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12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_17/HUG364
Victor HUGO
CHÂTIMENTS
1853
LIVRE V
L'AUTORITÉ EST SACRÉE
XIII
L'EXPIATION
I
Il neigeait. On étaitvaincu par sa conquête. 6+6 a
Pour la première foisl'aigle baissait la tête. 6+6 a
Sombres jours ! l'empereurrevenait lentement, 6+6 a
Laissant derrière luibrûler Moscou fumant. 6+6 a
5 Il neigeait. L'âpre hiverfondait en avalanche. 6+6 a
Après la plaine blancheune autre plaine blanche. 6+6 a
On ne connaissait plusles chefs ni le drapeau. 6+6 a
Hier la grande armée,et maintenant troupeau. 6+6 a
On ne distinguait plusles ailes ni le centre : 6+6 a
10 Il neigeait. Les blesséss'abritaient dans le ventre 6+6 a
Des chevaux morts ; au seuildes bivouacs désolés 6+6 a
On voyait des claironsà leur poste gelés 6+6 a
Restés debout, en selleet muets, blancs de givre, 6+6 a
Collant leur bouche en pierreaux trompettes de cuivre. 6+6 a
15 Boulets, mitraille, obus,mêlés aux flocons blancs, 6+6 a
Pleuvaient : les grenadiers,surpris d'être tremblants, 6+6 a
Marchaient pensifs, la glaceà leur moustache grise. 6+6 a
Il neigeait, il neigeaittoujours ! la froide bise 6+6 a
Sifflait ; sur le verglas,dans des lieux inconnus, 6+6 a
20 On n'avait pas de painet l'on allait pieds nus. 6+6 a
Ce n'étaient plus des cœursvivants, des gens de guerre ; 6+6 a
C'était un rêve errantdans la brume, un mystère, 6+6 a
Une processiond'ombres sur le ciel noir. 6+6 a
La solitude, vaste,épouvantable à voir, 6+6 a
25 Partout apparaissait,muette vengeresse. 6+6 a
Le ciel faisait sans bruitavec la neige épaisse 6+6 a
Pour cette immense arméeun immense linceul ; 6+6 a
Et, chacun se sentantmourir, on était seul. 6+6 a
— Sortira-t-on jamaisde ce funèbre empire ? 6+6 a
30 Deux ennemis ! le Tzar,le Nord. Le Nord est pire. 6+6 a
On jetait les canonspour brûler les affûts. 6+6 a
Qui se couchait, mourait.Groupe morne et confus, 6+6 a
Ils fuyaient ; le désertdévorait le cortège. 6+6 a
On pouvait, à des plisqui soulevaient la neige, 6+6 a
35 Voir que des régimentss'étaient endormis là. 6+6 a
Ô chutes d'Annibal !Lendemains d'Attila ! 6+6 a
Fuyards, blessés, mourants,caissons, brancards, civières, 6+6 a
On s'écrasait aux pontspour passer les rivières. 6+6 a
On s'endormait dix mille,on se réveillait cent. 6+6 a
40 Ney, que suivait naguèreune armée, à présent 6+6 a
S'évadait, disputantsa montre à trois cosaques. 6+6 a
Toutes les nuits, qui vive !alerte ! assauts ! attaques ! 6+6 a
Ces fantômes prenaientleurs fusils, et sur eux 6+6 a
Ils voyaient se ruer,effrayants, ténébreux, 6+6 a
45 Avec des cris pareilsaux voix des vautours chauves, 6+6 a
D'horribles escadrons,tourbillons d'hommes fauves. 6+6 a
Toute une armée ainsidans la nuit se perdait. 6+6 a
L'empereur était là,debout, qui regardait. 6+6 a
Il était comme un arbreen proie à la cognée. 6+6 a
