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HUG_23/HUG1014
Victor HUGO
LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT
1881
I
LE LIVRE SATIRIQUE
— LE SIÈCLE —
XLI
Qui que tu sois qui tiens un peuple dans ta main, 6+6 a
Sultan, czar pseudo-grec, César pseudo-romain, 6+6 a
Roi pour rire, empereur pour pleurer, Claude ou Jacques, 6+6 b
Bonjour. Prospère, mange et règne, et fais tes pâques. 6+6 b
5 Je ne conteste pas ton prestige, et l’émoi 6+6 a
Que cause aux bonnes gens Ta Majesté. Pour moi, 6+6 a
Quand dans la rue un roi, que sa garde enveloppe, 6+6 b
Doré, superbe, orné de sabres nus, galope, 6+6 b
Ma foi, je tourne moins la tête que si c’est 6+6 a
10 Lise qui passe avec une rose au corset ; 6+6 a
Mais c’est un goût bizarre, et tous les autres hommes 6+6 b
Admirent qui leur fait payer de grosses sommes. 6+6 b
Donc sois heureux. Jouis du droit qu’on a d’abord 6+6 a
D’avaler son voisin si l’on est le plus fort ; 6+6 a
15 Va ! Dans la probi des princes rien n’accroche ; 6+6 b
Leur conscience auguste et sainte est une poche 6+6 b
Si grande qu’il y tient un royaume, et qu’on peut 6+6 a
Y fourrer tout un peuple et dessus faire un nœud, 6+6 a
Et saisir Oldenbourg, Nassau, Hambourg, Hanovre, 6+6 b
20 D’un tour de main, avec le riche, avec le pauvre, 6+6 b
Avec châteaux, budgets et millions, avec 6+6 a
Prêtres et sénateurs, le Te Deum au bec. 6+6 a
Par-dessus le marché, vous êtes un grand homme. 6+6 b
C’est fait. Bandit, fi donc ! C’est héros qu’on vous nomme. 6+6 b
25 Prenez Francfort, ou bien Venise avec Saint-Marc. 6+6 a
Ce qui fut Metternich est aujourd’hui Bismarck ; 6+6 a
Tibère est un lion dont Séjan est la griffe. 6+6 b
Puisque le maître est grand, qu’importe l’escogriffe. 6+6 b
Tout est bien. Hurrah ! Prince ! Aie un casque pointu. 6+6 a
30 Flanque au bagne l’honneur, la gloire, la vertu ; 6+6 a
Ôte à ceux-ci leur droit, à ceux-là leur patrie ; 6+6 b
Complète ta grandeur par de la Sibérie ; 6+6 b
Soit.
Mais aie à l’esprit ceci présent, mon cher. 6+6 a
En même temps qu’on est de marbre, on est de chair. 6+6 a
35 Parfois on est un monstre en croyant être un ange, 6+6 b
Mais, quoi qu’on fasse, on est un homme. Chose étrange, 6+6 b
Un roi, cela vieillit, même un roi fort puissant. 6+6 a
Les rois ont des poumons, de la bile, du sang, 6+6 a
Un cœur, qui le croirait ? Et même des entrailles ; 6+6 b
40 La fièvre avant l’émeute a fréquenté Versailles ; 6+6 b
Le ventre peut manquer de respect ; les boyaux 6+6 a
Osent mal digérer les aliments royaux ; 6+6 a
Bons rois ! Dieu joue avec leur majesté contrite ; 6+6 b
Dans la toute-puissance il a mis la gastrite ; 6+6 b
45 Il faut bien l’avouer, dût en frémir d’Hozier, 6+6 a
Ainsi que les dindons, les rois ont un gésier ; 6+6 a
Louis le Grand avait un anus ; on constate 6+6 b
Quelquefois, chez César lui-même, une prostate ; 6+6 b
Charles neuf, faible et mou comme un jonc sous le vent, 6+6 a
50 Fut par les vers de terre habité tout vivant. 6+6 a
Or les sages pensifs font remarquer aux princes 6+6 b
