Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_17/HUG377
Victor HUGO
CHÂTIMENTS
1853
LIVRE VI
LA STABILITÉ EST ASSURÉE
XIII
À JUVÉNAL
I
Retournons à l'école,ô mon vieux Juvénal. 6+6 a
Homme d'ivoire et d'or,descends du tribunal 6+6 a
depuis deux mille anstes vers superbes tonnent. 6+6 b
Il part, vois-tu bien,ces choses nous étonnent, 6+6 b
5 Mais c'est la véritéselon monsieur Riancey, 6+6 a
Que lorsqu'un peu de tempssur le sang a passé, 6+6 a
Après un an ou deux,c'est une découverte, 6+6 b
Quoi qu'en disent les mortsavec leur bouche verte, 6+6 b
Le meurtre n'est plus meurtreet le vol n'est plus vol. 6+6 a
10 Monsieur Veuillot, qui tientd'Ignace et d'Auriol, 6+6 a
Nous l'affirme, quand l'heurea tourné sur l'horloge, 6+6 b
De notre entendementceci fait peu l'éloge, 6+6 b
Pourvu qu'à Notre-Dameon brûle de l'encens, 6+6 a
Et que l'abonné vienneaux journaux bien-pensants, 6+6 a
15 Il part que, sortantde son hideux suaire, 6+6 b
Joyeux, en panthéonchangeant son ossuaire, 6+6 b
Dans l'opérationpar monsieur Fould aidé, 6+6 a
Par les juges lavé,par les filles fardé, 6+6 a
Ô miracle ! entouréde croyants et d'apôtres, 6+6 b
20 En dépit des rêveurs,en dépit de nous autres 6+6 b
Noirs poètes bourrusqui n'y comprenons rien, 6+6 a
Le mal prend tout à coupla figure du bien. 6+6 a
II
Il est l'appui de l'ordre ;il est bon catholique ; 6+6 b
Il signe hardiment :prospérité publique. 6+6 b
25 La trahison s'habilleen général français ; 6+6 a
L'archevêque éblouibénit le dieu Succès ; 6+6 a
C'était crime jeudi,mais c'est haut fait dimanche. 6+6 b
Du pourpoint Probitél'on retourne la manche. 6+6 b
Tout est dit. La vertutombe dans l'arriéré. 6+6 a
30 L'honneur est un vieux foudans sa cave muré. 6+6 a
Ô grand penseur de bronze,en nos dures cervelles 6+6 b
Faisons entrer un peuces morales nouvelles, 6+6 b
Lorsque sur le Grand'Combeou sur le blanc de zinc, 6+6 a
On a revendu vingtce qu'on a payé cinq, 6+6 a
35 Sache qu'un guet-apenspar nous triomphâmes 6+6 b
Est juste, honnête et bon ;tout au rebours des femmes, 6+6 b
Sache qu'en vieillissantle crime devient beau. 6+6 a
Il plane cygne aprèss'être envolé corbeau. 6+6 a
Oui, tout cadavre utileexhale une odeur d'ambre. 6+6 b
40 Que vient-on nous parlerd'un crime de décembre 6+6 b
Quand nous sommes en juin !l'herbe a poussé dessus. 6+6 a
Toute la question,la voici : fils, tissus, 6+6 a
Cotons et sucres brutsprospèrent ; le temps passe. 6+6 b
Le parjure difformeet la trahison basse 6+6 b
45 En avançant en âgeont la propriété 6+6 a
De perdre leur bassesseet leur difformité ; 6+6 a
Et l'assassinat loucheet tout souillé de fange, 6+6 b
Change son front de spectreen un visage d'ange. 6+6 b
III
Et comme, en même temps,dans ce travail normal, 6+6 a
50 La vertu devient fauteet le bien devient mal, 6+6 a
Apprends que, quand Saturnea soufflé sur leur rôle, 6+6 b
Néron est un sauveuret Spartacus un drôle. 6+6 b
La raison obstinéea beau faire du bruit ; 6+6 a