50 Sur ce géant, grandeurjusqu'alors épargnée, 6+6 a
Le malheur, bûcheronsinistre, était monté ; 6+6 a
Et lui, chêne vivant,par la hache insulté, 6+6 a
Tressaillant sous le spectreaux lugubres revanches, 6+6 a
Il regardait tomberautour de lui ses branches. 6+6 a
55 Chefs, soldats, tous mouraient.Chacun avait son tour. 6+6 a
Tandis qu'environnantsa tente avec amour, 6+6 a
Voyant son ombre alleret venir sur la toile. 6+6 a
Ceux qui restaient, croyanttoujours à son étoile, 6+6 a
Accusaient le destinde lèse-majesté, 6+6 a
60 Lui se sentit soudaindans l'âme épouvanté. 6+6 a
Stupéfait du désastreet ne sachant que croire, 6+6 a
L'empereur se tournavers Dieu ; l'homme de gloire 6+6 a
Trembla ; Napoléoncomprit qu'il expiait 6+6 a
Quelque chose peut-être,et, livide, inquiet, 6+6 a
65 Devant ses légionssur la neige semées : 6+6 a
Est-ce le châtiment ?dit-il, Dieu des armées ? 6+6 a
Alors il s'entenditappeler par son nom 6+6 a
Et quelqu'un qui parlaitdans l'ombre lui dit : non. 6+6 a
II
Waterloo ! Waterloo !Waterloo ! morne plaine ! 6+6 a
70 Comme une onde qui boutdans une urne trop pleine, 6+6 a
Dans ton cirque de bois,de coteaux, de vallons, 6+6 a
La pâle mort mêlaitles sombres bataillons. 6+6 a
D'un côté c'est l'Europeet de l'autre la France. 6+6 a
Choc sanglant ! des hérosDieu trompait l'espérance ; 6+6 a
75 Tu désertais, victoire,et le sort était las. 6+6 a
Ô Waterloo ! je pleureet je m'arrête, hélas ! 6+6 a
Car ces derniers soldatsde la dernière guerre 6+6 a
Furent grands ; ils avaientvaincu toute la terre, 6+6 a
Chassé vingt rois, passéles Alpes et le Rhin, 6+6 a
80 Et leur âme chantaitdans les clairons d'airain ! 6+6 a
Le soir tombait : la lutteétait ardente et noire. 6+6 a
Il avait l'offensiveet presque la victoire ; 6+6 a
Il tenait Wellingtonacculé sur un bois. 6+6 a
Sa lunette à la main,il observait parfois 6+6 a
85 Le centre du combat,point obscur tressaille 6+6 a
La mêlée, effroyableet vivante broussaille, 6+6 a
Et parfois l'horizon,sombre comme la mer. 6+6 a
Soudain, joyeux, il dit :Grouchy ! — C'était Blücher 6+6 a
L'espoir changea de camp,le combat changea d'âme, 6+6 a
90 La mêlée en hurlantgrandit comme une flamme. 6+6 a
La batterie anglaiseécrasa nos carrés. 6+6 a
La plaine frissonnaientles drapeaux déchirés, 6+6 a
Ne fut plus, dans les crisdes mourants qu'on égorge, 6+6 a
Qu'un gouffre flamboyant,rouge comme une forge ; 6+6 a
95 Gouffre les régiments,comme des pans de murs, 6+6 a
Tombaient, se couchaientcomme des épis mûrs 6+6 a
Les hauts tambours-majorsaux panaches énormes, 6+6 a
l'on entrevoyaitdes blessures difformes ! 6+6 a
Carnage affreux ! momentfatal ! l'homme inquiet 6+6 a
100 Sentit que la batailleentre ses mains pliait. 6+6 a
Derrière un mamelonla garde était massée. 6+6 a
La garde, espoir suprêmeet suprême pensée ! 6+6 a
Allons ! faites donnerla garde, cria-t-il ! 6+6 a
