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HUG_23/HUG1016
Victor HUGO
LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT
1881
I
LE LIVRE SATIRIQUE
— LE SIÈCLE —
XLIII
ILS SONT TOUJOURS LÀ
Baal n’est pas tombé ; son temple, 8 a
Antre du vieux crime immortel, 8 b
Rayonne ; et Baal se contemple 8 a
Et s’adore assis sur l’autel ; 8 b
5 Il triomphe ; il a dans sa crypte 8 c
La vieille Inde et la vieille Égypte ; 8 c
Baal resplendit au milieu 8 d
Entre l’idole et la momie ; 8 e
Et la sombre terre endormie 8 e
10 Rêve que ce monstre est son Dieu. 8 d
Les deux frères de la géhenne, 8 a
Phalaris et Torquemada, 8 b
Attisent avec de la haine 8 a
L’âtre où le bœuf d’airain gronda ; 8 b
15 Tous deux, l’un est roi, l’autre est prêtre, 8 c
Chantent ; comme le chien son maître 8 c
La fournaise vient les lécher ; 8 d
Et pour ce front, et pour cette âme, 8 e
Un panache sort de la flamme, 8 e
20 Une mitre sort du bûcher. 8 d
Nemrod vit, et près d’eux flamboie ; 8 a
Il éclabousse leur brasier ; 8 b
Il étale l’horrible joie 8 a
De la trompette et de l’acier ; 8 b
25 Il va, splendide, affreux, sonore ; 8 c
Il frappe, il tue ; et l’on ignore, 8 c
Quand sur eux le regard descend, 8 d
Si la flamme, hydre aux sombres ailes, 8 e
Crache sur Dieu plus d’étincelles 8 e
30 Que le fer de gouttes de sang. 8 d
Midas, docteur, est dans sa chaire ; 8 a
Sur le champ, sur l’être hébété, 8 b
Il souffle la nuit, la jachère, 8 a
Le sommeil, l’imbécillité ; 8 b
35 Près de lui, pendant qu’il enseigne, 8 c
Un géant aveugle qui saigne 8 c
Suit à tâtons un noir chemin ; 8 d
Car l’ombre étouffe l’espérance, 8 e
Car dans ses deux mains l’ignorance 8 e
40 Tient les deux yeux du genre humain. 8 d
Cham est vivant, le fils infâme ; 8 a
Il brille, il est jeune, il est beau ; 8 b
Il noie aux débauches son âme ; 8 a
Il rit de son père au tombeau ; 8 b
45 Il n’a même plus de mémoire ; 8 c
Un flot sourd croît dans la nuit noire, 8 c
Il n’en sait rien ; et sans ennui, 8 d
Sans peur, sans chercher de refuge, 8 e
Il entend le bruit du déluge 8 e
50 Qui remonte derrière lui. 8 d
Judas n’est pas mort ; il trafique ; 8 a
Il travaille aux pièges tendus ; 8 b
Il est le marchand magnifique 8 a
Des Christs livrés, des dieux vendus ; 8 b
55 Sa drachme est un astre ; il partage 8 c
Son âme avec Londre et Carthage ; 8 c
Judas domine les vivants ; 8 d
Debout sur la terre, heureux, blême, 8 e
Fier, les mains pleines d’or, il sème 8 e
60 De la trahison dans les vents. 8 d
Dracon, juge, emploie au supplice 8 a
Du divin esprit Légion 8 b
Quatre forces saintes, Justice, 8 a
Famille, Ordre, Religion ; 8 b
65 Sous son fouet la Vérité râle ; 8 c
Il torture cet ange pâle 8 c
Sur l’horrible échafaud vermeil, 8 d
Et, front d’airain et cœur de pierre, 8 e
Fait écarteler la Lumière 8 e
70 Aux quatre chevaux du soleil ! 8 d
Messaline n’est pas levée ; 8 a
Elle est toujours là dans son lit ; 8 b
C’est à peine, la réprouvée, 8 a
Si, quand vient l’aube, elle pâlit ; 8 b
75 Toujours belle, calme, effrontée, 8 c
Elle éclate d’un rire athée 8 c
Sans pudeur, sans peur, sans ennui ; 8 d
La prostituée éternelle 8 e
À changé de nom et s’appelle 8 e
80 Conscience Humaine aujourd’hui. 8 d
Le vieux Caïn, aïeul prospère, 8 a
S’est fait un trône de l’affront ; 8 b
Les crimes lui disent : mon père ! 8 a
Il baise les vices au front. 8 b
85 Il rit de voir partout le glaive 8 c
Et, sur toutes les croix qu’élève 8 c
À tous ses étages Babel, 8 d
Aux gibets qu’on hait ou révère, 8 e
À Montfaucon comme au Calvaire, 8 e
90 L’immense cadavre d’Abel. 8 d
Ils sont libres, joyeux, superbes ; 8 a
Les vils chantent les meurtriers ; 8 b
Tous ont les mains pleines de gerbes, 8 a
De fleurs, de rayons, de lauriers ; 8 b
95 Qui ne voit qu’eux cesse de croire ; 8 c
Toute la honte est de la gloire ; 8 c
Et c’est Dieu qui semble puni ; 8 d
Sous le firmament qui s’effare, 8 e
Ils passent, comme la fanfare 8 e
100 Du néant devant l’infini. 8 d
À l’autre extrémité du monde, 8 a
Satan, le sinistre oublié, 8 b
Satan, le responsable immonde, 8 a
Seul, farouche et triste, est lié ; 8 b
105 Au-dessus de ses fils sans nombre, 8 c
Satan rêve, adossé dans l’ombre 8 c
Au poteau de l’immensité ; 8 b
Et, debout sous les cieux funèbres, 8 d
Il a ce masque, les Ténèbres, 8 d
110 Et ce carcan, l’Éternité. 8 b
mètre profil métrique : 8
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