Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_17/HUG401
Victor HUGO
CHÂTIMENTS
1853
SAINT-ARNAUD
Cet homme avait donné | naguère un coup de main 6+6 a
Au recul de la France | et de l’esprit humain ; 6+6 a
Ce général avait | les états de service 6+6 b
D’un chacal, et le crime | aimait en lui le vice. 6+6 b
5 Buffon l’eût admis, certe, | au rang des carnassiers. 6+6 a
Il avait fait charger | le septième lanciers, 6+6 a
Secouant les guidons | aux trois couleurs françaises, 6+6 b
Sur des bonnes d’enfants, | derrière un tas de chaises ; 6+6 b
Il était le vainqueur | des passants de Paris ; 6+6 a
10 Il avait mitraillé | les cigares surpris 6+6 a
Et broyé Tortoni | fumant, à coups de foudre ; 6+6 b
Fier, le tonnerre au poing, | il avait mis en poudre 6+6 b
Un marchand de coco | près des Variétés ; 6+6 a
Avec quinze escadrons, | bien armés, bien montés, 6+6 a
15 Et trente bataillons, | et vingt pièces de douze, 6+6 b
Il avait pris d’assaut | le perron Sallandrouze ; 6+6 b
Il avait réussi | même, en fort peu de temps, 6+6 a
À tuer sur sa porte | un enfant de sept ans ; 6+6 a
Et sa gloire planait | dans l’ouragan qui tonne 6+6 b
20 De l’égout Poissonnière | au ruisseau Tiquetonne. 6+6 b
Tout cela l’avait fait | maréchal. Nous aussi, 6+6 a
Nous étions des vaincus, | je dois le dire ici ; 6+6 a
Nous étions douze cents ; | eux, ils étaient cent mille. 6+6 b
Or ce Verrès croyait | qu’on devient Paul-Émile. 6+6 b
25 Pendant que Beauharnais, | l’être ignorant le mal, 6+6 a
Affiche aux trois poteaux | d’un chiffre impérial 6+6 a
Son nom hideux, dégoût | des lèvres de l’histoire ; 6+6 b
Pendant qu’un bas empire | éclôt sous un prétoire 6+6 b
Et s’étale, amas d’ombre | où rampent les serpents, 6+6 a
30 Fumier de trahison, | de dot, de guet-apens, 6+6 a
Dont n’auraient pas voulu | les poules de Carthage; 6+6 b
Pendant que de la France | on se fait le partage ; 6+6 b
Pendant que des milliers | d’innocents égorgés 6+6 a
Pourrissent, par le ver | du sépulcre rongés ; 6+6 a
35 Pendant que les proscrits, | que la chiourme accompagne, 6+6 b
Cheminant deux à deux | dans les sabots du bagne, 6+6 b
Vieillards, enfants brûlés | de fièvre, sans sommeil, 6+6 a
Vont à Guelma casser | des pierres au soleil ; 6+6 a
Pendant qu’à Bône on meurt | et qu’en Guyane on tombe, 6+6 b
40 Et qu’ici, chaque jour, | nous creusons une tombe, 6+6 b
Ce sbire galonné | du crime, ce vainqueur, 6+6 a
De la fraude et du vol | sinistre remorqueur, 6+6 a
Cet homme, bras sanglant | de la trahison louche, 6+6 b
Ce Mars Mandrin ayant | pour Jupiter Cartouche, 6+6 b
45 S’était dit : « Bah ! la France | oublie. Un vrai laurier ! 6+6 a
Et l’on n’osera plus | sur mes talons crier. 6+6 a
En guerre ! Il n’est pas bon | que la gloire demeure 6+6 b
Au charnier Montfaucon ; | nous avons à cette heure 6+6 b
Trop de Dix-huit Brumaire | et trop peu d’Austerlitz ; 6+6 a
50 Lorsque nous secouons | nos drapeaux, de leurs plis 6+6 a
Ils ne laissent tomber | sur nous que des huées ; 6+6 b
Au lieu des vieillards morts | et des femmes tuées, 6+6 b
Il est temps qu’il se dresse | autour de nous un peu 6+6 a
De fanfare et d’orgueil, | chantant dans le ciel bleu ; 6+6 a
