Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_23/HUG1002
Victor HUGO
LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT
1881
I
LE LIVRE SATIRIQUE
— LE SIÈCLE —
XXIX
Muse, un nommé Ségur,évêque, m’est hostile ; 6+6 a
Cet homme violetme damne en mauvais style ; 6+6 a
Sa prose réjouitles hiboux dans leurs trous. 6+6 b
Ô Muse, n’ayons pointcontre lui de courroux. 6+6 b
5 Laissons-lui ce joujouqu’il prend pour un tonnerre, 6+6 a
Sa haine.
Il est d’ailleursà plaindre. Au séminaire, 6+6 a
Un jour que ce petitbonhomme plein d’ennui 6+6 b
Bêlait un oremusau hasard devant lui, 6+6 b
Comme glousse l’oison,comme la vache meugle, 6+6 a
10 Il s’écria : ― Mon Dieu !Je voudrais être aveugle ! ― 6+6 a
Ne trouvant pas qu’il fîtassez nuit comme ça. 6+6 b
Le bon Dieu, le faisantidiot, l’exauça. 6+6 b
L’insulte est aujourd’huitrès perfectionnée. 6+6 a
On prend un peu de suieen une cheminée, 6+6 a
15 Un peu d’ordure au coind’une borne, à l’égt 6+6 b
De la fange, et celatient lieu d’esprit, de gt, 6+6 b
De bon sens, de syntaxeet d’honneur ; c’est la mode. 6+6 a
Bons ulémas, tel estle procédé commode 6+6 a
Que votre zèle metau service du ciel, 6+6 b
20 Et c’est avec la boucheécumante de fiel, 6+6 b
Avec la diatribeen guise de sourire, 6+6 a
Que vous venez, damnantceux qu’on n’ose proscrire, 6+6 a
Nous faire vos gros yeux,nous montrer vos gros poings, 6+6 b
Nous dire vos gros mots,ô nos chers talapoins ! 6+6 b
25 On vous pardonne. Eh bien,quoi, Ségur m’exorcise. 6+6 a
Après ?
Il me mauditd’une façon concise ; 6+6 a
Il me peint de son mieux,et voici le pastel 6+6 b
À peu près :
― « Monstre horrible.On n’a rien vu de tel. 6+6 b
Informe, épouvantableet ténébreux. Un homme 6+6 a
30 Qui brûlerait Pariset démolirait Rome. 6+6 a
Voluptueux. Un peule chef des assassins. 6+6 b
Bref, capable de tout.Foulant aux pieds les saints, 6+6 b
Les lois, l’église et Dieu.Ruinant son libraire. » 6+6 a
Faisons chorus. Hurleravec le loup, et braire 6+6 a
35 Avec l’évêque, eh bien,c’est un droit. Usons-en. 6+6 b
J’aime en ce noble abbéce style paysan. 6+6 b
C’est poissard, c’est exquis.Bravo. Cela vous plonge 6+6 a
Dans une vague extase l’on sent le mensonge. 6+6 a
Doux prêtre ! On entend rireaux éclats Diderot, 6+6 b
40 Molière, Rabelais,et l’on ne sait pas trop, 6+6 b
Dans cette vision le démon chuchote, 6+6 a
Si l’on voit un évêqueayant au dos la hotte 6+6 a
Ou bien un chiffonnierayant la mitre au front. 6+6 b
L’antienne, quand un peude bave l’interrompt, 6+6 b
45 À du charme ; on est prêtreet l’on a de la bile. 6+6 a
D’ailleurs, Muse, chacunsur terre a son Zoïle, 6+6 a
Et Voltaire a Fréroncomme Dante a Cecchi. 6+6 b
Et puis cela se vend.Combien ? Six sous. À qui ? 6+6 b
Aux sots. C’est un public.Les mâchoires fossiles 6+6 a
50 Veulent rire ; le clanmoqueur des imbéciles 6+6 a
Veut qu’on l’amuse ; il estfort nombreux aujourd’hui ; 6+6 b
N’a-t-il donc pas le droitqu’on travaille pour lui ? 6+6 b
Depuis quand n’est-il pluspermis d’emplir les cruches ? 6+6 a
Tout a son instinct. Commeun frelon vole aux ruches, 6+6 a
55 Comme à Lucrèce au litcourt Alexandre six, 6+6 b
Comme Corydon suitle charmant Alexis, 6+6 b
Comme un loup suit les boucs,et le bouc les cytises, 6+6 a
Comme avril fait des fleurs,Ségur fait des sottises. 6+6 a
Il le faut.
Muse, il siedque le sage indulgent 6+6 b
60 Rêve, écoute, et devienneun bon homme en songeant, 6+6 b
Qu’il regarde passerles vivants, qu’il les pèse, 6+6 a
Et qu’au lieu de l’aigrir,ce spectacle l’apaise. 6+6 a
Ainsi soit-il.
