Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_16/HUG253
Victor HUGO
LES VOIX INTÉRIEURES
1837
À OLYMPIO
XXX
Un jour l'ami qui resteà ton cœur qu'on déchire 6+6 a
 Contemplait tes malheurs, 6 b
Et, tandis qu'il parlait,ton sublime sourire 6+6 a
 Se mêlait à ses pleurs : 6 b
I
5 « Te voilà donc, ô toidont la foule rampante 6+6 a
 Admirait la vertu, 6 b
Déraciné, flétri,tombé sur une pente 6+6 a
 Comme un cèdre abattu ! 6 b
Te voilà sous les piedsdes envieux sans nombre 6+6 a
10  Et des passants rieurs 6 b
Toi dont le front superbeaccoutumait à l'ombre 6+6 a
 Les fronts inférieurs ! 6 b
Ta feuille est dans la poudre,et ta racine austère 6+6 a
 Est découverte aux yeux. 6 b
15 Hélas ! tu n'as plus riend'abrité dans la terre 6+6 a
 Ni d'éclos dans les cieux ! 6 b
Jeune homme, on vénéraitjadis ton œil sévère, 6+6 a
 Ton front calme et tonnant ; 6 b
Ton nom était de ceuxqu'on craint et qu'on révère, 6+6 a
20  Hélas ! et maintenant 6 b
Les méchants, accouruspour déchirer ta vie, 6+6 a
 L'ont prise entre leurs dents, 6 b
Et les hommes alorsse sont avec envie 6+6 a
 Penchés pour voir dedans ! 6 b
25 Avec des cris de joieils ont compté tes plaies 6+6 a
 Et compté tes douleurs, 6 b
Comme sur une pierreon compte des monnaies 6+6 a
 Dans l'antre des voleurs. 6 b
Ta chaste renommée,aux exemples utiles, 6+6 a
30  N'a plus rien qui reluit, 6 b
Sillonnée en tous senspar les hideux reptiles 6+6 a
 Qui viennent dans la nuit. 6 b
Éclairée à la flamme,à toute heure visible, 6+6 a
 De ton nom rayonnant, 6 b
35 Au bord du grand chemin,ta vie est une cible 6+6 a
 Offerte à tout venant 6 b
cent flèches, toujourssifflant dans la nuit noire, 6+6 a
 S'enfoncent tour à tour, 6 b
Chacun cherchant ton cœur,l'un visant à ta gloire 6+6 a
40  Et l'autre à ton amour ! 6 b
Ta réputation,dont souvent nous nous sommes 6+6 a
 Écriés en rêvant, 6 b
Se disperse et s'en vadans les discours des hommes, 6+6 a
 Comme un feuillage au vent ! 6 b
45 Ton âme, qu'autrefoison prenait pour arbitre 6+6 a
 Du droit et du devoir, 6 b
Est comme une taverne chacun à la vitre 6+6 a
 Vient regarder le soir, 6 b
Afin d'y voir à tableune orgie aux chants grêles, 6+6 a
50  Au propos triste et vain, 6 b
Qui renverse à grand bruitles cœurs pleins de querelles 6+6 a
 Et les brocs pleins de vin ! 6 b
Tes ennemis ont prista belle destinée 6+6 a
 Et l'ont brisée en fleur. 6 b
55 Ils ont fait de ta gloireaux carrefours trnée 6+6 a
 Ta plus grande douleur ! 6 b
Leurs mains ont retournéta robe, dont le lustre 6+6 a
 Irritait leur fureur ; 6 b
Avec la même pourpreils t'ont fait vil d'illustre, 6+6 a
60  Et foat d'empereur ! 6 b
Nul ne te défend plus.On se fait une fête 6+6 a
 De tes maux aggravés. 6 b
On ne parle de toiqu'en secouant la tête, 6+6 a
 Et l'on dit : Vous savez ! 6 b
65 Hélas ! pour te haïrtous les cœurs se rencontrent. 6+6 a
 Tous t'ont abandonné. 6 b
Et tes amis pensifssont comme ceux qui montrent 6+6 a
 Un palais ruiné. 6 b
II
Mais va, pour qui comprendton âme haute et grave, 6+6 a
70  Tu n'en es que plus grand. 6 b
Ta vie a, maintenantque l'obstacle l'entrave, 6+6 a
 La rumeur du torrent. 6 b
Tous ceux qui de tes joursorageux et sublimes 6+6 a
 S'approchent sans effroi 6 b
75 Reviennent en disantqu'ils ont vu des abîmes 6+6 a
 En se penchant sur toi ! 6 b
Mais peut-être, à traversl'eau de ce gouffre immense 6+6 a
 Et de ce cœur profond, 6 b