55 Or, voici que la guerre | à l’orient se lève ! 6+6 b
Je ne suis que couteau, | je puis devenir glaive. 6+6 b
On me crache au visage | aujourd’hui, mais demain 6+6 a
J’apparaîtrai, superbe, | éclatant, surhumain, 6+6 a
Vainqueur, dans une illustre | et splendide fumée, 6+6 b
60 Et duc de la mer Noire | et prince de Crimée, 6+6 b
Et je ferai voler | ce mot : Sébastopol, 6+6 a
Des tours de Notre-Dame | au dôme de Saint-Paul ! 6+6 a
Le vieux monstre Russie, | aux regards longs et troubles, 6+6 b
Qui fascine l’Europe | avec des yeux de roubles, 6+6 b
65 Je le prendrai, j’irai | le saisir dans son trou, 6+6 a
Et je rapporterai | sur mon poing ce hibou. 6+6 a
On verra sous mes pieds | fondre le czar qui croule. 6+6 b
Paris m’admirera | de la Bastille au Roule ; 6+6 b
On me battra des mains | au fond des vieux faubourgs ; 6+6 a
70 Les gamins marqueront | le pas à mes tambours 6+6 a
La porte Saint-Denis | tirera des fusées ; 6+6 b
Et, quand je passerai, | du haut de ses croisées 6+6 b
Le boulevard Montmartre | applaudira. Partons. 6+6 a
Effaçons d’un seul trait | tuerie, exils, pontons, 6+6 a
75 Et jetons cette poudre | aux yeux froids de l’histoire. 6+6 b
Je m’en irai Massacre | et reviendrai Victoire ; 6+6 b
Je serai parti chien, | je reviendrai lion. 6+6 a
En guerre ! —
Tu mettrais | Atlas sur Pélion, 6+6 a
Tu ferais plus qu’aucun | dont l’homme se souvienne, 6+6 b
80 Tu forcerais Moscou, | Pétersbourg, Berlin, Vienne, 6+6 b
Tu tordrais dans tes mains | ainsi que des serpents 6+6 a
Tous les fleuves domptés, | tremblants, soumis, rampants, 6+6 a
Le Don, le Nil, le Tibre, | et le Rhin basaltique, 6+6 b
Tu prendrais la mer Noire | avec la mer Baltique, 6+6 b
85 On te verrait, vainqueur, | au front des escadrons, 6+6 a
Précédé des tambours | et suivi des clairons, 6+6 a
Parmi les plus fameux | marcher le plus insigne, 6+6 b
Que tu ne ferais pas | décroître d’une ligne 6+6 b
L’épaisseur du carcan | qui pend à l’échafaud ! 6+6 a
90 Que tu n’ôterais pas | une lettre au fer chaud 6+6 a
Que l’histoire, quand vient | l’heure de comparaître, 6+6 b
Imprime au dos du lâche | et sur le front du traître ! 6+6 b
On est ivre parfois | quand on a bu du sang. 6+6 a
Nul ne sait le destin. | Fais ton rêve, passant ! 6+6 a
95 L’éternel océan | nous regarde, et sanglote. 6+6 b
Il prit ce qu’il voulut | dans l’armée et la flotte ; 6+6 b
Il reçut le baiser | de Néron le Petit, 6+6 a
Gagna Toulon, sa ville, | et partit. Il partit, 6+6 a
Traînant des millions | après lui dans ses coffres, 6+6 b
100 Entouré de banquiers | qui lui faisaient des offres, 6+6 b
En satrape persan, | en proconsul romain, 6+6 a
Son bâton de velours | et d’aigles dans sa main, 6+6 a
Emportant pour sa table | un service de Chine, 6+6 b
Suivi de vingt fourgons, | brodé jusqu’à l’échine, 6+6 b
105 Empanaché, doré, | magnifique, hideux. 6+6 a
Un jour, on déterra | l’un de ceux de l’an deux, 6+6 a
Un vieux républicain, | le général Dampierre ; 6+6 b
On le trouva couché | tout armé sous la pierre, 6+6 b
Et portant, fier soldat | que nul n’avait vu fuir, 6+6 a
110 L’épaulette de laine | et la dragonne en cuir. 6+6 a
Il partit, tout trempé | d’eau bénite ; et ce reître 6+6 b