Et puis,allons au fait. Voyons, 6+6 b
Suis-je correct ? L’hostieavec tous ses rayons 6+6 b
65 M’éblouit-elle autantque le soleil ? Ce prêtre 6+6 a
Me voit-il le dimancheà sa messe appartre ? 6+6 a
Ai-je même jamaisfait semblant de vouloir 6+6 b
Lui conter mes péchéstous bas dans son parloir ? 6+6 b
Quand suis-je allé chez lui,reniant ma doctrine, 6+6 a
70 Me donner de grands coupsde poing dans la poitrine ? 6+6 a
Je suis un endurci.Ségur s’en apeoit. 6+6 b
Je suis athée au pointde douter que Dieu soit 6+6 b
Charmé de se chaufferles mains au feu du diable, 6+6 a
Qu’il ait mis l’incurableet l’irrémédiable 6+6 a
75 Dans l’homme, être ignorant,faible, chétif, charnel, 6+6 b
Afin d’en faire hommageau supplice éternel, 6+6 b
Qu’il ait exprès fourréSatan dans la nature, 6+6 a
Et qu’il ait, lui, l’auteurde toute créature, 6+6 a
Pouvant vider l’enferet le fermer à clé, 6+6 b
80 Fait un brûleur, afinde créer un brûlé ; 6+6 b
Que les mille soleilsdont là-haut le feu tremble 6+6 a
Se mettent un beau jourà tomber tous ensemble, 6+6 a
J’en doute ; et quand je vois,au fond du zénith bleu, 6+6 b
Les sept astres de l’Ourseallumés, je crois peu 6+6 b
85 Que jamais le plafondcéleste se délabre 6+6 a
Jusqu’à ne pouvoir plusporter ce candélabre. 6+6 a
Je sais que dans la bibleon trouve ce cliché, 6+6 b
La Fin du Monde ; maisla science a marché. 6+6 b
Moïse est vieux ; est-ilsur terre un quadrumane 6+6 a
90 Qui lève au ciel les yeuxpour voir pleuvoir la manne ? 6+6 a
Je trouve par momentsplus d’esprit, je le dis, 6+6 b
Aux singes d’à présentqu’aux hommes de jadis. 6+6 b
Pape, Dieu, ce n’est pasle même personnage. 6+6 a
J’aime la cathédraleet non le moyen-âge. 6+6 a
95 Qu’est-ce qu’un dogme, un culte,un rite ? Un objet d’art. 6+6 b
Je puis l’admirer ; maiss’il égare un soudard, 6+6 b
S’il grise un fou, s’il tueun homme, je l’abhorre. 6+6 a
Plus d’idole ! Et j’opposeà l’encens l’ellébore. 6+6 a
Quand une abbesse, à quiquelque nonne déplt, 6+6 b
100 Lui fait brouter de l’herbeà côté d’un mulet, 6+6 b
J’ose dire que c’estmal nourrir une femme ; 6+6 a
J’admire un arbre en fleursplus qu’un bûcher en flamme ; 6+6 a
Je suis peu furieux ;j’aime Voltaire enfin 6+6 b
Mieux que saint Cupertinet que saint Cucufin, 6+6 b
105 Et je préfère à toutce que dit saint Pancrace, 6+6 a
Saint Loup, saint Labre ou saintPacôme, un vers d’Horace. 6+6 a
Tels sont mes gts. Je suisincorrigible. Et quand 6+6 b
Floréal, comme un chefqui réveille le camp, 6+6 b
Met les nids en rumeur,et quand mon vers patauge, 6+6 a
110 Éperdu, dans le thym,la verveine et la sauge, 6+6 a
Quand la plaine est en joie,et quand l’aube est en feu, 6+6 b
Je crois tout bonnement,tout bêtement en Dieu. 6+6 b
En même temps j’ai l’âmeâprement enivrée 6+6 a
Du sombre ennui de voirtant d’hommes en livrée, 6+6 a
115 Tant de deuils, tant de frontscourbés, tant de cœurs bas, 6+6 b
Là, tant de lits de pourpre,et là, tant de grabats. 6+6 b
Mon Dieu n’est ni payen,ni chrétien, ni biblique ; 6+6 a
Ce Dieu-là, je l’imploreen la douleur publique ; 6+6 a
C’est vers lui que je suistourné, vieux lutteur las, 6+6 b
120 Quand je crie au milieudes ténèbres : — Hélas ! 6+6 b
Sur la grève que battoute la mer humaine, 6+6 a
Grève le flux apporte, le reflux remmène 6+6 a
Les flots hideux jetantl’écume aux alcyons, 6+6 b
Qui donc apporteradans l’ombre aux nations 6+6 b
125 Ou l’éclair de Parisou le rayon de France ? 6+6 a
Qui donc rallumerace phare, l’espérance ? ― 6+6 a
Donc j’ai ce grave tortde n’être point dévot ; 6+6 b
Je ne le suis pas mêmeau parti qui prévaut ; 6+6 b
Je n’aime pas qu’aprèsla victoire on sévisse ; 6+6 a
130 C’est affreux, je pardonne ;et je suis au service 6+6 a
Des vaincus ; et, songeantque ma mère aux abois 6+6 b
Fut jadis vendéenne,en fuite dans les bois, 6+6 b
J’ose de la pitiéfaire la propagande ; 6+6 a
Je suis le fils brigandd’une mère brigande. 6+6 a
135 Être clément, c’est êtreatroce ; ou pour le moins, 6+6 b
Stupide. Je le suis,toujours, devant témoins, 6+6 b
Partout. Les autres sontles vautours ; je suis l’oie. 6+6 a
Oui, quand la lâchetépublique se déploie, 6+6 a
Il me plt d’être seulet d’être le dernier. 6+6 b
140 Quand le væ victis règne,et va jusqu’à nier 6+6 b
La quantité de droitqui reste à ceux qui tombent, 6+6 a
Quand, nul ne protestant,les principes succombent, 6+6 a
Cette fuite de tousm’attire. Me voilà. 6+6 b
Comment veut-on qu’un prêtreaccepte tout cela ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université