On verrait cette perleappelée innocence, 6+6 a
80  En regardant au fond ! 6 b
On s'arrête aux brouillardsdont ton âme est voilée, 6+6 a
 Mais moi, juge et témoin, 6 b
Je sais qu'on trouveraitune vte étoilée 6+6 a
 Si l'on allait plus loin ! 6 b
85 Et qu'importe, après tout,que le monde t'assiège 6+6 a
 De ses discours mouvants, 6 b
Et que ton nom se mêleà ces flocons de neige 6+6 a
 Poussés à tous les vents ! 6 b
D'ailleurs que savent-ils ?Nous devrions nous taire. 6+6 a
90  De quel droit jugeons-nous ? 6 b
Nous qui ne voyons rienau ciel ou sur la terre 6+6 a
 Sans nous mettre à genoux ! 6 b
La certitude — hélas !insensés que nous sommes 6+6 a
 De croire à l'œil humain ! — 6 b
95 Ne séjourne pas plusdans la raison des hommes 6+6 a
 Que l'onde dans leur main. 6 b
Elle mouille un moment,puis s'écoule infidèle, 6+6 a
 Sans que l'homme, ô douleur ! 6 b
Puisse désaltérerà ce qui reste d'elle 6+6 a
100  Ses lèvres ou son cœur ! 6 b
L'apparence de toutnous trompe et nous fascine. 6+6 a
 Est-il jour ? Est-il nuit ? 6 b
Rien d'absolu. Tout fruitcontient une racine, 6+6 a
 Toute racine un fruit. 6 b
105 Le même objet qui rendvotre visage sombre 6+6 a
 Fait ma sérénité. 6 b
Toute chose ici-baspar une face est ombre 6+6 a
 Et par l'autre clarté. 6 b
Le lourd nuage, effroides matelots livides 6+6 a
110  Sur le pont accroupis, 6 b
Pour le brun laboureurdont les champs sont arides 6+6 a
 Est un sac plein d'épis ! 6 b
Pour juger un destinil en faudrait conntre 6+6 a
 Le fond mystérieux ; 6 b
115 Ce qui gît dans la frangeaura bientôt peut-être 6+6 a
 Des ailes dans les cieux ! 6 b
Cette âme se transforme,elle est tout près d'éclore, 6+6 a
 Elle rampe, elle attend, 6 b
Aujourd'hui larve informe,et demain dès l'aurore 6+6 a
120  Papillon éclatant ! 6 b
III
Tu souffres cependant !toi sur qui l'ironie 6+6 a
 Épuise tous ses traits, 6 b
Et qui te sens poursuivre,et par la calomnie 6+6 a
 Mordre aux endroits secrets ! 6 b
125 Tu fuis, pâle et saignant,et, pénétrant dans l'ombre 6+6 a
 Par ton flanc déchiré, 6 b
La tristesse en ton âmeainsi qu'en un puits sombre 6+6 a
 Goutte à goutte a filtré ! 6 b
Tu fuis, lion blessé,dans une solitude, 6+6 a
130  Rêvant sur ton destin, 6 b
Et le soir te retrouveen la même attitude 6+6 a
  t'a vu le matin ! 6 b
Là, pensif, cherchant l'ombre ton âme repose, 6+6 a
 L'ombre que nous aimons ; 6 b
135 Ne songeant quelquefois,de l'aube à la nuit close, 6+6 a
 Qu'à la forme des monts ; 6 b
Attentif aux ruisseaux,aux mousses étoilées, 6+6 a
 Aux champs silencieux, 6 b
À la virginitédes herbes non foulées, 6+6 a
140  À la beauté des cieux ; 6 b
Ou parfois contemplant,de quelque grève austère, 6+6 a
 L'esquif en proie aux flots 6 b
Qui fuit, rompant les filsqui liaient à la terre 6+6 a
 Les cœurs des matelots ; 6 b
145 Contemplant le front vertet la noire narine 6+6 a
 De l'autre ténébreux 6 b
Et l'arbre qui, rongépar la brise marine, 6+6 a
 Tord ses bras douloureux, 6 b
Et l'immense océan la voile s'incline, 6+6 a
150   le soleil descend, 6 b
L'océan qui respireainsi qu'une poitrine, 6+6 a
 S'enflant et s'abaissant ; 6 b
Du haut de la falaiseaux rumeurs infinies, 6+6 a
 Du fond des bois touffus, 6 b
155 Tu mêles ton espritaux grandes harmonies 6+6 a
 Plaines de sens confus, 6 b
Qui, tenant ici-bastoute chose embrassée, 6+6 a
 Vont de l'aigle au serpent, 6 b
Que toute voix grossit,et que sur la pensée 6+6 a
160  La nature répand ! 6 b
