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| = césure
HUG_17/HUG375
Victor HUGO
CHÂTIMENTS
1853
LIVRE VI
LA STABILITÉ EST ASSURÉE
XI
LE PARTI DU CRIME
« Amis et Frères ! en
présence de ce gouvernement
infâme, négation de toute
morale, obstacle à tout
progrès social, en présence de ce
gouvernement meurtrier du
peuple, assassin de la
République et violateur des lois,
de ce gouvernement né de la
force, et qui doit périr par la
force, de ce gouvernement
élevé par le crime et qui doit
être terrassé par le droit, le
Français digne du nom de
citoyen ne sait pas, ne veut
pas savoir s'il y a quelque
part des semblants de scrutin,
des comédies de suffrage
universel et des parodies
d'appel à la nation ; il ne
s'informe pas s'il y a des
hommes qui votent et des
hommes qui font voter, s'il y
a un troupeau qu'on appelle
le sénat et qui délibère et un
autre troupeau qu'on appelle
le peuple et qui obéit ; il ne
s'informe pas si le pape
va sacrer au maître-autel de
Notre-Dame l'homme qui —
n'en doutez pas, ceci est
l'avenir inévitable — sera ferré au
poteau par le bourreau ; —
en présence de M. Bonaparte
et de son gouvernement, le
citoyen, digne de ce nom, ne
fait qu'une chose et n'a
qu'une chose à faire :
charger son fusil et attendre
l'heure. »
Jersey, 31 octobre 1852.
(Déclaration des proscrits républicains de Jersey,
à propos de l'empire, publiée par Le Moniteur,
signée pour copie conforme :
VICTOR HUGO, FAURE, FOMBERTAUX).
« Nous flétrissons de l'énergie la plus vigoureuse de notre
âme les ignobles et coupables manifestes du PARTI DU
CRIME.»
(RIANCEY. Journal l'Union, 22 novembre.)
« LE PARTI DU CRIME relève la tête. »
(Tous les journaux élyséens en chœur.)
Ainsi ce gouvernant | dont l'ongle est une griffe 6+6 a
Ce masque impérial, | Bonaparte apocryphe, 6+6 a
À coup sûr Beauharnais, | peut-être Verhuell, 6+6 b
Qui, pour la mettre en croix, | livra, sbire cruel, 6+6 b
5 Rome républicaine | à Rome catholique, 6+6 a
Cet homme, l'assassin | de la chose publique, 6+6 a
Ce parvenu, choisi | par le destin sans yeux, 6+6 b
Ainsi, lui, ce glouton | singeant l'ambitieux, 6+6 b
Cette altesse quelconque | habile aux catastrophes, 6+6 a
10 Ce loup sur qui je lâche | une meute de strophes, 6+6 a
Ainsi ce boucanier, | ainsi ce chourineur 6+6 b
A fait d'un jour d'orgueil | un jour de déshonneur, 6+6 b
Mis sur la gloire un crime | et souillé la victoire ; 6+6 a
Il a volé, l'infâme, | Austerlitz à l'histoire ; 6+6 a
15 Brigand, dans ce trophée | il a pris un poignard ; 6+6 b
Il a broyé bourgeois, | ouvrier, campagnard ; 6+6 b
Il a fait de corps morts | une horrible étagère 6+6 a
Derrière les barreaux | de la cité Bergère ; 6+6 a
Il s'est, le sabre en main, | rué sur son serment ; 6+6 b
20 Il a tué les lois | et le gouvernement, 6+6 b
La justice, l'honneur, | tout, jusqu'à l'espérance ; 6+6 a
Il a rougi de sang, | de ton sang pur, ô France, 6+6 a
Tous nos fleuves, depuis | la Seine jusqu'au Var ; 6+6 b
Il a conquis le Louvre | en méritant Clamar ; 6+6 b
25 Et maintenant il règne, | appuyant, ô patrie, 6+6 a
Son vil talon fangeux | sur ta bouche meurtrie ; 6+6 a
Voilà ce qu'il a fait ; | je n'exagère rien ; 6+6 b
Et quand, nous indignant | de ce galérien 6+6 b
Et de tous les escrocs | de cette dictature, 6+6 a
30 Croyant rêver devant | cette affreuse aventure, 6+6 a
Nous disons, de dégoût | et d'horreur soulevés : 6+6 b
— Citoyens, marchons ! Peuple, | aux armes, aux pavés ! 6+6 b
À bas ce sabre abject | qui n'est pas même un glaive ! 6+6 a