Et Lanciers, Grenadiersaux guêtres de coutil, 6+6 a
105 Dragons que Rome t prispour des légionnaires, 6+6 a
Cuirassiers, Canonniersqui trnaient des tonnerres, 6+6 a
Portant le noir colbackou le casque poli, 6+6 a
Tous, ceux de Friedlandet ceux de Rivoli, 6+6 a
Comprenant qu'ils allaientmourir dans cette fête, 6+6 a
110 Saluèrent leur dieu,debout dans la tempête. 6+6 a
Leur bouche, d'un seul cri,dit : vive l'empereur ! 6+6 a
Puis, à pas lents, musiqueen tête, sans fureur, 6+6 a
Tranquille, souriantà la mitraille anglaise, 6+6 a
La garde impérialeentra dans la fournaise. 6+6 a
115 Hélas ! Napoléon,sur sa garde penché, 6+6 a
Regardait, et sitôtqu'ils avaient débouché 6+6 a
Sous les sombres canonscrachant des jets de soufre, 6+6 a
Voyait, l'un après l'autre,en cet horrible gouffre, 6+6 a
Fondre ces régimentsde granit et d'acier 6+6 a
120 Comme fond une cireau souffle d'un brasier. 6+6 a
Ils allaient, l'arme au bras,front haut, graves, stoïques. 6+6 a
Pas un ne recula.Dormez, morts héroïques ! 6+6 a
Le reste de l'arméehésitait sur leurs corps 6+6 a
Et regardait mourirla garde. — C'est alors 6+6 a
125 Qu'élevant tout à coupsa voix désespérée, 6+6 a
La Déroute, géanteà la face effarée, 6+6 a
Qui, pâle, épouvantantles plus fiers bataillons, 6+6 a
Changeant subitementles drapeaux en haillons, 6+6 a
À de certains moments,spectre fait de fumées, 6+6 a
130 Se lève grandissanteau milieu des armées, 6+6 a
La Déroute apparutau soldat qui s'émeut, 6+6 a
Et, se tordant les bras,cria : Sauve qui peut ! 6+6 a
Sauve qui peut ! affront !horreur ! toutes les bouches 6+6 a
Criaient ; à travers champs,fous, éperdus, farouches, 6+6 a
135 Comme si quelque souffleavait passé sur eux, 6+6 a
Parmi les lourds caissonset les fourgons poudreux, 6+6 a
Roulant dans les fossés,se cachant dans les seigles, 6+6 a
Jetant shakos, manteaux,fusils, jetant les aigles, 6+6 a
Sous les sabres prussiens,ces vétérans, ô deuil ! 6+6 a
140 Tremblaient, hurlaient, pleuraient,couraient. — En un clin d'œil 6+6 a
Comme s'envole au ventune paille enflammée, 6+6 a
S'évanouit ce bruitqui fut la grande armée, 6+6 a
Et cette plaine, hélas ! l'on rêve aujourd'hui, 6+6 a
Vit fuir ceux devant quil'univers avait fui ! 6+6 a
145 Quarante ans sont passés,et ce coin de la terre, 6+6 a
Waterloo, ce plateaufunèbre et solitaire, 6+6 a
Ce champ sinistre Dieumêla tant deants, 6+6 a
Tremble encor d'avoir vula fuite des géants ! 6+6 a
Napoléon les vits'écouler comme un fleuve ; 6+6 a
150 Hommes, chevaux, tambours,drapeaux ; — et dans l'épreuve 6+6 a
Sentant confusémentrevenir son remords, 6+6 a
Levant les mains au ciel,il dit : — Mes soldats mort, 6+6 a
Moi vaincu ! mon empireest brisé comme verre. 6+6 a
Est-ce le châtimentcette fois, Dieu sévère ? 6+6 a
155 Alors parmi les cris,les rumeurs, le canon, 6+6 a
Il entendit la voixqui lui répondait : non ! 6+6 a
III
Il croula. Dieu changeala chne de l'Europe. 6+6 a