Partout sur son chemin | baisait la griffe au prêtre ; 6+6 b
Car cette hypocrisie | est le genre actuel ; 6+6 a
Le crime, qui jadis | bravait le rituel, 6+6 a
115 L’ancien vieux crime impie | à présent dégénère 6+6 b
En clins d’yeux qu’à Tartuffe | adresse Lacenaire 6+6 b
Le brigand est béni | du curé, point ingrat ; 6+6 a
Papavoine aujourd’hui | se confesse à Mingrat ; 6+6 a
Le bedeau Poulmann sert | la messe. – Ah ! je l’avoue, 6+6 b
120 Quand un bandit sincère, | entier, sentant la roue, 6+6 b
Honnête à sa façon, | bonne fille, complet, 6+6 a
Se déclare bandit, | s’annonce ce qu’il est, 6+6 a
Fuit les honnêtes gens, | sent qu’il les dépareille, 6+6 b
Et porte carrément | son crime sur l’oreille, 6+6 b
125 Mon Dieu ! quand un voleur | dit : je suis un voleur, 6+6 a
Quand un pauvre histrion | de foire, un avaleur 6+6 a
De sabres, au milieu | d’un torrent de paroles, 6+6 b
Un arracheur de dents, | avec ses bottes molles, 6+6 b
Orné de galons faux | et de poil de lapin, 6+6 a
130 Quand un drôle ingénu, | qui peut-être est sans pain, 6+6 a
Met sa main dans ma poche | et m’empoigne ma montre, 6+6 b
Quand, le matin, poussant | ma porte qu’il rencontre, 6+6 b
Il entre, prend ma bourse | et mes couverts d’argent, 6+6 a
Et, si je le surprends | à même et pataugeant, 6+6 a
135 Me dit : c’est vrai, monsieur, | je suis une canaille ; 6+6 b
Je ris, et je suis prêt | à dire : qu’il s’en aille 6+6 b
Amnistie au coquin | qui se donne pour tel ! 6+6 a
Mais quand l’assassinat | s’étale sur l’autel 6+6 a
Et que sous une mitre | un prêtre l’escamote ; 6+6 b
140 Quand un soldat féroce | entre ses dents marmotte 6+6 b
Un oremus infâme | au bout d’un sacrebleu ; 6+6 a
Quand on fait devant moi | cette insulte au ciel bleu 6+6 a
De faire Magnan saint | et Canrobert ermite ; 6+6 b
Quand le carnage prend | des airs de chattemite, 6+6 b
145 Et quand Jean l’Écorcheur | se confit en Veuillot ; 6+6 a
Quand le massacre affreux, | le couteau, le billot, 6+6 a
Le rond-point la Roquette | et la place Saint-Jacques, 6+6 b
Tout ruisselants de sang, | viennent faire leurs pâques ; 6+6 b
Quand les larrons, après | avoir coupé le cou 6+6 a
150 Au voyageur, et mis | ses membres dans un trou, 6+6 a
Vont au lieu saint ouvrir | et piller la valise ; 6+6 b
Quand j’attends la caverne | et quand je vois l’église ; 6+6 b
Quand le meurtre sournois | qui chourina sans bruit 6+6 a
La loi, par escalade | et guet-apens, la nuit, 6+6 a
155 Et qui par la fenêtre | entra dans nos demeures, 6+6 b
Prend un cierge, se signe, | ânonne un livre d’heures, 6+6 b
Offre sa pince au Dieu | sous qui l’Horeb tremblait, 6+6 a
Et de sa corde à nœuds | se fait un chapelet, 6+6 a
Alors, ô cieux profonds ! | ma prunelle s’allume, 6+6 b
160 Mon pouls bat sur mon cœur | comme sur une enclume, 6+6 b
Je sens grandir en moi | la colère, géant, 6+6 a
Et j’accours éperdu, | frémissant, secouant 6+6 a
Sur ces horreurs, à l’âme | humaine injurieuses, 6+6 b
Dans mes deux mains, des fouets | de strophes furieuses ! 6+6 b
165 Stamboul, lui prodiguant | galas, orchestre et bal, 6+6 a
Lui fit fête, Capoue | où manquait Annibal. 6+6 a
Ce bandit rayonna | quelque temps dans des gloires 6+6 b
