Métrique en Ligne
HUG_23/HUG1010
Victor HUGO
LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT
1881
I
LE LIVRE SATIRIQUE
— LE SIÈCLE —
XXXVII
Je suis haï. Pourquoi ? Parce que je défends 6+6 a
Les faibles, les vaincus, les petits, les enfants. 6+6 a
Je suis calomnié. Pourquoi ? Parce que jaime 6+6 b
Les bouches sans venin, les cœurs sans stratagème. 6+6 b
5 Le bonze aux yeux baissés m’abhorre avec ferveur, 6+6 a
Mais qu’est-ce que cela me fait, à moi rêveur ? 6+6 a
Je sens au fond des cieux quelqu’un qui voit mon âme ; 6+6 b
Cela suffit. Le flot ne brise point la rame, 6+6 b
Le vent ne brise pas l’aile, l’adversité 6+6 a
10 Ne brise pas l’esprit qui va vers la clarté. 6+6 a
Je vois en moi l’erreur tomber et le jour croître ; 6+6 b
Je sens grandir le temple et s’écrouler le cloître. 6+6 b
Rien de fermé. Le ciel ouvert. L’étoile à nu. 6+6 a
L’idole disparaît, Dieu vient. C’est l’inconnu, 6+6 a
15 Mais le certain. Je sens dans mon âme ravie 6+6 b
La dilatation superbe de la vie, 6+6 b
Et la sécurité du fond vrai sous mes pas. 6+6 a
L’abri pour le sommeil, le pain pour le repas, 6+6 a
Je les trouve. D’ailleurs les heures passent vite. 6+6 b
20 Quelquefois on me suit, quelquefois on m’évite ; 6+6 b
Je vais. Souvent mes pieds sont las, mon cœur jamais. 6+6 a
Le juste, — Hélas, je saigne, où sont ceux que j’aimais ? — 6+6 a
Sent qu’il va droit au but quand au hasard il marche. 6+6 b
Je suis, comme jadis l’antique patriarche, 6+6 b
25 Penché sur une énigme où j’aperçois du jour. 6+6 a
Je crie à l’ombre immense : Amour ! Amour ! Amour ! 6+6 a
Je dis : espère et crois, qui que tu sois qui souffres ! 6+6 b
Je sens trembler sous moi l’arche du pont des gouffres ; 6+6 b
Pourtant je passerai, j’en suis sûr. Avançons. 6+6 a
30 Par moments la forêt penche tous ses frissons 6+6 a
Sur ma tête, et la nuit m’attend dans les bois traîtres ; 6+6 b
Je suis proscrit des rois, je suis maudit des prêtres ; 6+6 b
Je ne sais pas un mois d’avance où je serai 6+6 a
Le mois suivant, l’orage étant démesuré ; 6+6 a
35 Puis l’azur reparaît, l’azur que rien n’altère ; 6+6 b
Ma route, blanche au ciel, est noire sur la terre ; 6+6 b
Je subis tour à tour tous les vents de l’exil ; 6+6 a
J’ai contre moi quiconque est fort, quiconque est vil ; 6+6 a
Ceux d’en bas, ceux d’en haut pour m’abattre s’unissent ; 6+6 b
40 Mais qu’importe ! Parfois des berceaux me bénissent, 6+6 b
L’homme en pleurs me sourit, le firmament est bleu, 6+6 a
Et faire son devoir est un droit. Gloire à Dieu ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
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