Il est, au fond des mersque la brume enveloppe, 6+6 a
Un roc hideux, débrisdes antiques volcans. 6+6 a
160 Le Destin prit des clous,un marteau, des carcans, 6+6 a
Saisit, pâle et vivant,ce voleur du tonnerre, 6+6 a
Et, joyeux, s'en allasur le pic centenaire 6+6 a
Le clouer, excitantpar son rire moqueur 6+6 a
Le vautour Angleterreà lui ronger le cœur. 6+6 a
165 Évanouissementd'une splendeur immense ! 6+6 a
Du soleil qui se lèveà la nuit qui commence, 6+6 a
Toujours l'isolement,l'abandon, la prison ; 6+6 a
Un soldat rouge au seuil,la mer à l'horizon. 6+6 a
Des rochers nus, des boisaffreux, l'ennui, l'espace, 6+6 a
170 Des voiles s'enfuyantcomme l'espoir qui passe, 6+6 a
Toujours le bruit des flots,toujours le bruit des vents ! 6+6 a
Adieu, tente de pourpreaux panaches mouvants, 6+6 a
Adieu, le cheval blancque César éperonne ! 6+6 a
Plus de tambours battantaux champs, plus de couronne, 6+6 a
175 Plus de rois prosternésdans l'ombre avec terreur, 6+6 a
Plus de manteau trnantsur eux, plus d'empereur ! 6+6 a
Napoléon étaitretombé Bonaparte. 6+6 a
Comme un romain blessépar la flèche du Parthe, 6+6 a
Saignant, morne, il songeaità Moscou qui brûla. 6+6 a
180 Un caporal anglaislui disait : halte-là ! 6+6 a
Son fils aux mains des rois,sa femme au bras d'un autre. 6+6 a
Plus vil que le pourceauqui dans l'égout se vautre, 6+6 a
Son sénat qui l'avaitadoré, l'insultait. 6+6 a
Aux bords des mers, à l'heure la bise se tait, 6+6 a
185 Sur les escarpementscroulant en noirs décombres, 6+6 a
Il marchait, seul, rêveur,captif des vagues sombres. 6+6 a
Sur les monts, sur les flots,sur les cieux, triste et fier, 6+6 a
L'œil encore éblouides batailles d'hier, 6+6 a
Il laissait sa penséeerrer à l'aventure. 6+6 a
190 Grandeur, gloire, ô néant !calme de la nature ! 6+6 a
Des aigles qui passaientne le connaissaient pas. 6+6 a
Les rois, ses guichetiers,avaient pris un compas 6+6 a
Et l'avaient enfermédans un cercle inflexible. 6+6 a
Il expirait. La mortde plus en plus visible 6+6 a
195 Se levait dans sa nuitet croissait à ses yeux 6+6 a
Comme le froid matind'un jour mystérieux, 6+6 a
Son âme palpitait,déjà presque échappée. 6+6 a
Un jour enfin il mitsur son lit son épée, 6+6 a
Et se coucha près d'elle,et dit : c'est aujourd'hui ! 6+6 a
200 On jeta le manteaude Marengo sur lui. 6+6 a
Ses batailles du Nil,du Danube, du Tibre, 6+6 a
Se penchaient sur son front ;il dit : me voici libre ! 6+6 a
Je suis vainqueur ! je voismes aigles accourir ! 6+6 a
Et, comme il retournaitsa tête pour mourir, 6+6 a
205 Il apeut, un pieddans la maison déserte, 6+6 a
Hudson-Lowe guettantpar la porte entrouverte. 6+6 a
Alors, géant broyésous le talon des rois, 6+6 a
Il cria : — la mesureest comble cette fois ! 6+6 a
Seigneur ! c'est maintenantfini ! Dieu que j'implore, 6+6 a
210 Vous m'avez châtié !— la voix dit : — pas encore ! 6+6 a
IV