Byzance illumina | pour lui ses promontoires. 6+6 b
Au cirque Franconi, | quand vient le dénouement, 6+6 a
170 Quand la toile de fond | se lève brusquement 6+6 a
Et que tout le décor | n’est plus qu’une astragale, 6+6 b
On voit ces choses-là | dans un feu de Bengale. 6+6 b
Et, pendant ces festins | et ces jeux, on brûla, 6+6 a
Les russes, Silistrie, | et les anglais, Kola. 6+6 a
175 Le moment vint ; l’escadre | appareilla ; les roues 6+6 b
Tournèrent ; par ce tas | de voiles et de proues, 6+6 b
Dont l’âpre artillerie | en vingt salves gronda, 6+6 a
L’infini se laissa | violer. L’armada, 6+6 a
Formidable, penchant, | prête à cracher le soufre, 6+6 b
180 Les gueules des canons | sur les gueules du gouffre, 6+6 b
Nageant, polype humain, | sur l’abîme béant, 6+6 a
Et, comme un noir poisson | dans un filet géant, 6+6 a
Prenant l’ouragan sombre | en ses mille cordages, 6+6 b
S’ébranla ; dans ses flancs, | les haches d’abordages, 6+6 b
185 Les sabres, les fusils, | le lourd tromblon marin, 6+6 a
La fauve caronade | aux ailerons d’airain 6+6 a
Se heurtaient ; et, jetant | de l’écume aux étoiles, 6+6 b
Et roulant dans ses plis | des tempêtes de toiles, 6+6 b
Frégate, aviso, brick, | brûlot, trois-ponts, steamer, 6+6 a
190 Le troupeau monstrueux | couvrit la vaste mer. 6+6 a
La flotte ainsi marchait | en ordre de bataille. 6+6 b
Ô mouches ! il est temps | que cet homme s’en aille. 6+6 b
Venez ! Souffle, ô vent noir | des moustiques de feu ! 6+6 a
Hurrah ! les inconnus, | les punisseurs de Dieu, 6+6 a
195 L’obscure légion | des hydres invisibles, 6+6 b
L’infiniment petit, | rempli d’ailes horribles, 6+6 b
Accourut ; l’âpre essaim | des moucherons, tenant 6+6 a
Dans un souffle, et qui fait | trembler un continent, 6+6 a
L’atome, monde affreux | peuplant l’ombre hagarde, 6+6 b
200 Que l’œil du microscope | avec effroi regarde, 6+6 b
Vint, groupe insaisissable | et vague où rien ne luit, 6+6 a
Et plana sur la flotte | énorme dans la nuit. 6+6 a
Et les canons, hurlant | contre l’homme, molosses 6+6 b
De la mort, les vaisseaux, | titaniques colosses, 6+6 b
205 Les mortiers lourds, volcans | aux hideux entonnoirs, 6+6 a
Les grands steamers, dragons | dégorgeant des flots noirs, 6+6 a
Tous ces géants tremblaient | au sein des flots terribles 6+6 b
Sous ce frémissement | d’ailes imperceptibles ! 6+6 b
Et le lugubre essaim, | vil, céleste, infernal, 6+6 a
210 Planait, plaisait toujours, | attendant un signal. 6+6 a
Terre ! dit la vigie. | Et l’on toucha la rive. 6+6 b
La gloire, qui parfois, | jusqu’aux bandits arrive, 6+6 b
Apparut, et cet homme | entrevit les combats, 6+6 a
Les tentes, les bivouacs, | et, tout au fond, là-bas, 6+6 a
215 Vous couvrant de son ombre, | horreurs atténuées, 6+6 b
L’immense arc de triomphe | au milieu des nuées. 6+6 b
Il débarqua. L’essaim | planait toujours. Hurrah ! 6+6 a
C’est l’heure. Et le Seigneur | fit signe au choléra. 6+6 a
La peste, saisissant | son condamné sinistre, 6+6 b
220 À défaut du césar | acceptant le ministre, 6+6 b
Dit à la guerre pâle | et reculant d’effroi . 6+6 a
— Va-t’en. Ne me prends pas | cet homme. Il est à moi. 6+6 a
Et cria de sa voix | où siffle une couleuvre : 6+6 b
