Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_2/HUG559
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome II
AUJOURD'HUI
1845-1855
LIVRE SIXIÈME
AU BORD DE L'INFINI
XXVI
Ce que dit la bouche d'ombre
L'homme en songeant descend | au gouffre universel. 6+6 a
J'errais près du dolmen | qui domine Rozel, 6+6 a
À l'endroit où le cap | se prolonge en presqu'île. 6+6 a
Le spectre m'attendait ; | l'être sombre et tranquille 6+6 a
5 Me prit par les cheveux | dans sa main qui grandit, 6+6 a
M'emporta sur le haut | du rocher, et me dit : 6+6 a
*
Sache que tout connaît | sa loi, son but, sa route ; 6+6 a
Que, de l'astre au ciron, | l'immensité s'écoute ; 6+6 a
Que tout a conscience | en la création ; 6+6 a
10 Et l'oreille pourrait | avoir sa vision, 6+6 a
Car les choses et l'être | ont un grand dialogue. 6+6 a
Tout parle ; l'air qui passe | et l'alcyon qui vogue, 6+6 a
Le brin d'herbe, la fleur, | le germe, l'élément. 6+6 a
T'imaginais-tu donc | l'univers autrement ? 6+6 a
15 Crois-tu que Dieu, par qui | la forme sort du nombre, 6+6 a
Aurait fait à jamais | sonner la forêt sombre, 6+6 a
L'orage, le torrent | roulant de noirs limons, 6+6 a
Le rocher dans les flots, | la bête dans les monts, 6+6 a
La mouche, le buisson, | la ronce où croît la mûre, 6+6 a
20 Et qu'il n'aurait rien mis | dans l'éternel murmure ? 6+6 a
Crois-tu que l'eau du fleuve | et les arbres des bois, 6+6 a
S'ils n'avaient rien à dire, | élèveraient la voix ? 6+6 a
Prends-tu le vent des mers | pour un joueur de flûte ? 6+6 a
Crois-tu que l'océan, | qui se gonfle et qui lutte, 6+6 a
25 Serait content d'ouvrir | sa gueule jour et nuit 6+6 a
Pour souffler dans le vide | une vapeur de bruit, 6+6 a
Et qu'il voudrait rugir, | sous l'ouragan qui vole, 6+6 a
Si son rugissement | n'était une parole ? 6+6 a
Crois-tu que le tombeau, | d'herbe et de nuit vêtu, 6+6 a
30 Ne soit rien qu'un silence ? | et te figures-tu 6+6 a
Que la création | profonde, qui compose 6+6 a
Sa rumeur des frissons | du lys et de la rose, 6+6 a
De la foudre, des flots, | des souffles du ciel bleu, 6+6 a
Ne sait ce qu'elle dit | quand elle parle à Dieu ? 6+6 a
35 Crois-tu qu'elle ne soit | qu'une langue épaissie ? 6+6 a
Crois-tu que la nature | énorme balbutie, 6+6 a
Et que Dieu se serait, | dans son immensité, 6+6 a
Donné pour tout plaisir, | pendant l'éternité, 6+6 a
D'entendre bégayer | une sourde-muette ? 6+6 a
40 Non, l'abîme est un prêtre | et l'ombre est un poëte ; 6+6 a
Non, tout est une voix | et tout est un parfum ; 6+6 a
Tout dit dans l'infini | quelque chose à quelqu'un ; 6+6 a
Une pensée emplit | le tumulte superbe. 6+6 a
Dieu n'a pas fait un bruit | sans y mêler le Verbe. 6+6 a
45 Tout, comme toi, gémit, | ou chante comme moi ; 6+6 a
Tout parle. Et maintenant, | homme, sais-tu pourquoi 6+6 a
Tout parle ? Écoute bien. | C'est que vents, ondes, flammes, 6+6 a
Arbres, roseaux, rochers, | tout vit !
Tout est plein d'âmes. 6+6 a
Mais comment ? Oh ! voilà | le mystère inouï. 6+6 a
50 Puisque tu ne t'es pas | en route évanoui, 6+6 a
Causons.
*
Dieu n'a créé | que l'être impondérable. 6+6 a
Il le fit radieux, | beau, candide, adorable, 6+6 a
Mais imparfait ; sans quoi, | sur la même hauteur, 6+6 a
La créature étant | égale au créateur, 6+6 a
55 Cette perfection, | dans l'infini perdue, 6+6 a
Se serait avec Dieu | mêlée et confondue, 6+6 a
Et la création, | à force de clarté, 6+6 a
En lui serait rentrée | et n'aurait pas été. 6+6 a
La création sainte | où rêve le prophète, 6+6 a
60 Pour être, ô profondeur ! | devait être imparfaite. 6+6 a
Donc, Dieu fit l'univers, | l'univers fit le mal. 6+6 a
L'être créé, paré | du rayon baptismal, 6+6 a
En des temps dont nous seuls | conservons la mémoire, 6+6 a
Planait dans la splendeur | sur des ailes de gloire ; 6+6 a
65 Tout était chant, encens, | flamme, éblouissement ; 6+6 a
L'être errait, aile d'or, | dans un rayon charmant, 6+6 a
Et de tous les parfums | tour à tour était l'hôte ; 6+6 a
Tout nageait, tout volait. |
Or, la première faute 6+6 a
Fut le premier poids.
Dieu | senti une douleur. 6+6 a
70 Le poids prit une forme, | et, comme l'oiseleur 6+6 a
Fuit emportant l'oiseau | qui frisonne et qui lutte, 6+6 a
Il tomba, traînant l'ange | éperdu dans sa chute. 6+6 a
Le mal était fait. Puis | tout alla s'aggravant ; 6+6 a
Et l'éther devint l'air, | et l'air devint le vent ; 6+6 a
75 L'ange devint l'esprit, | et l'esprit devint l'homme. 6+6 a
L'âme tomba, des maux | multipliant la somme, 6+6 a
Dans la brute, dans l'arbre, | et même, au-dessous d'eux, 6+6 a
Dans le caillou pensif, | cet aveugle hideux. 6+6 a
Êtres vils qu'à regret | les anges énumèrent ! 6+6 a
80 Et de tous ces amas | des globes se formèrent, 6+6 a
Et derrière ces blocs | naquit la sombre nuit. 6+6 a
Le mal, c'est la matière. | Arbre noir, fatal fruit. 6+6 a
*
Ne réfléchis-tu pas | lorsque tu vois ton ombre ? 6+6 a
Cette forme de toi, | rampante, horrible, sombre, 6+6 a
85 Qui, liée à tes pas | comme un spectre vivant, 6+6 a
Va tantôt en arrière | et tantôt en avant, 6+6 a
Qui se mêle à la nuit, | sa grande sœur funeste, 6+6 a
Et qui contre le jour, | noire et dure, proteste, 6+6 a
D'où vient-elle ? De toi, | de ta chair, du limon 6+6 a
90 Dont l'esprit se revêt | en devenant démon ; 6+6 a
De ce corps qui, créé | par ta faute première, 6+6 a
Ayant rejeté Dieu, | résiste à la lumière ; 6+6 a
De ta matière, hélas ! | de ton iniquité. 6+6 a
Cette ombre dit : — Je suis | l'être d'infirmité ; 6+6 a
95 Je suis tombé déjà ; | je puis tomber encore. — 6+6 a
L'ange laisse passer | à travers lui l'aurore ; 6+6 a
Nul simulacre obscur | ne suit l'être aromal ; 6+6 a
Homme, tout ce qui fait | de l'ombre a fait le mal. 6+6 a
*
Maintenant, c'est ici | le rocher fatidique, 6+6 a
100 Et je vais t'expliquer | tout ce que je t'indique ; 6+6 a
Je vais t'emplir les yeux | de nuit et de lueurs. 6+6 a
Prépare-toi, front triste, | aux funèbres sueurs. 6+6 a
Le vent d'en haut sur moi | passe, et, ce qu'il m'arrache, 6+6 a
Je te le jette ; prends, | et vois.