Que le jour apparaisse | et que le droit se lève ! 6+6 a
35 C'est nous, proscrits frappés | par ces coquins hardis, 6+6 b
Nous, les assassinés, | qui sommes les bandits ! 6+6 b
Nous qui voulons le meurtre | et les guerres civiles ! 6+6 a
Nous qui mettons la torche | aux quatre coins des villes ! 6+6 a
Donc trôner par la mort, | fouler aux pieds le droit ; 6+6 b
40 Être fourbe, impudent, | cynique, atroce, adroit ; 6+6 b
Dire : je suis César, | et n'être qu'un maroufle ; 6+6 a
Étouffer la pensée | et la vie et le souffle ; 6+6 a
Forcer quatre-vingt-neuf | qui marche à reculer ; 6+6 b
Supprimer lois, tribune | et presse ; museler 6+6 b
45 La grande nation | comme une bête fauve ; 6+6 a
Régner par la caserne | et du fond d'une alcôve ; 6+6 a
Restaurer les abus | au profit des félons ; 6+6 b
Livrer ce pauvre peuple | aux voraces Troplongs, 6+6 b
Sous prétexte qu'il fut, | loin des temps où nous sommes, 6+6 a
50 Dévoré par les rois | et par les gentilshommes ; 6+6 a
Faire manger aux chiens | ce reste des lions ; 6+6 b
Prendre gaiement pour soi | palais et millions, 6+6 b
S'afficher tout crûment | satrape, et, sans sourdines, 6+6 a
Mener joyeuse vie | avec des gourgandines ; 6+6 a
55 Torturer des héros | dans le bagne exécré ; 6+6 b
Bannir quiconque est ferme | et fer ; vivre entouré 6+6 b
De grecs, comme à Byzance | autrefois le despote ; 6+6 a
Être le bras qui tue | et la main qui tripote ; 6+6 a
Ceci, c'est la justice, | ô peuple, et la vertu ! 6+6 b
60 Et confesser le droit | par le meurtre abattu ; 6+6 b
Dans l'exil, à travers | l'encens et les fumées. 6+6 a
Dire en face aux tyrans, | dire en face aux armées : 6+6 a
— Violence, injustice | et force sont vos noms ; 6+6 b
Vous êtes les soldats, | vous êtes les canons ; 6+6 b
65 La terre est sous vos pieds | comme votre royaume ; 6+6 a
Vous êtes le colosse | et nous sommes l'atome ; 6+6 a
Eh bien ! guerre ! et luttons, | c'est notre volonté. 6+6 b
Vous, pour l'oppression, | nous, pour la liberté ! 6+6 b
Montrer les noirs pontons, | montrer les catacombes. 6+6 a
70 Et s'écrier, debout | sur la pierre des tombes : 6+6 a
— Français ! craignez d'avoir | un jour pour repentirs 6+6 b
Les pleurs des innocents | et les os des martyrs ! 6+6 b
Brise l'homme-sépulcre, | ô France ! ressuscite ! 6+6 a
Arrache de ton flanc | ce Néron parasite ! 6+6 a
75 Sors de terre sanglante | et belle, et dresse-toi 6+6 b
Dans une main le glaive | et dans l'autre la loi ! 6+6 b
Jeter ce cri du fond | de son âme proscrite, 6+6 a
Attaquer le forban, | démasquer l'hypocrite. 6+6 a
Parce que l'honneur parle | et parce qu'il le faut, 6+6 b
80 C'est le crime, cela ! | — Tu l'entends, toi, là-haut ! 6+6 b
Oui, voilà ce qu'on dit, | mon Dieu, devant ta face ! 6+6 a
Témoin toujours présent | qu'aucune ombre n'efface, 6+6 a
Voilà ce qu'on étale | à tes yeux éternels ! 6+6 b
Quoi ! le sang fume aux mains | de tous ces criminels ! 6+6 b
85 Quoi ! les morts, vierge, enfant, | vieillards et femmes grosses, 6+6 a
Ont à peine eu le temps | de pourrir dans leurs fosses ! 6+6 a
Quoi ! Paris saigne encor ! | quoi, devant tous les yeux, 6+6 b
Son faux serment est là | qui plane dans les cieux ! 6+6 b
Et voilà comme parle | un tas d'êtres immondes ! 6+6 a
90 O noirs bouillonnements | des colères profondes ! 6+6 a
Et maint vivant, gavé, | triomphant et vermeil, 6+6 b
Reprend : — ce bruit qu'on fait | dérange mon sommeil. 6+6 b
Tout va bien. Les marchands | triplent leurs clientèles, 6+6 a
Et nos femmes ne sont | que fleurs et que dentelles ! 6+6 a