Ô noirs événements,vous fuyez dans la nuit ! 6+6 a
L'empereur mort tombasur l'empire détruit. 6+6 a
Napoléon allas'endormir sous le saule. 6+6 a
Et les peuples alors,de l'un à l'autre pôle, 6+6 a
215 Oubliant le tyran,s'éprirent du héros. 6+6 a
Les poètes, marquantau front les rois bourreaux, 6+6 a
Consolèrent, pensifs,cette gloire abattue. 6+6 a
À la colonne veuveon rendit sa statue. 6+6 a
Quand on levait les yeux,on le voyait debout 6+6 a
220 Au-dessus de Paris,serein, dominant tout, 6+6 a
Seul, le jour dans l'azuret la nuit dans les astres. 6+6 a
Panthéons, on gravason nom sur vos pilastres ! 6+6 a
On ne regarda plusqu'un seul côté des temps ; 6+6 a
On ne se souvint plusque des jours éclatants ; 6+6 a
225 Cet homme étrange avaitcomme enivré l'histoire ; 6+6 a
La justice à l'œil froiddisparut sous sa gloire ; 6+6 a
On ne vit plus qu'Eylau,Ulm, Arcole, Austerlitz ; 6+6 a
Comme dans les tombeauxdes romains abolis, 6+6 a
On se mit à fouillerdans ces grandes années ; 6+6 a
230 Et vous applaudissiez,nations inclinées, 6+6 a
Chaque fois qu'on tiraitde ce sol souverain 6+6 a
Ou le consul de marbreou l'empereur d'airain ! 6+6 a
V
 Le nom grandit quand l'homme tombe ; 8 a
 Jamais rien de tel n'avait lui. 8 b
235  Calme, il écoutait dans sa tombe 8 a
 La terre qui parlait de lui. 8 b
 La terre disait : « la victoire 8 a
 A suivi cet homme en tous lieux. 8 b
 Jamais tu n'as vu, sombre histoire, 8 a
240  Un passant plus prodigieux ! 8 b
 Gloire au mtre qui dort sous l'herbe 8 a
 Gloire à ce grand audacieux ! 8 b
 Nous l'avons vu gravir, superbe, 8 a
 Les premiers échelons des cieux ! 8 b
245  Il envoyait, âme acharnée, 8 a
 Prenant Moscou, prenant Madrid, 8 b
 Lutter contre la destinée 8 a
 Tous les rêves de son esprit. 8 b
 À chaque instant, rentrant en lice. 8 a
250  Cet homme aux gigantesques pas 8 b
 Proposait quelque grand caprice 8 a
 À Dieu qui n'y consentait pas. 8 b
 Il n'était presque plus un homme. 8 a
 Il disait, grave et rayonnant, 8 b
255  En regardant fixement Rome : 8 a
 C'est moi qui règne maintenant ! 8 b
 Il voulait, héros et symbole, 8 a
 Pontife et roi, phare et volcan, 8 b
 Faire du Louvre un Capitole 8 a
260  Et de Saint-Cloud un Vatican. 8 b
 César, il t dit à Pompée : 8 a
 Sois fier d'être mon lieutenant ! 8 b
 On voyait luire son épée 8 a
 Au fond d'un nuage tonnant. 8 b
265  Il voulait, dans les frénésies 8 a
 De ses vastes ambitions, 8 b
 Faire devant ses fantaisies 8 a
 Agenouiller les nations, 8 b
 Ainsi qu'en une urne profonde, 8 a
270  Mêler races, langues, esprits, 8 b
 Répandre Paris sur le monde, 8 a
 Enfermer le monde en Paris ! 8 b
 Comme Cyrus dans Babylone, 8 a
 Il voulait sous sa large main, 8 b
275  Ne faire du monde qu'un trône 8 a
 Et qu'un peuple du genre humain, 8 b
 Et bâtir, malgré les huées, 8 a
 Un tel empire sous son nom 8 b
 Que Jéhovah dans les nuées 8 a
280  Fût jaloux de Napoléon ! » 8 b