Et, d'abord, sache 6+6 a
105 Que le monde où tu vis | est un monde effrayant 6+6 a
Devant qui le songeur, | sous l'infini ployant, 6+6 a
Lève les bras au ciel | et recule terrible. 6+6 a
Ton soleil est lugubre | et ta terre est horrible. 6+6 a
Vous habitez le seuil | du monde châtiment. 6+6 a
110 Mais vous n'êtes pas hors | de Dieu complètement ; 6+6 a
Dieu, soleil dans l'azur, | dans la cendre étincelle, 6+6 a
N'est hors de rien, étant | la fin universelle ; 6+6 a
L'éclair est son regard, | autant que le rayon ; 6+6 a
Et tout, même le mal, | est la création, 6+6 a
115 Car le dedans du masque | est encor la figure. 6+6 a
— O sombre aile invisible | à l'immense envergure ! 6+6 a
Esprit ! esprit ! esprit ! | m'écriai-je éperdu. 6+6 a
Le spectre poursuivit | sans m'avoir entendu : 6+6 a
*
Faisons un pas de plus | dans ces choses profondes. 6+6 a
120 Homme, tu veux, tu fais, | tu construis et tu fondes, 6+6 a
Et tu dis : — Je suis seul, | car je suis le penseur. 6+6 a
L'univers n'a que moi | dans sa morne épaisseur. 6+6 a
En deçà, c'est la nuit ; | au delà, c'est le rêve. 6+6 a
L'idéal est un œil | que la science crève. 6+6 a
125 C'est moi qui suis la fin | et qui suis le sommet. — 6+6 a
Voyons ; observes-tu | le bœuf qui se soumet ? 6+6 a
Écoutes-tu le bruit | de ton pas sur les marbres ? 6+6 a
Interroges-tu l'onde ? | et, quand tu vois des arbres, 6+6 a
Parles-tu quelquefois | à ces religieux ? 6+6 a
130 Comme sur le versant | d'un mont prodigieux, 6+6 a
Vaste mêlée aux bruits | confus, du fond de l'ombre, 6+6 a
Tu vois monter à toi | la création sombre. 6+6 a
Le rocher est plus loin, | l'animal est plus près. 6+6 a
Comme le faite altier | et vivant, tu parais ! 6+6 a
135 Mais, dis, crois-tu que l'être | illogique nous trompe ? 6+6 a
L'échelle que tu vois, | crois-tu qu'elle se rompe ? 6+6 a
Crois-tu, toi dont les sens | d'en haut sont éclairés, 6+6 a
Que la création | qui, lente et par degrés, 6+6 a
S'élève à la lumière, | et, dans sa marche entière, 6+6 a
140 Fait de plus de clarté | luire moins de matière 6+6 a
Et mêle plus d'instincts | au monstre décroissant, 6+6 a
Crois-tu que cette vie | énorme, remplissant 6+6 a
De souffles le feuillage | et de lueurs la tête, 6+6 a
Qui va du roc à l'arbre | et de l'arbre à la bête, 6+6 a
145 Et de la pierre à toi | monte insensiblement, 6+6 a
S'arrête sur l'abîme | à l'homme, escarpement ? 6+6 a
Non, elle continue, | invincible, admirable, 6+6 a
Entre dans l'invisible | et dans l'impondérable, 6+6 a
Y disparaît pour toi, | chair vile, emplit l'azur 6+6 a
150 D'un monde éblouissant, | miroir du monde obscur, 6+6 a
D'êtres voisins de l'homme | et d'autres qui s'éloignent, 6+6 a
D'esprits purs, de voyants | dont les splendeurs témoignent, 6+6 a
D'anges faits de rayons | comme l'homme d'instincts ; 6+6 a
Elle plonge à travers | les cieux jamais atteints, 6+6 a
155 Sublime ascension | d'échelles étoilées, 6+6 a
Des démons enchaînés | monte aux âmes ailées, 6+6 a
Fait toucher le front sombre | au radieux orteil, 6+6 a
Rattache l'astre esprit | à l'archange soleil, 6+6 a
Relie, en traversant | des millions de lieues, 6+6 a
160 Les groupes constellés | et les légions bleues, 6+6 a
Peuple le haut, le bas, | les bords et le milieu, 6+6 a
Et dans les profondeurs | s'évanouit en Dieu ! 6+6 a
Cette échelle apparaît | vaguement dans la vie 6+6 a
Et dans la mort. Toujours | les justes l'ont gravie : 6+6 a
165 Jacob en la voyant, | et Caton sans la voir. 6+6 a
Ses échelons sont deuil, | sagesse, exil, devoir. 6+6 a
Et cette échelle vient | de plus loin que la terre. 6+6 a
Sache qu'elle commence | aux mondes du mystère, 6+6 a
Aux mondes des terreurs | et des perditions ; 6+6 a
170 Et qu'elle vient, parmi | les pâles visions, 6+6 a
Du précipice où sont | les larves et les crimes, 6+6 a
Où la création, | effrayant les abîmes, 6+6 a
Se prolonge dans l'ombre | en spectre indéfini. 6+6 a
Car, au-dessous du globe | où vit l'homme banni, 6+6 a
175 Hommes, plus bas que vous, | dans le nadir livide, 6+6 a
Dans cette plénitude | horrible qu'on croit vide, 6+6 a
Le mal, qui par la chair, | hélas ! vous asservit, 6+6 a
Dégorge une vapeur | monstrueuse qui vit ! 6+6 a
Là, sombre et s'engloutit, | dans des flots de désastres, 6+6 a
180 L'hydre Univers tordant | son corps écaillé d'astres ; 6+6 a
Là, tout flotte et s'en va | dans un naufrage obscur ; 6+6 a
Dans ce gouffre sans bord, | sans soupirail, sans mur, 6+6 a
De tout ce qui vécut | pleut sans cesse la cendre ; 6+6 a
Et l'on voit tout au fond, | quand l'œil ose y descendre, 6+6 a
185 Au delà de la vie, | et du souffle et du bruit, 6+6 a
Un affreux soleil noir | d'où rayonne la nuit ! 6+6 a
*
Donc, la matière pend | à l'idéal, et tire 6+6 a
L'esprit vers l'animal, | l'ange vers le satyre, 6+6 a
Le sommet vers le bas, | l'amour vers l'appétit. 6+6 a
190 Avec le grand qui croule | elle fait le petit. 6+6 a
Comment de tant d'azur | tant de terreur s'engendre, 6+6 a
Comment le jour fait l'ombre | et le feu pur la cendre, 6+6 a
Comment la cécité | peut naître du voyant, 6+6 a
Comment le ténébreux | descend du flamboyant, 6+6 a
195 Comment du monstre esprit | naît le monstre matière, 6+6 a
Un jour, dans le tombeau, | sinistre vestiaire, 6+6 a
Tu le sauras ; la tombe | est faite pour savoir ; 6+6 a
Tu verras ; aujourd'hui, | tu ne peux qu'entrevoir ; 6+6 a
Mais, puisque Dieu permet | que ma voix t'avertisse, 6+6 a
Je te parle.
