Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_2/HUG548
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome II
AUJOURD'HUI
1845-1855
LIVRE SIXIÈME
AU BORD DE L'INFINI
XV
À celle qui est voilée
Tu me parles du fond d'un rêve 8 a
Comme une âme parle aux vivants. 8 b
Comme l'écume de la grève, 8 a
Ta robe flotte dans les vents. 8 b
5 Je suis l'algue des flots sans nombre, 8 a
Le captif du destin vainqueur ; 8 b
Je suis celui que toute l'ombre 8 a
Couvre sans éteindre son cœur. 8 b
Mon esprit ressemble à cette île, 8 a
10 Et mon sort à cet océan ; 8 b
Et je suis l'habitant tranquille 8 a
De la foudre et de l'ouragan. 8 b
Je suis le proscrit qui se voile, 8 a
Qui songe, et chante loin du bruit, 8 b
15 Avec la chouette et l'étoile, 8 a
La sombre chanson de la nuit. 8 b
Toi, n'es-tu pas, comme moi-même, 8 a
Flambeau dans ce monde âpre et vil. 8 b
Âme, c'est-à-dire problème, 8 a
20 Et femme, c'est-à-dire exil ? 8 b
Sors du nuage, ombre charmante. 8 a
O fantôme, laisse-toi voir ! 8 b
Sois un phare dans ma tourmente, 8 a
Sois un regard dans mon ciel noir ! 8 b
25 Cherche-moi parmi les mouettes ! 8 a
Dresse un rayon sur mon récif, 8 b
Et, dans mes profondeurs muettes, 8 a
La blancheur de l'ange pensif ! 8 b
Sois l'aile qui passe et se mêle 8 a
30 Aux grandes vagues en courroux. 8 b
Oh ! viens ! tu dois être bien belle, 8 a
Car ton chant lointain est bien doux ; 8 b
Car la nuit engendre l'aurore ; 8 a
C'est peut-être une loi des cieux 8 b
35 Que mon noir destin fasse éclore 8 a
Ton sourire mystérieux ! 8 b
Dans ce ténébreux monde où j'erre, 8 a
Nous devons nous apercevoir, 8 b
Toi, toute faite de lumière, 8 a
40 Moi, tout composé de devoir ! 8 b
Tu me dis de loin que tu m'aimes, 8 a
Et que, la nuit, à l'horizon, 8 b
Tu viens voir sur les grèves blêmes 8 a
Le spectre blanc de ma maison. 8 b
45 Là, méditant sous le grand dôme, 8 a
Près du flot sans trêve agité, 8 b
Surprise de trouver l'atome 8 a
Ressemblant à l'immensité, 8 b
Tu compares, sans me connaître, 8 a
50 L'onde à l'homme, l'ombre au banni, 8 b
Ma lampe étoilant ma fenêtre 8 a
À l'astre étoilant l'infini ! 8 b
Parfois, comme au fond d'une tombe, 8 a
Je te sens sur mon front fatal, 8 b
55 Bouche de l'Inconnu d'où tombe 8 a
Le pur baiser de l'Idéal. 8 b
À ton souffle, vers Dieu poussées, 8 a
Je sens en moi, douce frayeur, 8 b
Frissonner toutes mes pensées, 8 a
60 Feuilles de l'arbre intérieur. 8 b
Mais tu ne veux pas qu'on te voie ; 8 a
Tu viens et tu fuis tour à tour ; 8 b
Tu ne veux pas te nommer joie, 8 a
Ayant dit : Je m'appelle amour. 8 b
65 Oh ! fais un pas de plus ! viens, entre, 8 a
Si nul devoir ne le défend ; 8 b
Viens voir mon âme dans son antre, 8 a
L'esprit lion ; le cœur enfant ; 8 b
Viens voir le désert où j'habite, 8 a
70 Seul sous mon plafond effrayant ; 8 b
Sois l'ange chez le cénobite, 8 a
Sois la clarté chez le voyant. 8 b
Change en perles dans mes décombres 8 a
Toutes mes gouttes de sueur ! 8 b
75 Viens poser sur mes œuvres sombres 8 a
Ton doigt d'où sort une lueur ! 8 b
Du bord des sinistres ravines 8 a
Du rêve et de la vision, 8 b
J'entrevois les choses divines… — 8 a
80 Complète l'apparition ! 8 b
Viens voir le songeur qui s'enflamme 8 a
À mesure qu'il se détruit, 8 b
Et de jour en jour dans son âme 8 a
A plus de mort et moins de nuit ! 8 b
85 Viens ! viens dans ma brume hagarde, 8 a
Où naît la foi, d'où l'esprit sort, 8 b
Où confusément je regarde 8 a
Les formes obscures du sort. 8 b
Tout s'éclaire aux lueurs funèbres ; 8 a
90 Dieu, pour le penseur attristé, 8 b
Ouvre toujours dans les ténèbres 8 a
De brusques gouffres de clarté. 8 b
Avant d'être sur cette terre, 8 a
Je sens que jadis j'ai plané ; 8 b
95 J'étais l'archange solitaire, 8 a
Et mon malheur, c'est d'être né. 8 b
Sur mon âme, qui fut colombe, 8 a
Viens, toi qui des cieux as le sceau. 8 b
Quelquefois une plume tombe 8 a
100 Sur le cadavre d'un oiseau. 8 b
Oui, mon malheur irréparable, 8 a
C'est de pendre aux deux éléments, 8 b
C'est d'avoir en moi, misérable, 8 a
De la fange et des firmaments ! 8 b
105 Hélas ! hélas ! c'est d'être un homme ; 8 a
C'est de songer que j'étais beau, 8 b
D'ignorer comment je me nomme, 8 a
D'être un ciel et d'être un tombeau ! 8 b
C'est d'être un forçat qui promène 8 a
110 Son vil labeur sous le ciel bleu ; 8 b
C'est de porter la hotte humaine 8 a
Où j'avais vos ailes, mon Dieu ! 8 b
C'est de traîner de la matière ; 8 a
C'est d'être plein, moi, fils du jour, 8 b
115 De la terre du cimetière, 8 a
Même quand je m'écrie : Amour ! 8 b
mètre profil métrique : 8
logo du CRISCO logo de l'université