Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_23/HUG1018
Victor HUGO
LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT
1881
DEUX VOIX DANS LE CIEL
ZÉNITH — NADIR
ZÉNITH
Je suis le haut.
NADIR
Je suisle bas.
ZÉNITH
J’ aime.
NADIR
Je ris. 6+6 a
ZÉNITH
Par l’ éblouissementles cœurs sont attendris. 6+6 a
Adorer, c’ est aimeren admirant. Ô cimes ! 6+6 a
Que le soleil est beausur les sommets sublimes ! 6+6 a
NADIR
Le dessous est charmant.
ZÉNITH
O Paris !
NADIR
5 O Paris ! 6+6 a
ZÉNITH
J’ apeois les cerveaux,les têtes, les esprits, 6+6 a
les vastes fronts, foyers rayonnent les âmes. 6+6 a
NADIR
Je m’ amuse. Je voisle vrai côté des femmes. 6+6 a
ZÉNITH
Joie immense ! Savoir !Sonder ! Voir jusqu’ au fond 6+6 a
10 ce que rêvent les forts,ce que les sages font ! 6+6 a
O grands cœurs des héros !
NADIR
Petits pieds de Suzette ! 6+6 a
ZÉNITH
Je lis le livre écritpar Dieu.
NADIR
Moi, la gazette 6+6 a
Que le diable griffonneau verso.
ZÉNITH
Croire est doux. 6+6 a
Marchez les yeux au ciel !
NADIR
Pour tomber dans les trous. 6+6 a
ZÉNITH
15 Cherchez les grands travauxet les grandes études, 6+6 a
vivez pensifs ! Plongezvotre âme aux solitudes ! 6+6 a
Allez ! Vous reviendrezmeilleurs.
NADIR
Et fort maigris. 6+6 a
ZÉNITH
Vivants ! enivrez-vousd’extases !
NADIR
Soyez gris. 6+6 a
ZÉNITH
Pensez !
NADIR
Buvez, mangez,faites-vous de gros ventres. 6+6 a
ZÉNITH
20 Chantez, oiseaux ; lions,rugissez dans vos antres ; 6+6 a
Vents, soufflez ; gonflez-vous,ô mers ; frémis, forêt ; 6+6 a
Prie, Adam ! — Le soleilse lève. Dieu part ! 6+6 a
NADIR
Crois-tu ?
ZÉNITH
Création,salut !
NADIR
Triste machine ! 6+6 a
ZÉNITH
Gloire à Dieu !
NADIR
Peuh !
ZÉNITH
Salut,ô France !
NADIR
Bonjour, Chine. 6+6 a
ZÉNITH
25 Venez, lutteurs saignants !Venez, grands hommes las ! 6+6 a
Dante avec Béatrix,Voltaire avec Calas ! 6+6 a
NADIR
Tiens ! Il laisse tomberpar terre la Pucelle ! 6+6 a
ZÉNITH
Shakspeare, resplendis ;Rabelais, étincelle ; 6+6 a
Byron, montre ton front !
NADIR
Et cache ton pied-bot. 6+6 a
ZÉNITH
Christ nt. J’ entends un bruitde harpe.
NADIR
30 Et de rabot. 6+6 a
ZÉNITH
Son père est roi.
NADIR
Son pèreest charpentier.
ZÉNITH
O psaumes ! 6+6 a
O David !
NADIR
O Joseph !O scie !
ZÉNITH
sont les chaumes 6+6 a
Est la paix. Le hameaum’attire.
NADIR
Allons-nous-en. 6+6 a
ZÉNITH
Aime le villageois.
NADIR
Mais crains le paysan. 6+6 a
ZÉNITH
35 J’ai l’œil sur les hauts lieux s’allume une gloire, 6+6 a
César a gagnésa plus grande victoire, 6+6 a
Juvénal farouchea fait son plus beau vers. 6+6 a
Je le sais, moi. Je voisl’endroit.
NADIR
Je vois l’envers. 6+6 a
ZÉNITH
Athène ! ô murs sacrés !beauté ! chefs-d’œuvre ! exemples ! 6+6 a
40 Strophes du statuaireécrites sur les temples ! 6+6 a
Michel-Ange, à genouxtu les étudias. 6+6 a
Raphaël effarécontemple Phidias ; 6+6 a
Les profonds bas-reliefs,pleins d’une vie étrange, 6+6 a
Devant le demi-dieufont frissonner l’archange. 6+6 a
45 O sourire éterneldes frontons dans l’azur ! 6+6 a
Sous ce mur immortelqu’a ciselé l’art pur, 6+6 a
Les générationscomme des fleuves roulent ; 6+6 a
Turcs et vénitienset bavarois s’écoulent ; 6+6 a
Les siècles, bûcheronsqui s’acharnent en vain, 6+6 a
50 Comparent, convoquéspar le sculpteur divin 6+6 a
Devant le Parthénonmutilé comme un arbre, 6+6 a
L’humanité d’argileà l’olympe de marbre. 6+6 a
Salut à Phidias !
NADIR
Bonsoir à lord Elgin ! 6+6 a
ZÉNITH
Justes, buvez l’ absinthe.