La justice, ombre pâle,a beau, dans notre nuit, 6+6 a
55 Murmurer comme un souffleà toutes les oreilles ; 6+6 b
On laisse dans leur coinbougonner ces deux vieilles. 6+6 b
Narcisse gazetierlapide Scevola. 6+6 a
Accoutumons nos yeuxà ces lumières-là 6+6 a
Qui font qu'on apeoittout sous un nouvel angle, 6+6 b
60 Et qu'on voit Malesherbeen regardant Delangle. 6+6 b
Sachons dire : Lebœufest grand, Persil est beau ; 6+6 a
Et laissons la pudeurau fond du lavabo. 6+6 a
IV
Le bon, le sûr, le vrai,c'est l'or dans notre caisse. 6+6 b
L'homme est extravagantqui, lorsque tout s'affaisse, 6+6 b
65 Proteste seul deboutdans une nation, 6+6 a
Et porte à bras tenduson indignation. 6+6 a
Que diable ! il faut pourtantvivre de l'air des rues, 6+6 b
Et ne pas s'entêteraux choses disparues. 6+6 b
Quoi ! tout meurt ici-bas,l'aigle comme le ver, 6+6 a
70 Le charançon péritsous la neige l'hiver, 6+6 a
Quoi ! le Pont-Neuf fléchitlorsque les eaux sont grosses, 6+6 b
Quoi, mon coude est troué,quoi ! je perce mes chausses, 6+6 b
Quoi ! mon feutre était neufet s'est usé depuis, 6+6 a
Et la Vérité, mtre,aurait, dans son vieux puits, 6+6 a
75 Cette prétentionrare d'être éternelle ! 6+6 b
De ne pas se mouillerquand il pleut, d'être belle 6+6 b
À jamais, d'être reineen n'ayant pas le sou, 6+6 a
Et de ne pas mourirquand on lui tord le cou ! 6+6 a
Allons donc ! citoyens,c'est au fait qu'il faut croire ! 6+6 b
V
80 Sur ce, les charlatansprêchent leur auditoire 6+6 b
D'idiots, de mouchards,de grecs, de philistins, 6+6 a
Et de gens pleins d'espritdétroussant les crétins ; 6+6 a
La Bourse rit ; la hausseoffre aux badauds ses prismes ; 6+6 b
La douce hypocrisieéclate en aphorismes ; 6+6 b
85 C'est bien, nous gagnons groset nous sommes contents ; 6+6 a
Et ce sont, Juvénal,les maximes du temps. 6+6 a
Quelque sous-diacre, éclosdans je ne sais quel bouge, 6+6 b
Trouva ces véritésen balayant Montrouge, 6+6 b
Si bien qu'aujourd'hui, fierset rois des temps nouveaux, 6+6 a
90 Messieurs les aigrefinset messieurs les dévots 6+6 a
Déclarent, s'éclairantaux lueurs de leur cierge, 6+6 b
Jeanne d'Arc courtisaneet Messaline vierge. 6+6 b
Voilà ce que curés,évêques, talapoins, 6+6 a
Au nom du Dieu vivant,démontrent en trois points, 6+6 a
95 Et ce que le filouqui fouille dans ma poche 6+6 b
Prouve par A plus Bbé, par Argout plus Baroche. 6+6 b
VI
Mtre ! voilà-t-il pasde quoi nous indigner ? 6+6 a
À quoi bon s'exclamer ?à quoi bon trépigner ? 6+6 a
Nous avons l'habitude,en songeurs que nous sommes, 6+6 b
100 De contempler les nainsbien moins que les grands hommes ; 6+6 b
Même toi satirique,et moi tribun amer, 6+6 a
Nous regardons en haut,le bourgeois dit : en l'air ; 6+6 a
C'est notre infirmité.Nous fuyons la rencontre 6+6 b
Des sots et des méchants.Quand le Dombidau montre 6+6 b
105 Son crâne et que le Fouldavance son menton, 6+6 a
J'aime mieux Jacques Cœur,tu préfères Caton ; 6+6 a
La gloire des héros,des sages que Dieu crée, 6+6 b
