Métrique en Ligne
HUG_2/HUG523
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome II
AUJOURD'HUI
1845-1855
LIVRE CINQUIÈME
EN MARCHE
XVI
Lueur au couchant
Lorsque j'étais en France, et que le peuple en fête 6+6 a
Répandait dans Paris sa grande joie honnête, 6+6 a
Si c'était un des jours glorieux et vainqueurs 6+6 b
Où les fiers souvenirs, désaltérant les cœurs, 6+6 b
5 S'offrent à notre soif comme de larges coupes, 6+6 a
J'allais errer tout seul parmi les riants groupes, 6+6 a
Ne parlant à personne et pourtant calme et doux, 6+6 b
Trouvant ainsi moyen d'être un et d'être tous, 6+6 b
Et d'accorder en moi, pour une double étude, 6+6 a
10 L'amour du peuple avec mon goût de solitude. 6+6 a
Rêveur, j'étais heureux ; muet, j'étais présent. 6+6 b
Parfois je m'asseyais un livre en main, lisant. 6+6 b
Virgile, Horace, Eschyle, ou bien Dante, leur frère ; 6+6 a
Puis je m'interrompais, et, me laissant distraire 6+6 a
15 Des poëtes par toi, poésie, et content, 6+6 b
Je savourais l'azur, le soleil éclatant, 6+6 b
Paris, les seuils sacrés, et la Seine qui coule, 6+6 a
Et cette auguste paix qui sortait de la foule. 6+6 a
Dès lors pourtant des voix murmuraient : Anankè. 6+6 b
20 Je passais ; et partout, sur le pont, sur le quai, 6+6 b
Et jusque dans les champs, étincelait le rire, 6+6 a
Haillon d'or que la joie en bondissant déchire. 6+6 a
Le Panthéon brillait comme une vision. 6+6 b
La gaîté d'une altière et libre nation 6+6 b
25 Dansait sous le ciel bleu dans les places publiques ; 6+6 a
Un rayon qui semblait venir des temps bibliques 6+6 a
Illuminait Paris calme et patriarcal ; 6+6 b
Ce lion dont l'œil met en fuite le chacal, 6+6 b
Le peuple des faubourgs se promenait tranquille. 6+6 a
30 Le soir, je revenais ; et dans toute la ville, 6+6 a
Les passants, éclatant en strophes, en refrains, 6+6 b
Ayant leurs doux instincts de liberté pour freins, 6+6 b
Du Louvre au Champ-de-Mars, de Chaillot à la Grève, 6+6 a
Fourmillaient ; et, pendant que mon esprit, qui rêve 6+6 a
35 Dans la sereine nuit des penseurs étoilés, 6+6 b
Et dresse ses rameaux à leurs lueurs mêlés, 6+6 b
S'ouvrait à tous ces cris charmants comme l'aurore, 6+6 a
À toute cette ivresse innocente et sonore, 6+6 a
Paisibles, se penchant, noirs et tout semés d'yeux, 6+6 b
40 Sous le ciel constellé, sur le peuple joyeux, 6+6 b
Les grands arbres pensifs des vieux Champs-Élysées, 6+6 a
Pleins d'astres, consentaient à s'emplir de fusées. 6+6 a
Et j'allais, et mon cœur chantait ; et les enfants 6+6 b
Embarrassaient mes pas de leurs jeux triomphants, 6+6 b
45 Où s'épanouissaient les mères de famille ; 6+6 a
Le frère avec la sœur, le père avec la fille, 6+6 a
Causaient ; je contemplais tous ces hauts monuments 6+6 b
Qui semblent au songeur rayonnants ou fumants, 6+6 b
Et qui font de Paris la deuxième des Romes ; 6+6 a
50 J'entendais près de moi rire les jeunes hommes 6+6 a
Et les graves vieillards dire : « Je me souviens. » 6+6 b
O patrie ! ô concorde entre les citoyens ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
logo du CRISCO logo de l'université