— Bataille, fais ta tâche | et laisse-moi mon œuvre. 6+6 b
225 Alors, suivant le doigt | qui d’en haut l’avertit, 6+6 a
L’essaim vertigineux | sur ce front s’abattit ; 6+6 a
Le monstre aux millions | de bouches, l’impalpable, 6+6 b
L’infini, se rua | sur le blême coupable ; 6+6 b
Les ténèbres, mordant, | rongeant, piquant, suçant, 6+6 a
230 Entrèrent dans cet homme, | et lui burent le sang, 6+6 a
Et l’enfer, le tordant | vivant dans ses tenailles, 6+6 b
Se mit à lui manger | dans l’ombre les entrailles. 6+6 b
Et dans ce même instant | la bataille tonna, 6+6 a
Et cria dans les cieux : | Wagram ! Ulm ! Iéna ! 6+6 a
235 En avant, bataillons, | dans la fière mêlée ! 6+6 b
Peuples ! ceci descend | de la voûte étoilée, 6+6 b
Et c’est l’histoire, et c’est | la justice de Dieu ; 6+6 a
Pendant que, sous des flots | de mitraille, au milieu 6+6 a
Des balles, bondissaient | vers le but électrique 6+6 b
240 Les highlanders d’Écosse | et les spahis d’Afrique, 6+6 b
Tandis que, s’excitant | et s’entre-regardant, 6+6 a
Le chasseur de Vincenne | et le zouave ardent 6+6 a
Rampaient et gravissaient | la montagne en décombres, 6+6 b
Tandis que Mentschikoff | et ses grenadiers sombres 6+6 b
245 À travers les obus, | sur l’âpre escarpement, 6+6 a
Voyaient, plus effarés | de moment en moment, 6+6 a
Monter vers eux ce tas | de tigres dans les ronces, 6+6 b
Et que les lourds canons | s’envoyaient des réponses, 6+6 b
Et qu’on pouvait, fût-on | serf, esclave ou troupeau, 6+6 a
250 Tomber du moins en brave | à l’ombre d’un drapeau, 6+6 a
Lui, l’homme frémissant | du boulevard Montmartre, 6+6 b
Ayant son crime au flanc, | qui se changeait en dartre, 6+6 b
Les boulets indignés | se détournant de lui, 6+6 a
Vil, la main sur le ventre, | et plein d’un sombre ennui, 6+6 a
255 Il voyait, pâle, amer, | l’horreur dans les narines, 6+6 b
Fondre sous lui sa gloire | en allée aux latrines. 6+6 b
Il râlait ; et, hurlant, | fétide, ensanglanté, 6+6 a
À deux pas de son champ | de bataille, à côté 6+6 a
Du triomphe, englouti | dans l’opprobre incurable, 6+6 b
260 Triste, horrible, il mourut. | Je plains ce misérable. 6+6 b
Ici, spectre ! Viens là | que je te parle. Oui, 6+6 a
Puisque dans le néant | tu t’es évanoui 6+6 a
Sous l’œil mystérieux | du Dieu que je contemple, 6+6 b
Puisque la mort a fait | sur toi ce grand exemple, 6+6 b
265 Et que, traînant ton crime, | abject, épouvanté, 6+6 a
Te voilà face à face | avec l’éternité, 6+6 a
Puisque c’est du tombeau | que la prière monte, 6+6 b
Que tu n’es plus qu’une ombre, | et que Dieu sur la honte 6+6 b
De ton commencement | met l’horreur de ta fin, 6+6 a
270 Quoique au-dessous du tigre | esclave de la faim, 6+6 a
Tu me serres le cœur, | bandit, et je t’avoue 6+6 b
Que je me sens un peu | de pitié pour ta boue, 6+6 b
Que je frémis de voir | comme mon Dieu te suit, 6+6 a
Et que, plusieurs ici, | qui sommes dans la nuit, 6+6 a
275 Nous avons fait un signe | avec notre front pâle, 6+6 b
Quand l’ange Châtiment, | qui, penché sur ton râle, 6+6 b
Te gardait, et tenait | sur toi ses yeux baissés, 6+6 a
S’est tourné vers nous, spectre, | en disant : Est-ce assez ? 6+6 a
Jersey.
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