NADIR
Absinthe, vin et gin. 6+6 a
55 Riches, l’ orchestre chanteet les gorges sont nues ; 6+6 a
Le parc bleuâtre et fraislivre ses avenues ; 6+6 a
Les lustres d’ or, mêlésd’ amours et de griffons, 6+6 a
Pendent, buissons de flamme,à l’ anneau des plafonds ; 6+6 a
Dansez dans le salonet soupez dans la serre ; 6+6 a
60 Vous, les pauvres, les gueux,brutes de la misère, 6+6 a
Slez-vous dans un bougeà la lueur des suifs ! 6+6 a
ZÉNITH
Je regarde volerles aigles.
NADIR
Moi, les juifs. 6+6 a
ZÉNITH
Morus meurt pour la loi ;Caton, pour la patrie. 6+6 a
NADIR
La lâche multitudeobéit, tremble et crie. 6+6 a
65 Le cri monte de ceuxsur qui l’ on marche à ceux 6+6 a
Sur qui l’on frappe : serfs,moujiks, fellahs crasseux, 6+6 a
Esclaves. Les pavésse plaignent aux enclumes. 6+6 a
ZÉNITH
Que de couronnes d’or,que de chapeaux à plumes 6+6 a
Sur des fronts criminels !
NADIR
Quels gros clous aux souliers 6+6 a
De l’honnête homme !
ZÉNITH
70 O bons,vous êtes les piliers 6+6 a
Du ciel mystérieux gravitent les mondes ! 6+6 a
La raison de tout sortde vos âmes profondes. 6+6 a
Sans vous tout serait sombreet tout serait obscur. 6+6 a
La justice sacrée,et qui remplit l’azur, 6+6 a
75 Commence à l’honnête hommeet finit aux étoiles. 6+6 a
Les justes méconnusrayonnent sous leurs voiles ; 6+6 a
Comme le ciel, ils onten eux l’immensité, 6+6 a
Et, s’il est la lumière,ils sont la vérité. 6+6 a
NADIR
Buvons !
ZÉNITH
Gloire au soleil !
NADIR
Il rit de la nature. 6+6 a
80 Tous les échantillonsd’ esprit et de stature 6+6 a
Sont égaux et pareilsdevant ce bec de gaz, 6+6 a
Depuis Petit Poucetjusqu’ à Micromégas ! 6+6 a
ZÉNITH
Pudeur ! Le lys t’adoreet le ramier candide 6+6 a
T’aime, et l’aube te rit,virginité splendide, 6+6 a
85 Neige se poserale pied blanc de l’ amour. 6+6 a
NADIR
À bas la vierge ! à basle lys ! à bas le jour ! 6+6 a
Toute blancheur est fadeet bête.
ZÉNITH
Tais-toi, nègre ! 6+6 a
NADIR
Est-ce ma faute, à moi ?
L’ange ! Tu deviens aigre. 6+6 a
Le nez en l’air, au fondde toute chose assis, 6+6 a
90 tu vois des géants,je vois des raccourcis. 6+6 a
Ce que tu vois monter,moi, je le vois descendre. 6+6 a
Tu vois la flamme aux fronts,je vois aux pieds la cendre. 6+6 a
Tout tient à la façondont nous sommes placés. 6+6 a
ZÉNITH
Le bleu matin doraitl’herbe dans les fossés ; 6+6 a
95 Les froids tombeaux, devantle porche de l’église, 6+6 a
Dormaient. Au coin du boisPierre rencontra Lise, 6+6 a
Et lui dit : — Viens. — donc ?Au bois. — Je ne veux pas. 6+6 a
Les moissonneurs prenaientà l’ombre leur repas ; 6+6 a
Les gais pinsons jouaientsur les pierres des tombes. 6+6 a
100 Oh ! Là-bas, sur ce toit,vois toutes ces colombes ! 6+6 a
Dit-elle ; et Pierre dit :— C’est chez moi qu’on les voit. 6+6 a
Viens les voir. J’ai ma chambreau bord de ce vieux toit. 6+6 a
J’ai chez moi la colombeet sa sœur l’hirondelle. 6+6 a
Tu pourras dans tes mainsles prendre. — Vrai ? Dit-elle, 6+6 a
105 Dans mes mains ? — Dans tes mains !Viens-tu ? — Je n’ose pas. 6+6 a
Le sentier, complaisantou trtre, pas à pas, 6+6 a
les mena tous les deux,pensifs, vers la chaumière. 6+6 a
Tout le long du cheminLise avait peur de Pierre. 6+6 a
Pierre dit : — C’ est ici.— dans l’escalier étroit 6+6 a
110 Leurs souffles se mêlaient.Les colombes du toit, 6+6 a
Les entendant venir,fuirent à tire-d’aile. 6+6 a
donc est la colombe ? donc est l’hirondelle ? 6+6 a
Dit Lise ; et Pierre dittout bas : — O ma beauté, 6+6 a
Les oiseaux sont partis,mais l'amour est resté. 6+6 a
115 Des roses emplissaientce nid d’une odeur d’ambre ; 6+6 a
