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| = césure
HUG_23/HUG1047
Victor HUGO
LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT
1881
III
LE LIVRE LYRIQUE
— LA DESTINÉE —
XXIV
BESTIARIUM
Les anges effarés viennent voir notre cage, 6+6 a
Et se disent : « — Vois donc celui-ci, celui-là, 6+6 b
Voici Tibère, une hydre au fond d’un marécage ; 6+6 a
Regarde le Malthus auprès de l’Attila. » — 6+6 b
5 Ils répètent entre eux les noms dont on nous nomme, 6+6 a
Mêlés à d’autres noms que nous ne savons pas. 6+6 b
Ils disent : « — C’est donc là ce qu’on appelle l’homme ! 6+6 a
Une main dans le crime, un pied dans le trépas. 6+6 b
« Voici l’orgueil ; voici le dol ; voici l’envie ; 6+6 a
10 Ce sont les plus mauvais qui sont les plus nombreux. 6+6 b
Ils rôdent dans la fosse immense de la vie, 6+6 a
Et la terre tressaille à leur pas ténébreux. 6+6 b
« Le faible est sous leurs pieds comme un grain sous les meules. 6+6 a
Voyez ! Ils sont l’horreur, l’effroi, le mal sans frein ; 6+6 b
15 Ces cœurs sont des dragons, ces esprits ont des gueules, 6+6 a
Ces âmes à l’œil fauve ont des griffes d’airain. 6+6 b
« Ceci, c’est le Judas ; cela, c’est le Zoïle ; 6+6 a
Tous deux dans la nuit lâche on les voit se glisser ; 6+6 b
L’un baise et l’autre mord ; et, sanglante, âpre et vile, 6+6 a
20 La dent grince et rugit, jalouse du baiser. 6+6 b
« Ce maître foule aux pieds la femme sans défense, 6+6 a
Ou, limace du cœur, bave sur son printemps. 6+6 b
Ce vieux, pour s’enrichir, lie au travail l’enfance 6+6 a
Et rive à ce boulet des forçats de huit ans ; 6+6 b
25 « Il leur fait du labeur tourner la sombre roue, 6+6 a
Et, gorgé d’or, se vautre en tous ses appétits 6+6 b
Pendant qu’en ses poings noirs la fatigue secoue 6+6 a
Les membres frissonnants de ces pauvres petits. 6+6 b
« Ceux-ci, sur les vaincus jetant un œil farouche, 6+6 a
30 Disent : — Percez, frappez, tuez jusqu’au dernier ! — 6+6 b
Les chiens de Montfaucon viennent lécher leur bouche, 6+6 a
Tant leurs discours sont pleins de l’odeur du charnier. 6+6 b
« Ceux-ci dressent sur l’ombre une épée enflammée ; 6+6 a
Ceux-ci sur les blés d’or et les villes en feu 6+6 b
35 Font vomir les canons hideux, dont la fue 6+6 a
Se mêle, haillon noir, aux nuages de Dieu. 6+6 b
« Ceux-ci veulent glacer et brûler tout ensemble, 6+6 a
Et, tourmenteurs qu’on voit dans la nuit se pencher, 6+6 b
Soufflent en même temps sur la raison qui tremble 6+6 a
40 Et sur la vieille torche horrible du bûcher. 6+6 b
« Ceux-ci sont les heureux que tous les rayons dorent, 6+6 a
Et que les lâchetés servent à deux genoux ; 6+6 b
Regardez la beau sans âme qu’ils adorent ; 6+6 a
Elle est Vénus pour eux et squelette pour nous. 6+6 b
45 « Ceux-là sont les bourreaux que l’ombre a sous son aile ; 6+6 a
L’espérance agonise et s’éteint devant eux ; 6+6 b
Avec la corde sainte où pend l’ancre éternelle 6+6 a
Ils font le nœud coulant du gibet monstrueux. 6+6 b
« Cette langue est serpent, cette idée est tigresse ; 6+6 a
50 Ce juif contre un doublon pèse une âme en sa main ; 6+6 b
Ceux-ci, fouettant le nègre et fouettant la négresse, 6+6 a
Lâchent les chiens hurlants sur le bétail humain ; 6+6 b
« Ils mettent l’affreux bât de la bête de somme 6+6 a
À des esprits, comme eux pensant, comme eux vivant. 6+6 b
55 La chair humaine saigne entre les mains de l’homme ; 6+6 a
Le sauvage la mange et le chrétien la vend. 6+6 b
« Écoutez ces grands cris qui par moments s’élèvent ; 6+6 a
Voyez rire les uns et les autres trembler ; 6+6 b
Tous ne sont pas méchants, et quelques-uns qui rêvent 6+6 a
60 Ont des ailes dans l’ombre et voudraient s’envoler. » 6+6 b
Et les anges, cachés sous leurs radieux voiles, 6+6 a
Frémissent, l’œil en pleurs et le front attristé. 6+6 b
Nous sommes là pensifs, regardant les étoiles 6+6 a
À travers les barreaux de notre humanité. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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