhaitent devenir dragons et caïmans, 6+6 b
40 Elle consentirait à ces grossissements ! 6+6 b
Le ver serait boa ! L’huître deviendrait l’hydre ! 6+6 a
Locuste empoisonnait le vin, et non le cidre ; 6+6 a
L’enfer fit Arétin terrible, et non Brusquet. 6+6 b
Un avorton ne peut qu’avorter. Le roquet 6+6 b
45 S’efforce d’être loup, mais il s’arrête en route. 6+6 a
Le ciel mystérieux fait des guépards sans doute, 6+6 a
De fiers lions bandits, pires que les démons, 6+6 b
Des éléphants, des ours ; mais il livre les monts, 6+6 b
Les antres et les bois à leur majesté morne ! 6+6 a
50 Mais il lui faut l’espace et les sables sans borne 6+6 a
Et l’immense désert pour les démuseler ! 6+6 b
Le chat qui veut rugir ne peut que miauler ; 6+6 b
En vain il copierait le grand jaguar lyrique 6+6 a
Errant sur la falaise au bord des mers d’Afrique, 6+6 a
55 Et la panthère horrible, et le lynx moucheté ; 6+6 b
Dieu ne fait pas monter jusqu’à la digni 6+6 b
De crime, de furie et de scélératesse, 6+6 a
Cette méchance faite de petitesse. 6+6 a
Les montagnes, pignons et murs de granit noir 6+6 b
60 D’où tombent les torrents affreux, riraient de voir 6+6 b
Ce preneur de souris rôder sur leur gouttière. 6+6 a
Un nain ne devient pas géant au vestiaire. 6+6 a
Pour être un dangereux et puissant animal, 6+6 b
Il faut qu’un grand rayon tombe sur vous ; le mal 6+6 b
65 N’arrive pas toujours à sa hideuse gloire. 6+6 a
Dieu tolère, c’est vrai, la création noire, 6+6 a
Mais d’aussi plats que toi ne sont pas exaucés. 6+6 b
Tu ne parviendras pas, drôle, à t’enfler assez 6+6 b
Pour être un python vaste et sombre au fond des fanges ; 6+6 a
70 Tu n’égaleras point ces reptiles étranges 6+6 a
Dont l’œil aux soupiraux de l’enfer est pareil. 6+6 b
Tu demeureras laid, faible et mou. Le soleil 6+6 b
Dédaigne le lézard, candidat crocodile. 6+6 a
Sois un cœur monstrueux, mais reste une âme vile. 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
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