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F = "e" féminin
| = césure
HUG_2/HUG546
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome II
AUJOURD'HUI
1845-1855
LIVRE SIXIÈME
AU BORD DE L'INFINI
XIII
Cadaver
O mort ! heure splendide ! ô rayons mortuaires ! 6+6 a
Avez-vous quelquefois soulevé des suaires ? 6+6 a
Et, pendant qu'on pleurait, et qu'au chevet du lit, 6+6 b
Frères, amis, enfants, la mère qui pâlit, 6+6 b
5 Éperdus, sanglotaient dans le deuil qui les navre, 6+6 a
Avez-vous regardé sourire le cadavre ? 6+6 a
Tout à l'heure il râlait, se tordait, étouffait ; 6+6 b
Maintenant il rayonne. Abîme ! qui donc fait 6+6 b
Cette lueur qu'a l'homme en entrant dans les ombres ? 6+6 a
10 Qu'est-ce que le sépulcre ? et d'où vient, penseurs sombres, 6+6 a
Cette sérénité formidable des morts ? 6+6 b
C'est que le secret s'ouvre et que l'être est dehors ; 6+6 b
C'est que l'âme — qui voit, puis brille, puis flamboie, — 6+6 a
Rit, et que le corps même a sa terrible joie. 6+6 a
15 La chair se dit : — Je vais être terre, et germer, 6+6 b
Et fleurir comme sève, et, comme fleur, aimer ! 6+6 b
Je vais me rajeunir dans la jeunesse énorme 6+6 a
Du buisson, de l'eau vive, et du chêne, et de l'orme, 6+6 a
Et me répandre aux lacs, aux flots, aux monts, aux prés, 6+6 b
20 Aux rochers, aux splendeurs des grands couchants pourprés, 6+6 b
Aux ravins, aux halliers, aux brises de la nue, 6+6 a
Aux murmures profonds de la vie inconnue ! 6+6 a
Je vais être oiseau, vent, cri des eaux, bruit des cieux, 6+6 b
Et palpitation du tout prodigieux ! — 6+6 b
25 Tous ces atomes las, dont l'homme était le maître, 6+6 a
Sont joyeux d'être mis en liberté dans l'être, 6+6 a
De vivre, et de rentrer au gouffre qui leur plaît. 6+6 b
L'haleine, que la fièvre aigrissait et brûlait, 6+6 b
Va devenir parfum, et la voix harmonie ; 6+6 a
30 Le sang va retourner à la veine infinie, 6+6 a
Et couler, ruisseau clair, aux champs où le bœuf roux 6+6 b
Mugit le soir avec l'herbe jusqu'aux genoux ; 6+6 b
Les os ont déjà pris la majesté des marbres ; 6+6 a
La chevelure sent le grand frisson des arbres, 6+6 a
35 Et songe aux cerfs errants, au lierre, aux nids chantants 6+6 b
Qui vont l'emplir du souffle adoré du printemps. 6+6 b
Et voyez le regard, qu'une ombre étrange voile, 6+6 a
Et qui, mystérieux, semble un lever d'étoile ! 6+6 a
Oui, Dieu le veut, la mort, c'est l'ineffable chant 6+6 b
40 De l'âme et de la bête à la fin se lâchant ; 6+6 b
C'est une double issue ouverte à l'être double. 6+6 a
Dieu disperse, à cette heure inexprimable et trouble, 6+6 a
Le corps dans l'univers et l'âme dans l'amour. 6+6 b
Une espèce d'azur que dore un vague jour, 6+6 b
45 L'air de l'éternité, puissant, calme, salubre, 6+6 a
Frémit et resplendit sous le linceul lugubre ; 6+6 a
Et des plis du drap noir tombent tous nos ennuis. 6+6 b
La mort est bleue. O mort ! ô paix ! l'ombre des nuits, 6+6 b
Le roseau des étangs, le roc du monticule, 6+6 a
50 L'épanouissement sombre du crépuscule, 6+6 a
Le vent, souffle farouche ou providentiel, 6+6 b
L'air, la terre, le feu, l'eau, tout, même le ciel, 6+6 b
Se mêle à cette chair qui devient solennelle. 6+6 a
Un commencement d'astre éclôt dans la prunelle. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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