Est notre visionéternelle et sacrée ; 6+6 b
Éblouis, l'œil noyédes clartés de l'azur, 6+6 a
110 Nous passons notre vieà voir dans l'Éther pur 6+6 a
Resplendir les géants,penseurs ou capitaines, 6+6 b
Nous regardons, au bruitdes fanfares lointaines, 6+6 b
Au-dessus de ce monde l'ombre règne encor, 6+6 a
Mêlant dans les rayonsleurs vagues poitrails d'or, 6+6 a
115 Une foule de charsvoler dans les nuées ; 6+6 b
Aussi l'essaim des gueuxet des prostituées, 6+6 b
Quand il se heurte à nous,blesse nos yeux pensifs. 6+6 a
Soit. Mais réfléchissons.Soyons moins exclusifs. 6+6 a
Je hais les cœurs abjects,et toi, tu t'en défies ; 6+6 b
120 Mais laissons-les en paixdans leurs philosophies. 6+6 b
VII
Et puis, même en dehorsde tout ceci, vraiment 6+6 a
Peut-on blâmer l'instinctet le tempérament ? 6+6 a
Ne doit-on pas se faireaux natures des êtres ? 6+6 b
La fange a ses amantset l'ordure a ses prêtres ; 6+6 b
125 De la cité bourbierle vice est citoyen ; 6+6 a
l'un se trouve mall'autre se trouve bien ; 6+6 a
J'en atteste Minoset j'en fais juge Éaque, 6+6 b
Le paradis du porc,n'est-ce pas le cloaque ? 6+6 b
Voyons, en quoi, réponds,génie âpre et subtil, 6+6 a
130 Cela nous touche-t-ilet nous regarde-t-il, 6+6 a
Quand l'homme du sermentdans le meurtre patauge, 6+6 b
Quand monsieur Beauharnaisfait du pouvoir une auge, 6+6 b
Si quelque évêque arriveet chante alleluia, 6+6 a
Si Saint-Arnaud bénitla main qui le paya, 6+6 a
135 Si tel ou tel bourgeoisle célèbre et le loue, 6+6 b
S'il est des estomacsqui digèrent la boue ? 6+6 b
Quoi ! quand la France trembleau vent des trahisons, 6+6 a
Stupéfaits et naïfs,nous nous ébahissons, 6+6 a
Si Parieu vient mangerdes glands sous ce grand chêne ! 6+6 b
140 Nous trouvons surprenantque l'eau coule à la Seine, 6+6 b
Nous trouvons merveilleuxque Troplong soit Scapin. 6+6 a
Nous trouvons inouïque Dupin soit Dupin ! 6+6 a
VIII
Un vieux penchant humainmène à la turpitude. 6+6 b
L'opprobre est un logis,un centre, une habitude, 6+6 b
145 Un toit, un oreiller,un lit tiède et charmant, 6+6 a
Un bon manteau bien ample l'on est chaudement. 6+6 a
L'opprobre est le milieurespirable aux immondes. 6+6 b
Quoi ! nous nous étonnonsd'ouïr dans les deux mondes 6+6 b
Les dupes faisant chœuravec les chenapans, 6+6 a
150 Les gredins, les niaisvanter ce guet-apens. 6+6 a
Mais ce sont là les loisde la mère nature. 6+6 b
C'est de l'antique instinctl'éternelle aventure. 6+6 b
Par le point qui séduitses appétits flattés 6+6 a
Chaque bête se pltaux monstruosités. 6+6 a
155 Quoi ! ce crime est hideux !quoi ! ce crime est stupide ! 6+6 b
N'est-il plus d'animauxpour l'admirer ? Le vide 6+6 b
S'est-il fait ? n'est-il plusd'êtres vils et rampants ? 6+6 a
N'est-il plus de chacals ?n'est-il plus de serpents ? 6+6 a
Quoi ! les baudets ont-ilspris tout à coup des ailes, 6+6 b
160 Et se sont-ils enfuisaux vtes éternelles ? 6+6 b
De la créationl'âne a-t-il disparu ? 6+6 a
Quand Cyrus, Annibal,César, montaient à cru 6+6 a