Qu’il est toujours ai d’empoigner des provinces, 6+6 b
Mais qu’un roi ne peut prendre, en eût-il grand besoin, 6+6 a
Un muscle de son râble au crocheteur du coin. 6+6 a
55 Un César souvent porte, à son dos qui cahote, 6+6 b
Son empire moins bien qu’un chiffonnier sa hotte, 6+6 b
Mais il ferait tuer ses preux jusqu’au dernier 6+6 a
Avant de conquérir les reins du chiffonnier. 6+6 a
Majesté, vous aurez plutôt Rome, la Chine, 6+6 b
60 L’Inde, qu’une vertèbre ou deux de son échine. 6+6 b
La migraine se plaît sous les couronnes d’or ; 6+6 a
Malgré l’huissier de garde au fond du corridor, 6+6 a
Elle entre. Trop d’azote et pas assez d’ozone, 6+6 b
C’est assez pour qu’allant du Gange à l’Amazone, 6+6 b
65 Le choléra-morbus s’abatte à plomb sur vous ; 6+6 a
L’effrayant typhus passe, il rend les hommes fous, 6+6 a
Vous êtes empereur, mais gare tout de même. 6+6 b
Vous dites : je suis presque un Alexandre. On m’aime ! 6+6 b
Eh bien, même Campaspe et même Éphestion 6+6 a
70 N’ont pas à votre place une indigestion. 6+6 a
C’est doux d’avoir, avec des vins à pleine amphore, 6+6 b
Des femmes plus que n’a de vagues le Bosphore ; 6+6 b
Sérails et festins sont charmants, et malfaisants. 6+6 a
Les gens de Géorgie apportent tous les ans 6+6 a
75 Une vierge au sultan, c’est une politesse ; 6+6 b
Mais ne peuvent, hélas, quand même sa hautesse 6+6 b
Daignerait les rouer de coups de nerf de bœuf, 6+6 a
Avec la viande fraîche offrir l’estomac neuf. 6+6 a
On crache, on tousse, même en la plus haute sphère. 6+6 b
80 La nature est parfois insolente. Qu’y faire ? 6+6 b
On est le grand passant d’Arcole et d’Iéna ; 6+6 a
On est le cavalier de la victoire ; on a 6+6 a
Pour soleil Austerlitz et pour ombre brumaire, 6+6 b
Si bien que Juvénal vous prend aux mains d’Homère ; 6+6 b
85 Cela n’empêche pas le sternum d’exister. 6+6 a
Qui frappe ? C’est la mort qui vient vous débotter, 6+6 a
Sire.
On a beau régner, se faire un entourage 6+6 b
De trompettes, d’encens, de fumée et d’orage ; 6+6 b
On a beau se coiffer de lauriers sur les sous, 6+6 a
90 Avoir sous soi le peuple en paysans dissous, 6+6 a
Être le criméen, l’africain, le dacique, 6+6 b
S’asseoir sur l’aigle ainsi que le Jupin classique, 6+6 b
Se loger au Kremlin, vivre à l’Escurial, 6+6 a
Au moment où l’on est le plus impérial, 6+6 a
95 À l’heure où l’on remplit de son nom les deux pôles, 6+6 b
Voilà qu’on est poussé dehors par les épaules. 6+6 b
À rien ne sert d’aller se cacher dans des trous. 6+6 a
Dieu vient. On perd sa peine à fermer les verrous. 6+6 a
Ce fâcheux-là n’est point un de ceux qu’on évite. 6+6 b
100 Hélas, mon prince, on meurt brutalement et vite. 6+6 b
Il suffit d’un cheval emporté, d’un gravier 6+6 a
Dans le flanc, d’une porte entr’ouverte en janvier, 6+6 a
D’un rétrécissement du canal de l’urètre, 6+6 b
Pour qu’au lieu d’une fille on voie entrer un prêtre. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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