Elle entra rougissante
NADIR
À l’angle de la chambre, 6+6 a
Le vieux Satan riaitdans sa barbe de bouc. 6+6 a
Lise en ôtant ses baschantait l’air de Malbrouck. 6+6 a
ZÉNITH
Jacque, après son travail,las, brûlé par le hâle, 6+6 a
120 rentrait chez lui, son painsous son bras. Maigre et pâle, 6+6 a
une femme passait,son enfant à la main. 6+6 a
— du pain ! Cria l’ enfant.— la mère dit : — demain. 6+6 a
L’ enfant ploya son frontcomme l’ oiseau son aile. 6+6 a
— je ne crois pas en Dieu ;mon fils a faim ! Dit-elle. 6+6 a
125 Le pauvre doux enfantdit : — mère, ce n’ est rien. — 6+6 a
Jacques donna son pain.Ô Jacques, tu fis bien. 6+6 a
Pour que la mère croie,il faut que l’ enfant mange. 6+6 a
NADIR
Le mioche était horribleet monstrueux. Cet ange 6+6 a
louchait ; il ressemblaitvaguement à Dupin ; 6+6 a
130 et, pendant qu’ il mangeait,son nez noyait son pain. 6+6 a
ZÉNITH
L’œil de chair ment. L’esprit,c’est l’unique prunelle. 6+6 a
Les prophètes muraientleur grotte solennelle, 6+6 a
Et, dans l’ombre engloutis,vivaient dans la clarté. 6+6 a
L’âme ignore la nuitcomme la cécité. 6+6 a
135 L’âme voit à traversles paupières fermées. 6+6 a
O pures visionsdes choses innommées ! 6+6 a
Majesté du voyantque l’esprit seul conduit, 6+6 a
Qui n’a plus que son âmeouverte dans la nuit ! 6+6 a
Milton était aveugle.
NADIR
Et Camoëns fut borgne. 6+6 a
ZÉNITH
O Dieu. Je suis heureux !Je contemple.
NADIR
140 Je lorgne. 6+6 a
Platon contemple, et Juanlorgne ; il a l’œil battu, 6+6 a
Et Vénus dit tout basà don Juan : montes-tu ? 6+6 a
ZÉNITH
Silence !
NADIR
Mon don Juan,mon beau faquin robuste, 6+6 a
Dit Vénus, ce Platonn’est bon qu’à faire un buste. 6+6 a
ZÉNITH
Tout est bien, tout est beau.
NADIR
145 Hein ? Plt-il ? S’il vous plt ? 6+6 a
J’ai tant cherché le beauque j’ai trouvé le laid. 6+6 a
Tout est mal.
ZÉNITH
L’idéalrayonne, astre immobile. 6+6 a
NADIR
Satan m’a fait cadeaude l’âme de Zoïle ; 6+6 a
Je me la mets dans l’œilen guise de lorgnon. 6+6 a
ZÉNITH
Tout glorifie
NADIR
À bas !
ZÉNITH
Et tout affirme.
NADIR
150 Non ! 6+6 a
ZÉNITH
Le sage, inaccessibleà vos vices funèbres, 6+6 a
Hommes, est votre phareau milieu des ténèbres. 6+6 a
NADIR
Socrate était ivrogneet Thalès libertin. 6+6 a
ZÉNITH
Croyez.
NADIR
Le vrai pas plusque le beau n’ est certain. 6+6 a
155 Qui semble un singe aux grecssemble un homme aux osages. 6+6 a
ZÉNITH
Démocrite, Héracliteétaient les deux visages 6+6 a
Du genre humain.
NADIR
C’est Jeanqui pleure et Jean qui rit. 6+6 a
C’est toi, Zénith, et moi,Nadir.
ZÉNITH
Sinistre esprit, 6+6 a
N’approche pas ton nomdu mien.
NADIR
Bah !
ZÉNITH
Tais-toi, fange ! 6+6 a
NADIR
160 Monsieur, je suis un diableet vous êtes un ange ; 6+6 a
mais quand vous vous fâchezde la gté que j’ ai, 6+6 a
je rêve que quelqu’ unvous a pris votre ggé. 6+6 a
ZÉNITH
Qu’Ève, par toi perdueet dont tu fis la honte, 6+6 a
T’écrase sous son pied !
NADIR
Que Balaam vous monte ! 6+6 a
ZÉNITH
165 O Dieu vivant, pardonneau rire immonde et noir, 6+6 a
 Pardonne au rire misérable, 8 b
Toi qu’adore, inclinécomme l’arbre du soir, 6+6 a
 Le juste sombre et vénérable ! 8 b
Le rire hurle, et mordle bas du firmament ; 6+6 a
170  Il déchire, il souille, il écume, 8 b
Trouble la tombe, et crache,avec un grincement, 6+6 a
 Sur le monde, encensoir qui fume ! 8 b
Regarde sans courrouxle rire furieux, 6+6 a
 Le rire que rien ne désarme, 8 b
175 Dieu, vie, abîme, espoir !Grand œil mystérieux 6+6 a
 D’ tombe l’homme, cette larme ! 8 b
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