200 Et, d'abord, | qu'est-ce que la justice ? 6+6 a
Qui la rend ? qui la fait ? | où ? quand ? à quel moment ? 6+6 a
Qui donc pèse la faute ? | et qui le châtiment ? 6+6 a
*
L'être créé se meut | dans la lumière immense. 6+6 a
Libre, il sait où le bien | cesse, où le mal commence ; 6+6 a
Il a ses actions | pour juges.
205 Il suffit 6+6 a
Qu'il soit méchant ou bon ; | tout est dit. Ce qu'on fit, 6+6 a
Crime, est notre geôlier, | ou, vertu, nous délivre. 6+6 a
L'être ouvre à son insu | de lui-même le livre ; 6+6 a
Sa conscience calme | y marque avec le doigt 6+6 a
210 Ce que l'ombre lui garde | ou ce que Dieu lui doit. 6+6 a
On agit, et l'on gagne | ou l'on perd à mesure ; 6+6 a
On peut être étincelle | ou bien éclaboussure ; 6+6 a
Lumière ou fange, archange | au vol d'aigle ou bandit ; 6+6 a
L'échelle vaste est là. | Comme je te l'ai dit, 6+6 a
215 Par des zones sans fin | la vie universelle 6+6 a
Monte, et par des degrés | innombrables ruisselle, 6+6 a
Depuis l'infâme nuit | jusqu'au charmant azur. 6+6 a
L'être en la traversant | devient mauvais ou pur. 6+6 a
En haut plane la joie ; | en bas l'horreur se traîne. 6+6 a
220 Selon que l'âme, aimante, | humble, bonne, sereine, 6+6 a
Aspire à la lumière | et tend vers l'idéal, 6+6 a
Ou s'alourdit, immonde, | au poids croissant du mal, 6+6 a
Dans la vie infinie | on monte et l'on s'élance, 6+6 a
Ou l'on tombe ; et tout être | est sa propre balance. 6+6 a
225 Dieu ne nous juge point. | Vivant tous à la fois, 6+6 a
Nous pesons, et chacun | descend selon son poids. 6+6 a
*
Homme ! nous n'approchons | que les paupières closes, 6+6 a
De ces immensités | d'en bas.
Viens, si tu l'oses ! 6+6 a
Regarde dans ce puits | morne et vertigineux, 6+6 a
230 De la création | compte les sombres nœuds, 6+6 a
Viens, vois, sonde :
Au-dessous | de l'homme qui contemple, 6+6 a
Qui peut être un cloaque | ou qui peut être un temple, 6+6 a
Être en qui l'instinct vit | dans la raison dissous, 6+6 a
Est l'animal courbé | vers la terre ; au-dessous 6+6 a
235 De la brute est la plante | inerte, sans paupière 6+6 a
Et sans cris ; au-dessous | de la plante est la pierre ; 6+6 a
Au-dessous de la pierre | est le chaos sans nom. 6+6 a
Avançons dans cette ombre | et sois mon compagnon. 6+6 a
*
Toute faute qu'on fait | est un cachot qu'on s'ouvre. 6+6 a
240 Les mauvais, ignorant | quel mystère les couvre, 6+6 a
Les êtres de fureur, | de sang, de trahison, 6+6 a
Avec leurs actions | bâtissent leur prison ; 6+6 a
Tout bandit, quand la mort | vient lui toucher l'épaule 6+6 a
Et l'éveille, hagard, | se retrouve en la geôle 6+6 a
245 Que lui fit son forfait | derrière lui rampant ; 6+6 a
Tibère en un rocher, | Séjan dans un serpent. 6+6 a
L'homme marche sans voir | ce qu'il fait dans l'abîme. 6+6 a
L'assassin pâlirait | s'il voyait sa victime ; 6+6 a
C'est lui. L'oppresseur vil, | le tyran sombre et fou, 6+6 a
250 En frappant sans pitié | sur tous, forge le clou 6+6 a
Qui le clouera dans l'ombre | au fond de la matière. 6+6 a
Les tombeaux sont les trous | du crible cimetière, 6+6 a
D'où tombe, graine obscure | en un ténébreux champ, 6+6 a
L'effrayant tourbillon | des âmes.
*
Tout méchant 6+6 a
255 Fait naître en expirant | le monstre de sa vie, 6+6 a
Qui le saisit. L'horreur | par l'horreur est suivie. 6+6 a
Nemrod gronde enfermé | dans la montagne à pic ; 6+6 a
Quand Dalila descend | dans la tombe, un aspic 6+6 a
Sort des plis du linceul, | emportant l'âme fausse ; 6+6 a
260 Phryné meurt, un crapaud | saute hors de la fosse ; 6+6 a
Ce scorpion au fond | d'une pierre dormant, 6+6 a
C'est Clytemnestre aux bras | d'Égisthe son amant ; 6+6 a
Du tombeau d'Anitus | il sort une ciguë ; 6+6 a
Le houx sombre et l'ortie | à la piqûre aiguë 6+6 a
265 Pleurent quand l'aquilon | les fouette, et l'aquilon 6+6 a
Leur dit : Tais-toi, Zoïle ! | et souffre, Ganelon ! 6+6 a
Dieu livre, choc affreux | dont la plaine au loin gronde, 6+6 a
Au cheval Brunehaut | le pavé Frédégonde ; 6+6 a
La pince qui rougit | dans le brasier hideux 6+6 a
270 Est faite du duc d'Albe | et de Philippe Deux ; 6+6 a
Farinace est le croc | des noires boucheries ; 6+6 a
L'orfraie au fond de l'ombre | a les yeux de Jeffryes ; 6+6 a
Tristan est au secret | dans le bois d'un gibet. 6+6 a
Quand tombent dans la mort | tous ces brigands, Macbeth, 6+6 a
275 Ezzelin, Richard Trois, | Carrier, Ludovic Sforce, 6+6 a
La matière leur met | la chemise de force. 6+6 a
Oh ! comme en son bonheur, | qui masque un sombre arrêt, 6+6 a
Messaline ou l'horrible | Isabeau frémirait 6+6 a
Si, dans ses actions | du sépulcre voisines, 6+6 a
280 Cette femme sentait | qu'il lui vient des racines, 6+6 a
Et qu'ayant été monstre, | elle deviendra fleur ! 6+6 a
À chacun son forfait ! | à chacun sa douleur ! 6+6 a
Claude est l'algue que l'eau | traîne de havre en havre ; 6+6 a
Xercès est excrément, | Charles Neuf est cadavre ; 6+6 a
285 Hérode, c'est l'osier | des berceaux vagissants ; 6+6 a
L'âme du noir Judas, | depuis dix-huit cents ans, 6+6 a
Se disperse et renaît | dans les crachats des hommes ; 6+6 a
Et le vent qui jadis | soufflait sur les Sodomes 6+6 a
Mêle, dans l'âtre abject | et sous le vil chaudron, 6+6 a
290 La fumée Érostrate | à la flamme Néron. 6+6 a
*
Et tout, bête, arbre et roche, | étant vivant sur terre, 6+6 a
Tout est monstre, excepté | l'homme, esprit solitaire. 6+6 a
L'âme que sa noirceur | chasse du firmament 6+6 a
Descend dans les degrés | divers du châtiment 6+6 a
295 Selon que plus ou moins | d'obscurité la gagne. 6+6 a