95 — De quoi donc se plaint-on ? | crie un autre quidam, 6+6 b
En flânant sur l'asphalte | et sur le macadam, 6+6 b
Je gagne tous les jours | trois cents francs à la Bourse. 6+6 a
L'argent coule aujourd'hui | comme l'eau d'une source ; 6+6 a
Les ouvriers maçons | ont trois livres dix sous, 6+6 b
100 C'est superbe ; Paris | est sens dessus dessous. 6+6 b
Il paraît qu'on a mis | dehors les démagogues. 6+6 a
Tant mieux. Moi j 'applaudis | les bals et les églogues 6+6 a
Du prince qu'autrefois | à tort je reniais. 6+6 b
Que m'importe qu'on ait | chassé quelques niais ? 6+6 b
105 Quant aux morts, ils sont morts ! | paix à ces imbéciles ! 6+6 a
Vivent les gens d'esprit ! | vivent ces temps faciles 6+6 a
Où l'on peut à son choix | prendre pour nourricier 6+6 b
Le crédit mobilier | ou le crédit foncier ! 6+6 b
La république rouge | aboie en ses cavernes, 6+6 a
110 C'est affreux ! liberté, | droits, progrès, balivernes ! 6+6 a
Hier encor j'empochais | une prime d'un franc ; 6+6 b
Et moi, je sens fort peu, | j 'en conviens, je suis franc, 6+6 b
Les déclamations | m'étant indifférentes, 6+6 a
La baisse de l'honneur | dans la hausse des rentes. 6+6 a
115 Ô langage hideux ! | on le tient ! on l'entend ! 6+6 b
Eh bien, sachez-le donc, | repus au cœur content, 6+6 b
Que nous vous le disions | bien une fois pour toutes, 6+6 a
Oui, nous, les vagabonds | dispersés sur les routes, 6+6 a
Errant sans passeport, | sans nom et sans foyer, 6+6 b
120 Nous autres, les proscrits | qu'on ne fait pas ployer, 6+6 b
Nous qui n'acceptons point | qu'un peuple s'abrutisse, 6+6 a
Qui d'ailleurs, ne voulons, | tout en voulant justice, 6+6 a
D'aucune représaille | et d'aucun échafaud, 6+6 b
Nous, dis-je, les vaincus | sur qui Mandrin prévaut, 6+6 b
125 Pour que la liberté | revive, et que la honte 6+6 a
Meure, et qu'à tous les fronts | l'honneur serein remonte, 6+6 a
Pour affranchir Romains, | Lombards, Germains, Hongrois, 6+6 b
Pour faire rayonner, | soleil de tous les droits, 6+6 b
La République mère | au centre de l'Europe, 6+6 a
130 Pour réconcilier | le palais et l'échoppe, 6+6 a
Pour faire refleurir | la fleur Fraternité, 6+6 b
Pour fonder du travail | le droit incontesté ; 6+6 b
Pour tirer les martyrs | de ces bagnes infâmes, 6+6 a
Pour rendre aux fils le père | et les maris aux femmes, 6+6 a
135 Pour qu'enfin ce grand siècle | et cette nation 6+6 b
Sortent du Bonaparte | et de l'abjection, 6+6 b
Pour atteindre à ce but | où notre âme s'élance, 6+6 a
Nous nous ceignons les reins | dans l'ombre et le silence ; 6+6 a
Nous nous déclarons prêts — | prêts, entendez-vous bien ? 6+6 b
140 Le sacrifice est tout, | la souffrance n'est rien, 6+6 b
Prêts, quand Dieu fera signe, | à donner notre vie ; 6+6 a
Car, à voir ce qui vit, | la mort nous fait envie, 6+6 a
Car nous sommes tous mal | sous ce drôle effronté 6+6 b
Vivant, nous sans patrie, | et vous sans liberté ! 6+6 b
145 Oui, sachez-le, vous tous | que l'air libre importune 6+6 a
Et qui dans ce fumier | plantez votre fortune, 6+6 a
Nous ne laisserons pas | le peuple s'assoupir ; 6+6 b
Oui, nous appellerons, | jusqu'au dernier soupir, 6+6 b
Au secours de la France | aux fers et presque éteinte, 6+6 a
150 Comme nos grands aïeux, | l'insurrection sainte ; 6+6 a
Nous convierons Dieu-même | à foudroyer ceci ; 6+6 b
Et c'est notre pensée | et nous sommes ainsi, 6+6 b
Aimant mieux, dût le sort | nous broyer sous sa roue, 6+6 a
Voir couler notre sang | que croupir votre boue. 6+6 a
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