VI
Enfin, mort triomphant,il vit sa délivrance, 6+6 a
Et l'océan renditson cercueil à la France. 6+6 a
L'homme, depuis douze ans,sous le dôme doré, 6+6 a
Reposait, par l'exilet par la mort sacré ; 6+6 a
285 En paix ! — quand on passaitprès du monument sombre, 6+6 a
On se le figurait,couronne au front, dans l'ombre, 6+6 a
Dans son manteau seméd'abeilles d'or, muet, 6+6 a
Couché sous cette vte rien ne remuait, 6+6 a
Lui, l'homme qui trouvaitla terre trop étroite, 6+6 a
290 Le sceptre en sa main gauche,et l'épée en sa droite, 6+6 a
À ses pieds son grand aigleouvrant l'œil à demi, 6+6 a
Et l'on disait : c'est làqu'est César endormi ! 6+6 a
Laissant dans la clartémarcher l'immense ville, 6+6 a
Il dormait ; il dormaitconfiant et tranquille. 6+6 a
VII
295 Une nuit, — c'est toujoursla nuit dans le tombeau, 6+6 a
Il s'éveilla. Luisantcomme un hideux flambeau, 6+6 a
D'étranges visionsemplissaient sa paupière ; 6+6 a
Des rires éclataientsous son plafond de pierre ; 6+6 a
Livide, il se dressa,la vision grandit ; 6+6 a
300 Ô terreur ! une voixqu'il reconnut, lui dit : 6+6 a
— Réveille-toi. Moscou,Waterloo, Sainte-Hélène, 6+6 a
L'exil, les rois geôliers,l'Angleterre hautaine 6+6 a
Sur ton lit accoudéeà ton dernier moment, 6+6 a
Sire, cela n'est rien.Voici le châtiment : 6+6 a
305 La voix alors devintâpre, amère, stridente, 6+6 a
Comme le noir sarcasmeet l'ironie ardente ; 6+6 a
C'était le rire amermordant un demi-dieu. 6+6 a
— Sire ! on t'a retiréde ton Panthéon bleu ! 6+6 a
Sire ! on t'a descendude ta haute colonne ! 6+6 a
310 Regarde : des brigands,dont l'essaim tourbillonne, 6+6 a
D'affreux bohémiens,des vainqueurs de charnier 6+6 a
Te tiennent dans leurs mainset t'ont fait prisonnier. 6+6 a
À ton orteil d'airainleur patte infâme touche. 6+6 a
Ils t'ont pris. Tu mourus,comme un astre se couche. 6+6 a
315 Napoléon-le-Grand,empereur ; tu renais 6+6 a
Bonaparte, écuyerdu cirque Beauharnais. 6+6 a
Te voilà dans leurs rangs,on t'a, l'on te harnache. 6+6 a
Ils t'appellent tout hautgrand homme, entr'eux, ganache 6+6 a
Ils trnent sur Paris,qui les voit s'étaler, 6+6 a
320 Des sabres qu'au besoinils sauraient avaler. 6+6 a
Aux passants attroupésdevant leur habitacle, 6+6 a
Ils disent, entends-les :Empire à grand spectacle ! 6+6 a
Le pape est engagédans la troupe ; c'est bien, 6+6 a
Nous avons mieux ; le czaren est ; mais ce n'est rien, 6+6 a
325 Le czar n'est qu'un sergent,le pape n'est qu'un bonze, 6+6 a
Nous avons avec nousle bonhomme de bronze ! 6+6 a
Nous sommes les neveuxdu grand Napoon ! 6+6 a
Et Fould, Magnan, Rouher,Parieu caméon, 6+6 a
Font rage. Ils vont montrantun sénat d'automates. 6+6 a
330 Ils ont pris de la pailleau fond des casemates 6+6 a
Pour empailler ton aigle,ô vainqueur d'Iéna ! 6+6 a
Il est là, mort, gisant,lui qui si haut plana, 6+6 a
Et du champ de batailleil tombe au champ de foire. 6+6 a