Cet effrayant chevalqu'on appelle la gloire, 6+6 b
Quand, ailés, effarésde joie et de victoire, 6+6 b
165 Ils passaient flamboyantsau fond des cieux vermeils, 6+6 a
Les aigles leur criaient :vous êtes nos pareils ! 6+6 a
Les aigles leur criaient :vous portez le tonnerre ! 6+6 b
Aujourd'hui les hibouxacclament Lacenaire. 6+6 b
Eh bien ! je trouve bonque cela soit ainsi. 6+6 a
170 J'applaudis les hibouxet je leur dis : merci. 6+6 a
La sottise se mêleà ce concert sinistre, 6+6 b
Tant mieux. Dans sa gazette,ô Juvénal, tel cuistre 6+6 b
Déclare, avec messieursd'Arras et de Beauvais, 6+6 a
Mandrin très-bon, et ditl'honnête homme mauvais, 6+6 a
175 Foule aux pieds les héroset vante les infâmes, 6+6 b
C'est tout simple ; et vraiment,nous serions bonnes âmes 6+6 b
De nous émerveillerlorsque nous entendons 6+6 a
Les Veuillots aux laurierspréférer les chardons ! 6+6 a
IX
Donc laissons aboyerla conscience humaine 6+6 b
180 Comme un chien qui s'agiteet qui tire sa chne. 6+6 b
Guerre aux justes proscrits !gloire aux coquins fêtés ! 6+6 a
Et faisons bonne mineà ces réalités. 6+6 a
Acceptons cet empireunique et véritable. 6+6 b
Saluons sans broncherTrestaillon connétable. 6+6 b
185 Mingrat grand-aumônier,Bosco grand-électeur ; 6+6 a
Et ne nous fâchons pass'il advient qu'un rhéteur, 6+6 a
Un homme du Sénat,un homme du conclave, 6+6 b
Un eunuque, un cagot,un sophiste, un esclave, 6+6 b
Esprit sauteur prenantla phrase pour tremplin, 6+6 a
190 Après avoir chantéCésar de grandeur plein, 6+6 a
Et ses perfectionset ses mansuétudes, 6+6 b
Insulte les bannisjetés aux solitudes, 6+6 b
Ces brigands qu'a vaincusTibère Amphitryon. 6+6 a
Vois-tu, c'est un talentde plus dans l'histrion ; 6+6 a
195 C'est de l'art de flatterle plus exquis peut-être ; 6+6 b
On chatouille moins bienHenri-huit, le bon mtre, 6+6 b
En louant Henri-huitqu'en déchirant Morus. 6+6 a
Les dictateurs d'esprit,bourrés d'éloges crus, 6+6 a
Sont friands, dans leur gloireet dans leurs arrogances, 6+6 b
200 De ces raffinementset de ces élégances. 6+6 b
Poète, c'est ainsique les despotes sont. 6+6 a
Le pouvoir, les honneurssont plus doux quand ils ont 6+6 a
Sur l'échafaud du justeune fenêtre ouverte. 6+6 b
Les exilés, pleurantprès de la mer déserte, 6+6 b
205 Les sages torturés,les martyrs expirants 6+6 a
Sont l'assaisonnementdu bonheur des tyrans. 6+6 a
Juvénal, Juvénal,mon vieux lion classique, 6+6 b
Notre vin de Champagneet ton vin de Massique, 6+6 b
Les festins, les palaiset le luxe effréné, 6+6 a
210 L'adhésion du prêtreet l'amour de Phryné, 6+6 a
Les triomphes, l'orgueil,les respects, les caresses, 6+6 b
Toutes les voluptéset toutes les ivresses 6+6 b
Dont s'abreuvait Séjan,dont se gorgeait Rufin, 6+6 a
Sont meilleures à boire,ont un gt bien plus fin, 6+6 a
215 Si l'on n'est pas un sotà cervelle exiguë, 6+6 b
Dans la coupe Socratehier but la ciguë ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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