L'homme en est la prison, | la bête en est le bagne, 6+6 a
L'arbre en est le cachot, | la pierre en est l'enfer. 6+6 a
Le ciel d'en haut, le seul | qui soit splendide et clair, 6+6 a
La suit des yeux dans l'ombre, | et, lui jetant l'aurore, 6+6 a
300 Tâche, en la regardant, | de l'attirer encore. 6+6 a
O chute ! dans la bête, | à travers les barreaux 6+6 a
De l'instinct, obstruant | de pâles soupiraux, 6+6 a
Ayant encor la voix, | l'essor et la prunelle, 6+6 a
L'âme entrevoit de loin | la lueur éternelle ; 6+6 a
305 Dans l'arbre elle frissonne, | et, sans jour et sans yeux, 6+6 a
Sent encor dans le vent | quelque chose des cieux ; 6+6 a
Dans la pierre elle rampe, | immobile, muette, 6+6 a
Ne voyant même plus | l'obscure silhouette 6+6 a
Du monde qui s'éclipse | et qui s'évanouit, 6+6 a
310 Et face à face avec | son crime dans la nuit. 6+6 a
L'âme en ces trois cachots | traîne sa faute noire. 6+6 a
Comme elle en a la forme, | elle en a la mémoire ; 6+6 a
Elle sait ce qu'elle est ; | et, tombant sans appuis, 6+6 a
Voit la clarté décroître | à la paroi du puits ; 6+6 a
315 Elle assiste à sa chute ; | et, dur caillou qui roule, 6+6 a
Pense : Je suis Octave ; | et, vil chardon qu'on foule, 6+6 a
Crie au talon : Je suis | Attila le géant ; 6+6 a
Et, ver de terre au fond | du charnier, et rongeant 6+6 a
Un crâne infect et noir, | dit : Je suis Cléopâtre. 6+6 a
320 Et, hibou, malgré l'aube, | ours, en bravant le pâtre, 6+6 a
Elle accomplit la loi | qui l'enchaîne d'en haut ; 6+6 a
Pierre, elle écrase ; épine, | elle pique ; il le faut. 6+6 a
Le monstre est enfermé | dans son horreur vivante. 6+6 a
Il aurait beau vouloir | dépouiller l'épouvante ; 6+6 a
325 Il faut qu'il reste horrible | et reste châtié ; 6+6 a
O mystère ! le tigre | a peut-être pitié ! 6+6 a
Le tigre sur son dos, | qui peut-être eut une aile, 6+6 a
À l'ombre des barreaux | de la cage éternelle ; 6+6 a
Un invisible fil | lie aux noirs échafauds 6+6 a
330 Le noir corbeau dont l'aile | est en forme de faulx ; 6+6 a
L'âme louve ne peut | s'empêcher d'être louve, 6+6 a
Car le monstre est tenu, | sous le ciel qui l'éprouve, 6+6 a
Dans l'expiation | par la fatalité. 6+6 a
Jadis, sans la comprendre | et d'un œil hébété, 6+6 a
335 L'Inde a presque entrevu | cette métempsycose. 6+6 a
La ronce devient griffe, | et la feuille de rose 6+6 a
Devient langue de chat, | et, dans l'ombre et les cris, 6+6 a
Horrible, lèche et boit | le sang de la souris ; 6+6 a
Qui donc connaît le monstre | appelé mandragore ? 6+6 a
340 Qui sait ce que, le soir, | éclaire le fulgore, 6+6 a
Être en qui la laideur | devient une clarté ? 6+6 a
Ce qui se passe en l'ombre | où croît la fleur d'été 6+6 a
Efface la terreur | des antiques avernes 6+6 a
Étages effrayants ! | cavernes sur cavernes. 6+6 a
345 Ruche obscure du mal, | du crime et du remord ! 6+6 a
Donc, une bête va, | vient, rugit, hurle, mord ; 6+6 a
Un arbre est là, dressant | ses branches hérissées, 6+6 a
Une dalle s'effondre | au milieu des chaussées 6+6 a
Que la charrette écrase | et que l'hiver détruit, 6+6 a
350 Et, sous ces épaisseurs | de matière et de nuit, 6+6 a
Arbre, bête, pavé, | poids que rien ne soulève, 6+6 a
Dans cette profondeur | terrible, une âme rêve ! 6+6 a
Que fait-elle ? Elle songe | à Dieu !
*
Fatalité ! 6+6 a
Échéance ! retour ! | revers ! autre côté ! 6+6 a
355 O loi ! pendant qu'assis | à table, joyeux groupes, 6+6 a
Les pervers, les puissants, | vidant toutes les coupes, 6+6 a
Oubliant qu'aujourd'hui | par demain est guetté, 6+6 a
Étalent leur mâchoire | en leur folle gaîté, 6+6 a
Voilà ce qu'en sa nuit | muette et colossale, 6+6 a
360 Montrant comme eux ses dents | tout au fond de la salle, 6+6 a
Leur réserve la mort, | ce sinistre rieur ! 6+6 a
Nous avons, nous, voyants | du ciel supérieur, 6+6 a
Le spectacle inouï | de vos régions basses. 6+6 a
O songeur, fallait-il | qu'en ces nuits tu tombasses ! 6+6 a
365 Nous écoutons le cri | de l'immense malheur. 6+6 a
Au-dessus d'un rocher, | d'un loup ou d'une fleur, 6+6 a
Parfois nous apparaît | l'âme à mi-corps sortie, 6+6 a
Pauvre ombre en pleurs qui lutte, | hélas ! presque engloutie ; 6+6 a
Le loup la tient, le roc | étreint ses pieds qu'il tord, 6+6 a
370 Et la fleur implacable | et féroce la mord. 6+6 a
Nous entendons le bruit | du rayon que Dieu lance, 6+6 a
La voix de ce que l'homme | appelle le silence, 6+6 a
Et vos soupirs profonds, | cailloux désespérés ! 6+6 a
Nous voyons la pâleur | de tous les fronts murés. 6+6 a
375 À travers la matière, | affreux caveau sans portes, 6+6 a
L'ange est pour nous visible | avec ses ailes mortes. 6+6 a
Nous assistons aux deuils, | au blasphème, aux regrets, 6+6 a
Aux fureurs ; et, la nuit, | nous voyons les forêts, 6+6 a
D'où cherchent à s'enfuir | les larves enfermées, 6+6 a
380 S'écheveler dans l'ombre | en lugubres fumées. 6+6 a
Partout, partout, partout ! | dans les flots, dans les bois, 6+6 a
Dans l'herbe en fleurs, dans l'or | qui sert de sceptre aux rois, 6+6 a
Dans le jonc dont Hermès | se fait une baguette, 6+6 a
Partout le châtiment | contemple, observe ou guette, 6+6 a
385 Sourd aux questions, triste, | affreux, pensif, hagard ; 6+6 a
Et tout est l'œil d'où sort | ce terrible regard. 6+6 a
O châtiment ! dédale | aux spirales funèbres ! 6+6 a
Construction d'en bas | qui cherche les ténèbres, 6+6 a
Plonge au-dessous du monde | et descend dans la nuit, 6+6 a
390 Et, Babel renversée, | au fond de l'ombre fuit ! 6+6 a
L'homme qui plane et rampe, | être crépusculaire, 6+6 a
En est le milieu.