Sire, de ton vieux trôneils recousent la moire. 6+6 a
335 Ayant dévaliséla France au coin d'un bois, 6+6 a
Ils ont à leurs haillonsdu sang, comme tu vois, 6+6 a
Et dans son bénitierSibour lave leur linge. 6+6 a
Toi, lion, tu les suis ;leur mtre, c'est le singe. 6+6 a
Ton nom leur sert de lit,Napoléon premier. 6+6 a
340 On voit sur Austerlitzun peu de leur fumier. 6+6 a
Ta gloire est un gros vindont leur honte se grise ; 6+6 a
Cartouche essaie et metta redingote grise ; 6+6 a
On quête des liardsdans le petit chapeau ; 6+6 a
Pour tapis sur la tableils ont mis ton drapeau ; 6+6 a
345 À cette table immonde le grec devient riche, 6+6 a
Avec le paysanon boit, on joue, on triche. 6+6 a
Tu te mêles, compère,à ce tripot hardi, 6+6 a
Et ta main qui tenaitl'étendard de Lodi, 6+6 a
Cette main qui portaitla foudre, ô Bonaparte, 6+6 a
350 Aide à piper les déset fait sauter la carte. 6+6 a
Ils te forcent à boireavec eux, et Carlier 6+6 a
Pousse amicalementd'un coude familier 6+6 a
Votre majesté, sire,et Piétri dans son antre 6+6 a
Vous tutoie, et Maupasvous tape sur le ventre. 6+6 a
355 Faussaires, meurtriers,escrocs, forbans, voleurs, 6+6 a
Ils savent qu'ils auront,comme toi, des malheurs ; 6+6 a
Leur soif en attendantvide la coupe pleine, 6+6 a
À ta santé ; Poissytrinque avec Sainte-Hélène. 6+6 a
Regarde ! bals, sabbats,fêtes matin et soir. 6+6 a
360 La foule au bruit qu'ils fontse culbute pour voir ; 6+6 a
Debout sur le tréteauqu'assiège une cohue 6+6 a
Qui rit, bâille, applaudit,tempête, siffle, hue, 6+6 a
Entouré de pasquinsagitant leur grelot, 6+6 a
— Commencer par Homèreet finir par Callot ! 6+6 a
365 Épopée ! épopée !oh ! quel dernier chapitre ! — 6+6 a
Près de Troplong paillasseet de Baroche pitre, 6+6 a
Devant cette baraque,abject et vil bazar 6+6 a
Mandrin mal lavése déguise en César, 6+6 a
Riant, l'affreux bandit,dans sa moustache épaisse, 6+6 a
370 Toi, spectre impérial,tu bats la grosse caisse. 6+6 a
L'horrible visions'éteignit. — L'empereur, 6+6 a
Désespéré, poussadans l'ombre un cri d'horreur, 6+6 a
Baissant les yeux, dressantses mains épouvantées ; 6+6 a
Les Victoires de marbreà la porte sculptées, 6+6 a
375 Fantômes blancs debouthors du sépulcre obscur, 6+6 a
Se faisaient du doigt signeet, s'appuyant au mur, 6+6 a
Écoutaient le titanpleurer dans les ténèbres. 6+6 a
Et lui, cria : démonaux visions funèbres, 6+6 a
Toi qui me suis partout,que jamais je ne vois. 6+6 a
380 Qui donc es-tu ? — Je suiston crime, dit la voix. 6+6 a
La tombe alors s'emplitd'une lumière étrange 6+6 a
Semblable à la clartéde Dieu quand il se venge ; 6+6 a
Pareils aux mots que vitresplendir Balthazar, 6+6 a
Deux mots dans l'ombre écritsflamboyaient sur César ; 6+6 a
385 Bonaparte, tremblantcomme un enfant sans mère, 6+6 a
Leva sa face pâleet lut : — DIX-HUIT-BRUMAIRE ! 6+6 a
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