Métrique en Ligne
HUG_2/HUG530
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome II
AUJOURD'HUI
1845-1855
LIVRE CINQUIÈME
EN MARCHE
XXIII
Pasteurs et troupeaux
À Madame Louise C.
Le vallon où je vais tous les jours est charmant, 6+6 a
Serein, abandonné, seul sous le firmament, 6+6 a
Plein de ronces en fleurs ; c'est un sourire triste. 6+6 b
Il vous fait oublier que quelque chose existe, 6+6 b
5 Et, sans le bruit des champs remplis de travailleurs, 6+6 a
On ne saurait plus là si quelqu'un vit ailleurs. 6+6 a
Là, l'ombre fait l'amour ; l'idylle naturelle 6+6 b
Rit ; le bouvreuil avec le verdier s'y querelle, 6+6 b
Et la fauvette y met de travers son bonnet ; 6+6 a
10 C'est tantôt l'aubépine et tantôt le genêt ; 6+6 a
De noirs granits bourrus, puis des mousses riantes ; 6+6 b
Car Dieu fait un poëme avec des variantes ; 6+6 b
Comme le vieil Homère, il rabâche parfois, 6+6 a
Mais c'est avec les fleurs, les monts, l'onde et les bois ! 6+6 a
15 Une petite mare est là, ridant sa face, 6+6 b
Prenant des airs de flot pour la fourmi qui passe, 6+6 b
Ironie étalée au milieu du gazon, 6+6 a
Qu'ignore l'océan grondant à l'horizon. 6+6 a
J'y rencontre parfois sur la roche hideuse 6+6 b
20 Un doux être ; quinze ans, yeux bleus, pieds nus, gardeuse 6+6 b
De chèvres, habitant, au fond d'un ravin noir, 6+6 a
Un vieux chaume croulant qui s'étoile le soir ; 6+6 a
Ses sœurs sont au logis et filent leur quenouille ; 6+6 b
Elle essuie aux roseaux ses pieds que l'étang mouille ; 6+6 b
25 Chèvres, brebis, béliers, paissent ; quand, sombre esprit, 6+6 a
J'apparais, le pauvre ange a peur, et me sourit ; 6+6 a
Et moi, je la salue, elle étant l'innocence. 6+6 b
Ses agneaux, dans le pré plein de fleurs qui l'encense, 6+6 b
Bondissent, et chacun, au soleil s'empourprant, 6+6 a
30 Laisse aux buissons, à qui la bise le reprend, 6+6 a
Un peu de sa toison, comme un flocon d'écume. 6+6 b
Je passe ; enfant, troupeau, s'effacent dans la brume ; 6+6 b
Le crépuscule étend sur les longs sillons gris 6+6 a
Ses ailes de fantôme et de chauve-souris ; 6+6 a
35 J'entends encore au loin dans la plaine ouvrière 6+6 b
Chanter derrière moi la douce chevrière, 6+6 b
Et, là-bas, devant moi, le vieux gardien pensif 6+6 a
De l'écume, du flot, de l'algue, du récif, 6+6 a
Et des vagues sans trêve et sans fin remuées, 6+6 b
40 Le pâtre promontoire au chapeau de nuées, 6+6 b
S'accoude et rêve au bruit de tous les infinis, 6+6 a
Et, dans l'ascension des nuages bénis, 6+6 a
Regarde se lever la lune triomphale, 6+6 b
Pendant que l'ombre tremble, et que l'âpre rafale 6+6 b
45 Disperse à tous les vents avec son souffle amer 6+6 a
La laine des moutons sinistres de la mer. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
schéma : 23((aa))
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