*
L'homme | est clémence et colère ; 6+6 a
Fond vil du puits, plateau | radieux de la tour ; 6+6 a
Degré d'en haut pour l'ombre, | et d'en bas pour le jour. 6+6 a
395 L'ange y descend, la bête | après la mort y monte ; 6+6 a
Pour la bête, il est gloire, | et, pour l'ange, il est honte ; 6+6 a
Dieu mêle en votre race, | hommes infortunés, 6+6 a
Les demi-dieux punis | aux monstres pardonnés. 6+6 a
De là vient que, parfois, | — mystère que Dieu mène ! — 6+6 a
400 On entend d'une bouche | en apparence humaine 6+6 a
Sortir des mots pareils | à des rugissements, 6+6 a
Et que, dans d'autres lieux | et dans d'autres moments, 6+6 a
On croit voir sur un front | s'ouvrir des ailes d'ange. 6+6 a
Roi forçat, l'homme, esprit, | pense, et, matière, mange. 6+6 a
405 L'âme en lui ne se peut | dresser sur son séant. 6+6 a
L'homme, comme la brute | abreuvé de néant, 6+6 a
Vide toutes les nuits | le verre noir du somme. 6+6 a
La chaîne de l'enfer, | liée au pied de l'homme, 6+6 a
Ramène chaque jour | vers le cloaque impur 6+6 a
410 La beauté, le génie, | envolés dans l'azur, 6+6 a
Mêle la peste au souffle | idéal des poitrines, 6+6 a
Et traîne, avec Socrate, | Aspasie aux latrines. 6+6 a
*
Par un côté pourtant | l'homme est illimité. 6+6 a
Le monstre a le carcan, | l'homme a la liberté. 6+6 a
415 Songeur, retiens ceci : | l'homme est un équilibre. 6+6 a
L'homme est une prison | où l'âme reste libre. 6+6 a
L'âme, dans l'homme, agit, | fait le bien, fait le mal, 6+6 a
Remonte vers l'esprit, | retombe à l'animal ; 6+6 a
Et, pour que, dans son vol | vers les cieux, rien ne lie 6+6 a
420 Sa conscience ailée | et de Dieu seul remplie, 6+6 a
Dieu, quand une âme éclôt | dans l'homme au bien poussé, 6+6 a
Casse en son souvenir | le fil de son passé ; 6+6 a
De là vient que la nuit | en sait plus que l'aurore. 6+6 a
Le monstre se connaît | lorsque l'homme s'ignore. 6+6 a
425 Le monstre est la souffrance, | et l'homme est l'action. 6+6 a
L'homme est l'unique point | de la création 6+6 a
Où, pour demeurer libre | en se faisant meilleure, 6+6 a
L'âme doive oublier | sa vie antérieure. 6+6 a
Mystère ! au seuil de tout | l'esprit rêve ébloui. 6+6 a
430 L'homme ne voit pas Dieu, | mais peut aller à lui, 6+6 a
En suivant la clarté | du bien, toujours présente ; 6+6 a
Le monstre, arbre, rocher | ou bête rugissante, 6+6 a
Voit Dieu, c'est là sa peine, | et reste enchaîné loin. 6+6 a
L'homme a l'amour pour aile, | et pour joug le besoin. 6+6 a
435 L'ombre est sur ce qu'il voit | par lui-même semée ; 6+6 a
La nuit sort de son œil | ainsi qu'une fumée ; 6+6 a
Homme, tu ne sais rien ; | tu marches, pâlissant ! 6+6 a
Parfois le voile obscur | qui te couvre, ô passant ! 6+6 a
S'envole et flotte au vent | soufflant d'une autre sphère, 6+6 a
440 Gonfle un moment ses plis | jusque dans la lumière, 6+6 a
Puis retombe sur toi, | spectre, et redevient noir. 6+6 a
Tes sages, tes penseurs | ont essayé de voir ; 6+6 a
Qu'ont-ils vu ? qu'ont-ils fait ? | qu'ont-ils dit, ces fils d'Ève ? 6+6 a
Rien…
Homme ! autour de toi | la création rêve. 6+6 a
445 Mille êtres inconnus | t'entourent dans ton mur. 6+6 a
Tu vas, tu viens, tu dors | sous leur regard obscur, 6+6 a
Et tu ne les sens pas | vivre autour de ta vie : 6+6 a
Toute une légion | d'âmes t'est asservie ; 6+6 a
Pendant qu'elle te plaint, | tu la foules aux pieds. 6+6 a
450 Tous tes pas vers le jour | sont par l'ombre épiés. 6+6 a
Ce que tu nommes chose, | objet, nature morte, 6+6 a
Sait, pense, écoute, entend. | Le verrou de ta porte 6+6 a
Voit arriver ta faute | et voudrait se fermer. 6+6 a
Ta vitre connaît l'aube, | et dit : Voir ! croire ! aimer ! 6+6 a
455 Les rideaux de ton lit | frissonnent de tes songes. 6+6 a
Dans les mauvais desseins | quand, rêveur, tu te plonges, 6+6 a
La cendre dit au fond | de l'âtre sépulcral : 6+6 a
Regarde-moi ; je suis | ce qui reste du mal. 6+6 a
Hélas ! l'homme imprudent | trahit, torture, opprime. 6+6 a
460 La bête en son enfer | voit les deux bouts du crime ; 6+6 a
Un loup pourrait donner | des conseils à Néron. 6+6 a
Homme ! homme ! aigle aveuglé, | moindre qu'un moucheron ! 6+6 a
Pendant que dans ton Louvre | ou bien dans ta chaumière, 6+6 a
Tu vis, sans même avoir | épelé la première 6+6 a
465 Des constellations, | sombre alphabet qui luit 6+6 a
Et tremble sur la page | immense de la nuit, 6+6 a
Pendant que tu maudis | et pendant que tu nies, 6+6 a
Pendant que tu dis : Non ! | aux astres ; aux génies : 6+6 a
Non ! à l'idéal : Non ! | à la vertu : Pourquoi ? 6+6 a
470 Pendant que tu te tiens | en dehors de la loi, 6+6 a
Copiant les dédains | inquiets ou robustes 6+6 a
De ces sages qu'on voit | rêver dans les vieux bustes, 6+6 a
Et que tu dis : Que sais-je ? | amer, froid, mécréant, 6+6 a
Prostituant ta bouche | au rire du néant, 6+6 a
475 À travers le taillis | de la nature énorme, 6+6 a
Flairant l'éternité | de son museau difforme, 6+6 a
Là, dans l'ombre, à tes pieds, | homme, ton chien voit Dieu. 6+6 a
Ah ! je t'entends. Tu dis : | — Quel deuil ! la bête est peu, 6+6 a
L'homme n'est rien. O loi | misérable ! ombre ! abîme ! — 6+6 a
*
480 O songeur ! cette loi | misérable est sublime. 6+6 a
Il faut donc tout redire | à ton esprit chétif ! 6+6 a
À la fatalité, | loi du monstre captif, 6+6 a
Succède le devoir, | fatalité de l'homme. 6+6 a
Ainsi de toutes parts | l'épreuve se consomme, 6+6 a
485 Dans le monstre passif, | dans l'homme intelligent, 6+6 a
La nécessité morne | en devoir se changeant, 6+6 a
Et l'âme, remontant | à sa beauté première, 6+6 a
Va de l'ombre fatale | à la libre lumière. 6+6 a
Or, je te le redis, | pour se transfigurer, 6+6 a
490 Et pour se racheter, | l'homme doit ignorer. 6+6 a
Il doit être aveuglé | par toutes les poussières. 6+6 a
Sans quoi, comme l'enfant | guidé par des lisières, 6+6 a
L'homme vivrait, marchant | droit à la vision. 6+6 a
Douter est sa puissance | et sa punition. 6+6 a
495 Il voit la rose, et nie ; | il voit l'aurore, et doute ; 6+6 a
Où serait le mérite | à retrouver sa route, 6+6 a
Si l'homme, voyant clair, | roi de sa volonté, 6+6 a
Avait la certitude, | ayant la liberté ? 6+6 a
Non. Il faut qu'il hésite | en la vaste nature, 6+6 a
