Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_23/HUG1056
Victor HUGO
LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT
1881
III
LE LIVRE LYRIQUE
— LA DESTINÉE —
XXXIII
I
Ma vie entre déjàdans l’ombre de la mort, 6+6 a
Et je commence à voirle grand côté des choses. 6+6 b
L’homme juste est plus beau,terrassé par le sort ; 6+6 a
Et les soleils couchantssont des apothéoses. 6+6 b
5 Brutus vaincu n’a riendont s’étonne Caton ; 6+6 a
Morus voit Thraséaset se laisse proscrire ; 6+6 b
Socrate, qu’Anitusfait boire au Phlégéthon, 6+6 a
Mourant, n’empêche pasJésus-Christ de sourire. 6+6 b
Le monde passe, ingrat,vain, stupide et moqueur. 6+6 a
10 Le blâme intérieur,Dieu juste, est le seul blâme. 6+6 b
Les caresses que faitla conscience au cœur 6+6 a
Font saigner notre chairet rayonner notre âme. 6+6 b
Apaisé, je méditeau bord du gouffre amer ; 6+6 a
J’aime ce bruit sauvage l’infini commence ; 6+6 b
15 La nuit, j’entends les flots,les vents, les cieux, la mer ; 6+6 a
Je songe, évanouidans cette plainte immense. 6+6 b
II
Il faut toujours quelqu’unqui dise : je suis prêt. 6+6 a
Je m’immole. Sans quoi,ma France bien-aimée, 6+6 b
La conscience au cœurde l’homme se romprait ; 6+6 a
20 Peuple ! Il ne resteraitpas une âme allumée. 6+6 b
Il est bon en tout temps,aujourd’hui comme hier, 6+6 a
Que des hommes sereins,en qui rien ne recule, 6+6 b
Se sentent un amourmystérieux et fier 6+6 a
Pour l’exil, nuit sinistre,et la mort, crépuscule. 6+6 b
25 Je suis de ceux sur quile char roule effrayant ; 6+6 a
L’épreuve me flagelleet le devoir me broie ; 6+6 b
Je ne vois pas pourquoije serais triste, ayant 6+6 a
Ce lugubre bonheuret cette sombre joie. 6+6 b
D’autres, meilleurs que moi,dans le deuil et l’affront 6+6 a
30 Expirèrent ; ils sontdans la lumière pure. 6+6 b
Gloire à ces combattantsdu Golgotha ! Leur front 6+6 a
Est d’autant plus sereinque l’épine est plus dure. 6+6 b
Ils furent grands. Ils ontsouffert, ils ont aimé. 6+6 a
Leur linceul laisse voirleur clarté sous ses voiles ; 6+6 b
35 Et le rude chemindu martyre est semé 6+6 a
De leurs gouttes de sangqu’on prend pour des étoiles. 6+6 b
III
Socrate est un voyant ;je ne suis qu’un témoin. 6+6 a
Je vais. J’ai laissé toutaux mains du sort rapace, 6+6 b
Et j’entends mes amisd’autrefois rire au loin 6+6 a
40 Pendant qu’à l’horizon,seul et pensif, je passe. 6+6 b
Ils disent, me voyantpartre tout à coup : 6+6 a
— Qu’est-ce donc que cette ombreau loin sur cette grève ? 6+6 b
Regardez donc là-bas.Cela reste debout. 6+6 a
Est-ce un homme qui marche ?Est-ce un spectre qui rêve ? 6+6 b
45 C’est l’homme et c’est le spectre !Ô mes anciens amis, 6+6 a
C’est un songeur tournévers les profondeurs calmes, 6+6 b
Qui, devant le tombeaupriant pour être admis, 6+6 a
Rêve sous la nuée frissonnent les palmes. 6+6 b
Sachez, amis de l’âge l’on se comprenait, 6+6 a
50 Que, si je vous parlais,ce serait de vous-même. 6+6 b
Je suis l’être pensifque la douleur connt ; 6+6 a
Mon soir mystérieuxtouche à l’aube suprême. 6+6 b
Vous qui tournez la têteet qui dites : c’est bien ! 6+6 a
Et qui vous remettezà rire à votre porte, 6+6 b
55 Ce que j’endure est peu,ce que je suis n’est rien, 6+6 a
Et ce n’est pas à moique ma souffrance importe ; 6+6 b
Mais, quoi que vous fassiezet qui que vous soyez, 6+6 a
Quoi donc ! N’avez-vous rienau cœur qui vous déchire ? 6+6 b
N’avez-vous rien perdude ceux que vous aimiez ? 6+6 a
60 Qui sait sont les morts ?Comment pouvez-vous rire ? 6+6 b
IV
Heureux les éprouvés !Voilà ce que je vois ; 6+6 a
Et je m’en vais, fantôme,habiter les décombres. 6+6 b
Les pêcheurs, dont j’entendssur les grèves la voix, 6+6 a
Regardent les flots crtre ;et moi, grandir les ombres. 6+6 b
65 Je souris au désert ;je contemple et j’attends ; 6+6 a
J’emplis de paix mon cœurqui n’eut jamais d’envie ; 6+6 b
Je tâche, craignant Dieu,de m’éveiller à temps 6+6 a
Du rêve monstrueuxqu’on appelle la vie. 6+6 b
La mort va m’emmenerdans la sérénité ; 6+6 a
70 J’entends ses noirs chevauxqui viennent dans l’espace. 6+6 b
Je suis comme celuiqui, s’étant trop hâté, 6+6 a
Attend sur le cheminque la voiture passe. 6+6 b
Ne plaignez pas l’éluqu’on nomme le proscrit. 6+6 a
Mon esprit, que le deuilet que l’aurore attire, 6+6 b
75 Voit le jour par les trousdes mains de Jésus-Christ. 6+6 a
Toute lumière sortici-bas du martyre. 6+6 b
V
Je songe, ô vérité,de toi seule ébloui ! 6+6 a
Ai-je des ennemis ?J’en ignore le nombre. 6+6 b
Tous les chers souvenirs,tout s’est évanoui. 6+6 a
80 Je sens monter en moile vaste oubli de l’ombre. 6+6 b
Je ne sais même plusle nom de ceux qui m’ont 6+6 a
Fait mordre, moi rêveur,par le mensonge infâme. 6+6 b
J’apeois les blancheursde la cime du mont, 6+6 a
Et le bout de ton aileest déjà bleu, mon âme ! 6+6 b
85 En dehors du combatpour la cause de tous, 6+6 a
Si j’ai frappé quelqu’unpour me venger moi-même, 6+6 b
Si j’ai laissé pleurantquelque être fier et doux, 6+6 a
Si j’ai dit : Haïssez,à ceux qui disaient : J’aime ; 6+6 b
Dieu ! Si j’ai fait saignerdes cœurs dans le passé, 6+6 a
90 Que votre grande voixme courbe et m’avertisse ! 6+6 b
Je demande pardonà ceux que j’offensai, 6+6 a
Voulant trner ma peineet non mon injustice. 6+6 b
Je marche, à travers l’ombreet les torts expiés, 6+6 a
Dans la vie, aujourd’huisans fleurs et jadis verte, 6+6 b
95 Morne plaine déjàs’allongent à mes pieds 6+6 a
Les immenses rayonsde la tombe entr’ouverte. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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