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HUG_23/HUG1077
Victor HUGO
LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT
1881
III
LE LIVRE LYRIQUE
— LA DESTINÉE —
LIV
UNE ROUGEUR AU ZÉNITH
Quoi ! Ce n’est pas réel parce que c’est lointain ! 6+6 a
Ne croyez pas cela, vous qu’un hasard hautain, 6+6 a
Une chance, une erreur, l’invention des prêtres, 6+6 b
Un mensonge quelconque, a faits rois, princes, maîtres ; 6+6 b
5 Papes, sultans, Césars, czars, qui que vous soyez, 6+6 a
Qui tenez les vivants sous le sceptre ployés, 6+6 a
Et qui mettez Berlin, Stamboul, Pétersbourg, Rome, 6+6 b
Les ténèbres, le dogme et le sabre, sur l’homme, 6+6 b
Vous qui vous croyez grands et nous croyez petits, 6+6 a
10 Regardez la lueur, et soyez avertis 6+6 a
Que nous ne serons pas toujours le troupeau triste, 6+6 b
Rois, et que l’avenir, ce flamboiement, existe. 6+6 b
On vous rassure. On dit : utopie ! Eh bien non ; 6+6 a
Ayez peur. Vous avez ici bas le canon, 6+6 a
15 Le trône, l’échafaud, l’obus, le knout, le glaive ; 6+6 b
Mais nous avons là-haut cette clarté, le rêve ; 6+6 b
Nous avons ce rayon, l’idéal ; nous avons 6+6 a
Ce qu’avaient autrefois les pâles esclavons, 6+6 a
Les juifs, les huguenots et les noirs, l’espérance ; 6+6 b
20 Nous avons l’infini, sublime transparence ; 6+6 b
Nous avons la traînée effrayante de feu 6+6 a
Qui vient vers l’homme avec un message de Dieu, 6+6 a
Et qui fait frissonner l’ombre, blêmir la roche, 6+6 b
Fuir l’orfraie et hurler les loups, à son approche. 6+6 b
25 Oui, le grand éden libre avec ses songes fous, 6+6 a
Qui, l’énorme avenir de lumière pour tous 6+6 a
Qui vous rougit le ciel, rois, et qui nous le dore, 6+6 b
Qui vous semble fournaise et qui nous semble aurore, 6+6 b
Nous l’aurons. Nous l’avons ! Car c’est déjà l’avoir, 6+6 a
30 C’est déjà le tenir presque, que de le voir. 6+6 a
Et nous l’apercevons, le superbe prodige ! 6+6 b
Vous le voyez aussi. Levez les yeux, vous dis-je ! 6+6 b
Ne vous figurez pas que pour être indistinct 6+6 a
Cela ne soit pas vrai. Quoi ! Mais c’est presque éteint ! 6+6 a
35 Non. C’est mêlé de nuit ! Il le faut. Sans pilote ! 6+6 b
Qu’en savez-vous ? Quoi donc ! Cette rougeur qui flotte, 6+6 b
C’est quelque chose ? Ô rois, c’est tout. Dans les palais, 6+6 a
Les maîtres à voix basse en parlent aux valets, 6+6 a
Et les valets ont peur, mais font semblant de rire. 6+6 b
40 Ah ! Vous pouvez frapper, supplicier, proscrire ; 6+6 b
Cela n’en vient pas moins. Cela marche. C’est loin, 6+6 a
Mais sûr. Rois, ce sera l’acteur, c’est le témoin ; 6+6 a
C’est le juge déjà. C’est l’idéal, ô princes ! 6+6 b
C’est le réel. Régnez, soit. Prenez des provinces, 6+6 b
45 Volez-vous entre vous des peuples, triomphez ; 6+6 a
Respirez notre espace à nous les étouffés ; 6+6 a
Mangez, buvez, chez nous les affamés ; souffrance, 6+6 b
C’est patience ; ô sombre et douce délivrance, 6+6 b
Tu viens ! Ô rois, régnez, cela nous est égal ; 6+6 a
50 Ayez la Sibérie, ayez le Sénégal ; 6+6 a
Jetez-nous au vil bagne, aux noirs exils, qu’importe ! 6+6 b
Pendant que des clairons chantent à votre porte 6+6 b
Et que des sabres nus gardent votre festin, 6+6 a
Au zénith, une flamme informe, le destin, 6+6 a
55 Le progrès, la confuse ébauche de la vie, 6+6 b
La lampe des penseurs d’un jour pâle suivie, 6+6 b
Sur laquelle jadis Torquemada soufflait, 6+6 a
Brille et s’avance, et jette on ne sait quel reflet, 6+6 a
Prêtres, sur votre autel, princes, sur votre table. 6+6 b
60 La comète est ainsi vaguement formidable. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
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