500 Qu'il traverse du choix | l'effrayante aventure, 6+6 a
Et qu'il compare au vice | agitant son miroir, 6+6 a
Au crime, aux voluptés, | l'œil en pleurs du devoir ; 6+6 a
Il faut qu'il doute ! Hier | croyant demain impie ; 6+6 a
Il court du mal au bien ; | il scrute, sonde, épie, 6+6 a
505 Va, revient, et, tremblant, | agenouillé, debout, 6+6 a
Les bras étendus, triste, | il cherche Dieu partout ; 6+6 a
Il tâte l'infini | jusqu'à ce qu'il l'y sente ; 6+6 a
Alors, son âme ailée | éclate frémissante ; 6+6 a
L'ange éblouissant luit | dans l'homme transparent. 6+6 a
510 Le doute le fait libre, | et la liberté, grand. 6+6 a
La captivité sait ; | la liberté suppose, 6+6 a
Creuse, saisit l'effet, | le compare à la cause, 6+6 a
Croit vouloir le bien-être | et veut le firmament ; 6+6 a
Et, cherchant le caillou, | trouve le diamant. 6+6 a
515 C'est ainsi que du ciel | l'âme à pas lents s'empare. 6+6 a
Dans le monstre, elle expie ; | en l'homme, elle répare. 6+6 a
*
Oui, ton fauve univers | est le forçat de Dieu. 6+6 a
Les constellations, | sombres lettres de feu, 6+6 a
Sont les marques du bagne | à l'épaule du monde. 6+6 a
520 Dans votre région | tant d'épouvante abonde, 6+6 a
Que, pour l'homme, marqué | lui-même du fer chaud, 6+6 a
Quand il lève les yeux | vers les astres, là-haut, 6+6 a
Le cancer resplendit, | le scorpion flamboie, 6+6 a
Et dans l'immensité | le chien sinistre aboie ! 6+6 a
525 Ces soleils inconnus | se groupent sur son front 6+6 a
Comme l'effroi, le deuil, | la menace et l'affront ; 6+6 a
De toutes parts s'étend | l'ombre incommensurable ; 6+6 a
En bas l'obscur, l'impur, | le mauvais, l'exécrable, 6+6 a
Le pire, tas hideux, | fourmillent ; tout au fond, 6+6 a
530 Ils échangent entre eux | dans l'ombre ce qu'ils font ; 6+6 a
Typhon donne l'horreur, | Satan donne le crime ; 6+6 a
Lugubre intimité | du mal et de l'abîme ! 6+6 a
Amours de l'âme monstre | et du monstre univers ! 6+6 a
Baiser triste ! et l'informe | engendré du pervers, 6+6 a
535 La matière, le bloc, | la fange, la géhenne, 6+6 a
L'écume, le chaos, | l'hiver, nés de la haine, 6+6 a
Les faces de beauté | qu'habitent des démons, 6+6 a
Tous les êtres maudits, | mêlés aux vils limons, 6+6 a
Pris par la plante fauve | et la bête féroce, 6+6 a
540 Le grincement de dents, | la peur, le rire atroce, 6+6 a
L'orgueil, que l'infini | courbe sous son niveau, 6+6 a
Rampent, noirs prisonniers, | dans la nuit, noir caveau. 6+6 a
La porte, affreuse et faite | avec de l'ombre, est lourde ; 6+6 a
Par moments, on entend, | dans la profondeur sourde, 6+6 a
545 Les efforts que les monts, | les flots, les ouragans, 6+6 a
Les volcans, les forêts, | les animaux brigands, 6+6 a
Et tous les monstres font | pour soulever le pêne ; 6+6 a
Et sur cet amas d'ombre, | et de crime, et de peine, 6+6 a
Ce grand ciel formidable | est le scellé de Dieu. 6+6 a
550 Voilà pourquoi, songeur | dont la mort est le vœu, 6+6 a
Tant d'angoisse est empreinte | au front des cénobites ! 6+6 a
Je viens de te montrer | le gouffre. Tu l'habites. 6+6 a
*
Les mondes, dans la nuit | que vous nommez l'azur, 6+6 a
Par les brèches que fait | la mort blême à leur mur, 6+6 a
555 Se jettent en fuyant | l'un à l'autre des âmes. 6+6 a
Dans votre globe où sont | tant de geôles infâmes, 6+6 a
Vous avez des méchants | de tous les univers, 6+6 a
Condamnés qui, venus | des cieux les plus divers, 6+6 a
Rêvent dans vos rochers, | ou dans vos arbres ploient ; 6+6 a
560 Tellement stupéfaits | de ce monde qu'ils voient, 6+6 a
Qu'eussent-ils la parole, | ils ne pourraient parler. 6+6 a
On en sent quelques-uns | frissonner et trembler. 6+6 a
De là les songes vains | du bonze et de l'augure. 6+6 a
Donc, représente-toi | cette sombre figure : 6+6 a
565 Ce gouffre, c'est l'égout | du mal universel. 6+6 a
Ici vient aboutir | de tous les points du ciel 6+6 a
La chute des punis, | ténébreuse traînée. 6+6 a
Dans cette profondeur, | morne, âpre, infortunée, 6+6 a
De chaque globe il tombe | un flot vertigineux 6+6 a
570 D'âmes, d'esprits malsains | et d'êtres vénéneux, 6+6 a
Flot que l'éternité | voit sans fin se répandre. 6+6 a
Chaque étoile au front d'or | qui brille, laisse pendre 6+6 a
Sa chevelure d'ombre | en ce puits effrayant. 6+6 a
Âme immortelle, vois, | et frémis en voyant : 6+6 a
575 Voilà le précipice | exécrable où tu sombres. 6+6 a
*
Oh ! qui que vous soyez, | qui passez dans ces ombres, 6+6 a
Versez votre pitié | sur ces douleurs sans fond ! 6+6 a
Dans ce gouffre, où l'abîme | en l'abîme se fond, 6+6 a
Se tordent les forfaits, | transformés en supplices, 6+6 a
580 L'effroi, le deuil, le mal, | les ténèbres complices, 6+6 a
Les pleurs sous la toison, | le soupir expiré 6+6 a
Dans la fleur, et le cri | dans la pierre muré ! 6+6 a
Oh ! qui que vous soyez, | pleurez sur ces misères ! 6+6 a
Pour Dieu seul, qui sait tout, | elles sont nécessaires ; 6+6 a
585 Mais vous pouvez pleurer | sur l'énorme cachot 6+6 a
Sans déranger le sombre | équilibre d'en haut ! 6+6 a
Hélas ! hélas ! hélas ! | tout est vivant ! tout pense ! 6+6 a
La mémoire est la peine, | étant la récompense. 6+6 a
Oh ! comme ici l'on souffre | et comme on se souvient ! 6+6 a
590 Torture de l'esprit | que la matière tient ! 6+6 a
La brute et le granit, | quel chevalet pour l'âme ! 6+6 a
Ce mulet fut sultan, | ce cloporte était femme. 6+6 a
L'arbre est un exilé, | la roche est un proscrit. 6+6 a
Est-ce que, quelque part, | par hasard, quelqu'un rit 6+6 a
595 Quand ces réalités | sont là, remplissant l'ombre ? 6+6 a
La ruine, la mort, | l'ossement, le décombre, 6+6 a
Sont vivants. Un remords | songe dans un débris. 6+6 a
Pour l'œil profond qui voit, | les antres sont des cris : 6+6 a
Hélas ! le cygne est noir, | le lys songe à ses crimes ; 6+6 a
600 La perle est nuit ; la neige | est la fange des cimes ; 6+6 a
Le même gouffre, horrible | et fauve, et sans abri, 6+6 a
S'ouvre dans la chouette | et dans le colibri ; 6+6 a
La mouche, âme, s'envole | et se brûle à la flamme ; 6+6 a
Et la flamme, esprit, brûle | avec angoisse une âme ; 6+6 a
605 L'horreur fait frissonner | les plumes de l'oiseau ; 6+6 a
Tout est douleur.
Les fleurs | souffrent sous le ciseau, 6+6 a
Et se ferment ainsi | que des paupières closes : 6+6 a
Toutes les femmes sont | teintes du sang des roses ; 6+6 a
La vierge au bal, qui danse, | ange aux fraîches couleurs, 6+6 a
610 Et qui porte en sa main | une touffe de fleurs, 6+6 a
Respire en souriant | un bouquet d'agonies. 6+6 a
Pleurez sur les laideurs | et les ignominies, 6+6 a
Pleurez sur l'araignée | immonde, sur le ver, 6+6 a
Sur la limace au dos | mouillé comme l'hiver, 6+6 a
615 Sur le vil puceron | qu'on voit aux feuilles pendre, 6+6 a
Sur le crabe hideux, | sur l'affreux scolopendre, 6+6 a
Sur l'effrayant crapaud, | pauvre monstre aux doux yeux, 6+6 a
Qui regarde toujours | le ciel mystérieux ! 6+6 a
Plaignez l'oiseau de crime | et la bête de proie. 6+6 a
620 Ce que Domitien, | César, fit avec joie, 6+6 a
Tigre, il le continue | avec horreur. Verrès, 6+6 a
Qui fut loup sous la pourpre, | est loup dans les forêts ; 6+6 a
Il descend, réveillé, | l'autre côté du rêve : 6+6 a
Son rire, au fond des bois, | en hurlement s'achève ; 6+6 a
625 Pleurez sur ce qui hurle | et pleurez sur Verrès. 6+6 a
Sur ces tombeaux vivants, | marqués d'obscurs arrêts, 6+6 a
Penchez-vous attendri ! | versez votre prière ! 6+6 a
La pitié fait sortir | des rayons de la pierre. 6+6 a
Plaignez le louveteau, | plaignez le lionceau. 6+6 a
630 La matière, affreux bloc, | n'est que le lourd monceau 6+6 a
Des effets monstrueux, | sortis des sombres causes. 6+6 a
Ayez pitié ! voyez | des âmes dans les choses. 6+6 a
Hélas ! le cabanon | subit aussi l'écrou ; 6+6 a
Plaignez le prisonnier, | mais plaignez le verrou ; 6+6 a
635 Plaignez la chaîne au fond | des bagnes insalubres ; 6+6 a
La hache et le billot | sont deux êtres lugubres ; 6+6 a
La hache souffre autant | que le corps, le billot 6+6 a
Souffre autant que la tête ; | ô mystères d'en haut ! 6+6 a
Ils se livrent une âpre | et hideuse bataille ; 6+6 a
640 Il ébrèche la hache | et la hache l'entaille ; 6+6 a
Ils se disent tout bas | l'un à l'autre : Assassin ! 6+6 a
Et la hache maudit | les hommes, sombre essaim, 6+6 a
Quand, le soir, sur le dos | du bourreau, son ministre, 6+6 a
Elle revient dans l'ombre, | et luit, miroir sinistre, 6+6 a
645 Ruisselante de sang | et reflétant les cieux ; 6+6 a
Et, la nuit, dans l'étal | morne et silencieux, 6+6 a
Le cadavre au cou rouge, | effrayant, glacé, blême, 6+6 a
Seul, sait ce que lui dit | le billot, tronc lui-même. 6+6 a
Oh ! que la terre est froide | et que les rocs sont durs ! 6+6 a
650 Quelle muette horreur | dans les halliers obscurs ! 6+6 a
Les pleurs noirs de la nuit | sur la colombe blanche 6+6 a
Tombent ; le vent met nue | et torture la branche ; 6+6 a
Quel monologue affreux | dans l'arbre aux rameaux verts ! 6+6 a
Quel frisson dans l'herbe ! Oh ! | quels yeux fixes ouverts 6+6 a
655 Dans les cailloux profonds, | oubliettes des âmes ! 6+6 a
C'est une âme que l'eau | scie en ses froides lames ; 6+6 a
C'est une âme que fait | ruisseler le pressoir. 6+6 a
Ténèbres ! l'univers | est hagard. Chaque soir, 6+6 a
Le noir horizon monte | et la nuit noire tombe ; 6+6 a
660 Tous deux, à l'occident, | d'un mouvement de tombe, 6+6 a
Ils vont se rapprochant, | et, dans le firmament, 6+6 a
O terreur ! sur le jour, | écrasé lentement, 6+6 a
La tenaille de l'ombre | effroyable se ferme. 6+6 a
Oh ! les berceaux font peur. | Un bagne est dans un germe. 6+6 a
665 Ayez pitié, vous tous | et qui que vous soyez ! 6+6 a
Les hideux châtiments, | l'un sur l'autre broyés, 6+6 a
Roulent, submergeant tout, | excepté les mémoires. 6+6 a
Parfois on voit passer | dans ces profondeurs noires 6+6 a
Comme un rayon lointain | de l'éternel amour ; 6+6 a
670 Alors, l'hyène Atrée | et le chacal Timour, 6+6 a
Et l'épine Caïphe | et le roseau Pilate, 6+6 a
Le volcan Alaric | à la gueule écarlate, 6+6 a
L'ours Henri Huit, pour qui | Morus en vain pria, 6+6 a
Le sanglier Selim | et le porc Borgia, 6+6 a
675 Poussent des cris vers l'Être | adorable ; et les bêtes 6+6 a
Qui portèrent jadis | des mitres sur leurs têtes, 6+6 a
Les grains de sable rois, | les brins d'herbe empereurs, 6+6 a
Tous les hideux orgueils | et toutes les fureurs, 6+6 a
Se brisent ; la douceur | saisit le plus farouche ; 6+6 a
680 Le chat lèche l'oiseau, | l'oiseau baise la mouche ; 6+6 a
Le vautour dit dans l'ombre | au passereau : Pardon ! 6+6 a
Une caresse sort | du houx et du chardon ; 6+6 a
Tous les rugissements | se fondent en prières ; 6+6 a
On entend s'accuser | de leurs forfaits les pierres ; 6+6 a
685 Tous ces sombres cachots | qu'on appelle les fleurs 6+6 a
Tressaillent ; le rocher | se met à fondre en pleurs ; 6+6 a
Des bras se lèvent hors | de la tombe dormante ; 6+6 a
Le vent gémit, la nuit | se plaint, l'eau se lamente, 6+6 a
Et, sous l'œil attendri | qui regarde d'en haut, 6+6 a
690 Tout l'abîme n'est plus | qu'un immense sanglot. 6+6 a
*
Espérez ! espérez ! | espérez, misérables ! 6+6 a
Pas de deuil infini, | pas de maux incurables, 6+6 a
Pas d'enfer éternel ! 6 a
Les douleurs vont à Dieu, | comme la flèche aux cibles ; 6+6 b
695 Les bonnes actions | sont les gonds invisibles 6+6 b
De la porte du ciel. 6 a
Le deuil est la vertu, | le remords est le pôle 6+6 a
Des monstres garrottés | dont le gouffre est la geôle ; 6+6 a
Quand, devant Jéhovah, 6 a
700 Un vivant reste pur | dans les ombres charnelles, 6+6 b
La mort, ange attendri, | rapporte ses deux ailes 6+6 b
À l'homme qui s'en va. 6 a
Les enfers se refont | édens ; c'est là leur tâche. 6+6 a
Tout globe est un oiseau | que le mal tient et lâche. 6+6 a
705 Vivants, je vous le dis, 6 a
Les vertus, parmi vous, | font ce labeur auguste 6+6 b
D'augmenter sur vos fronts | le ciel ; quiconque est juste 6+6 b
Travaille au paradis. 6 a
L'heure approche. Espérez. | Rallumez l'âme éteinte ! 6+6 a
710 Aimez-vous ! aimez-vous ! | car c'est la chaleur sainte, 6+6 a
C'est le feu du vrai jour. 6 a
Le sombre univers, froid, | glacé, pesant, réclame 6+6 b
La sublimation | de l'être par la flamme, 6+6 b
De l'homme par l'amour ! 6 a
715 Déjà, dans l'océan | d'ombre que Dieu domine, 6+6 a
L'archipel ténébreux | des bagnes s'illumine ; 6+6 a
Dieu, c'est le grand aimant ; 6 a
Et les globes, ouvrant | leur sinistre prunelle, 6+6 b
Vers les immensités | de l'aurore éternelle 6+6 b
720 Se tournent lentement ! 6 a
Oh ! comme vont chanter | toutes les harmonies, 6+6 a
Comme rayonneront | dans les sphères bénies 6+6 a
Les faces de clarté, 6 a
Comme les firmaments | se fondront en délires, 6+6 b
725 Comme tressailleront | toutes les grandes lyres 6+6 b
De la sérénité, 6 a
Quand, du monstre matière | ouvrant toutes les serres, 6+6 a
Faisant évanouir | en splendeurs les misères, 6+6 a
Changeant l'absinthe en miel, 6 a
730 Inondant de beauté | la nuit diminuée, 6+6 b
Ainsi que le soleil | tire à lui la nuée 6+6 b
Et l'emplit d'arcs-en-ciel, 6 a
Dieu, de son regard fixe | attirant les ténèbres, 6+6 a
Voyant vers lui, du fond | des cloaques funèbres 6+6 a
735 Où le mal le pria, 6 a
Monter l'énormité, | bégayant des louanges, 6+6 b
Fera rentrer, parmi | les univers archanges, 6+6 b
L'univers paria ! 6 a
On verra palpiter | les fanges éclairées, 6+6 a
740 Et briller les laideurs | les plus désespérées 6+6 a
Au faîte le plus haut, 6 a
L'araignée éclatante | au seuil des bleus pilastres, 6+6 b
Luire, et se redresser, | portant des épis d'astres, 6+6 b
La paille du cachot ! 6 a
745 La clarté montera | dans tout comme une sève ; 6+6 a
On verra rayonner | au front du bœuf qui rêve 6+6 a
Le céleste croissant ; 6 a
Le charnier chantera | dans l'horreur qui l'encombre, 6+6 b
Et sur tous les fumiers | apparaîtra dans l'ombre 6+6 b
750 Un Job resplendissant ! 6 a
O disparition | de l'antique anathème ! 6+6 a
La profondeur disant | à la hauteur : Je t'aime ! 6+6 a
O retour du banni ! 6 a
Quel éblouissement | au fond des cieux sublimes ! 6+6 b
755 Quel surcroît de clarté | que l'ombre des abîmes 6+6 b
S'écriant : Sois béni ! 6 a
On verra le troupeau | des hydres formidables 6+6 a
Sortir, monter du fond | des brumes insondables 6+6 a
Et se transfigurer ; 6 a
760 Des étoiles éclore | aux trous noirs de leurs crânes, 6+6 b
Dieu juste ! et, par degrés | devenant diaphanes, 6+6 b
Les monstres s'azurer ! 6 a
Ils viendront, sans pouvoir | ni parler ni répondre, 6+6 a
Éperdus ! on verra | des auréoles fondre 6+6 a
765 Les cornes de leur front ; 6 a
Ils tiendront dans leur griffe, | au milieu des cieux calmes, 6+6 b
Des rayons frissonnants | semblables à des palmes ; 6+6 b
Les gueules baiseront ! 6 a
Ils viendront ! ils viendront, | tremblants, brisés d'extase, 6+6 a
770 Chacun d'eux débordant | de sanglots comme un vase, 6+6 a
Mais pourtant sans effroi ; 6 a
On leur tendra les bras | de la haute demeure, 6+6 b
Et Jésus, se penchant | sur Bélial qui pleure, 6+6 b
Lui dira : C'est donc toi ! 6 a
775 Et vers Dieu par la main | il conduira ce frère ! 6+6 a
Et, quand ils seront près | des degrés de lumière 6+6 a
Par nous seuls aperçus, 6 a
Tous deux seront si beaux, | que Dieu dont l'œil flamboie 6+6 b
Ne pourra distinguer, | père ébloui de joie, 6+6 b
780 Bélial de Jésus ! 6 a
Tout sera dit. Le mal | expirera, les larmes 6+6 a
Tariront ; plus de fers, | plus de deuils, plus d'alarmes ; 6+6 a
L'affreux gouffre inclément 6 a
Cessera d'être sourd, | et bégaiera : Qu'entends-je ? 6+6 b
785 Les douleurs finiront | dans toute l'ombre : un ange 6+6 b
Criera : Commencement ! 6 a
mètre profils métriques : 6, 6+6
logo du CRISCO logo de l'université