IV
Console-toi, poète !Un jour, bientôt peut-être, 6+6 a
 Les cœurs te reviendront, 6 b
Et pour tous les regardson verra repartre 6+6 a
 Les flammes de ton front. 6 b
165 Tous les côté ternispar ta gloire outragée, 6+6 a
 Nettoyés un matin, 6 b
Seront comme une dalleavec soin épongée 6+6 a
 Après un grand festin. 6 b
En vain tes ennemisauront armé le monde 6+6 a
170  De leur rire moqueur, 6 b
Et sur les grands cheminsrépandu comme l'onde 6+6 a
 Les secrets de ton cœur. 6 b
En vain ils jetterontleur rage humiliée 6+6 a
 Sur ton nom ravagé. 6 b
175 Comme un chien qui remâcheune chair oubliée 6+6 a
 Sur l'os déjà rongé. 6 b
Ils ne prévaudront pas,ces hommes qui t'entourent 6+6 a
 De leurs obscurs réseaux 6 b
Ils passeront ainsique ces lueurs qui courent 6+6 a
180  À travers les roseaux. 6 b
Ils auront bien toujourspour toi toute la haine 6+6 a
 Des démons pour le Dieu ; 6 b
Mais un souffle éteindraleur bouche impure pleine 6+6 a
 De parole de feu. 6 b
185 Ils s'évanouiront,et la foule et ravie 6+6 a
 Verra, d'un œil pieux, 6 b
Sortir de ce tas d'ombreamassé par l'envie 6+6 a
 Ton front majestueux ! 6 b
En attendant, regardeen pitié cette foule 6+6 a
190  Qui méconnt tes chants, 6 b
Et qui de toutes partsse répand et s'écoule 6+6 a
 Dans les mauvais penchant. 6 b
Laisse en ce noir chaosqu'aucun rayon n'éclaire 6+6 a
 Ramper les ignorants ; 6 b
195 L'orgueilleux dont la voixgrossit dans la colère 6+6 a
 Comme l'eau des torrents ; 6 b
La beauté sans amourdont les pats nous entrne, 6+6 a
 Femme aux yeux exercés 6 b
Dont la robe flottanteest un piège ou se prennent 6+6 a
200  Les pieds des insensés ; 6 b
Les rhéteurs qui de bruitemplissent leur parole 6+6 a
 Quand nous les écoutons ; 6 b
Et ces hommes sans foi,sans culte, sans boussole, 6+6 a
 Qui vivent à tâtons ; 6 b
205 Et les flatteurs courbés,aux douceurs familières, 6+6 a
 Aux fronts bas et rampants ; 6 b
Et les ambitieuxqui sont comme des lierres 6+6 a
 L'un sur l'autre grimpants ! 6 b
Non, tu ne portes pas,ami, la même chne 6+6 a
210  Que ces hommes d'un jour. 6 b
Ils sont vils, et toi grand.Leur joug est fait de haine, 6+6 a
 Le tien est fait d'amour ! 6 b
Tu n'as rien de communavec le monde infime 6+6 a
 Au souffle empoisonneur ; 6 b
215 Car c'est pour tous les yeuxun spectacle sublime 6+6 a
 Quand la main du Seigneur 6 b
Loin du sentier banal la foule se rue 6+6 a
 Sur quelque illusion, 6 b
Laboure le génieavec cette charrue 6+6 a
220  Qu'on nomme passion ! » 6 b
Et quand il eut fini,toi que la haine abreuve, 6+6 a
 Tu lui dis d'une voixattendrie un instant, 6+6 b
Voix pareille à la sienneet plus haute pourtant, 6+6 b
 Comme la grande merqui parlerait au fleuve ; 6+6 a
225 « Ne me console pointet ne t'afflige pas. 6+6 a
 Le suis calme et paisible. 6 b
Je ne regarde pointle monde d'ici-bas, 6+6 a
 Mais le monde invisible. 6 b
Les hommes sont meilleurs,ami, que tu ne crois. 6+6 a
230  Mais le sort est sévère. 6 b
C'est lui qui teint de vinou de lie à son choix 6+6 a
 Le pur cristal du verre. 6 b
Moi, je rêve ! écoutantle cyprès soupirer 6+6 a
 Autour des croix d'ébène, 6 b
235 Et murmurer le fleuveet la cloche pleurer 6+6 a
 Dans un coin de la plaine, 6 b
Recueillant le cri sourdde l'oiseau qui s'enfuit, 6+6 a
 Du char trnant la gerbe 6 b
Et la plainte qui sortdes roseaux, et le bruit 6+6 a
240  Que fait la touffe d'herbe, 6 b
Prêtant l'oreille aux flotsqui ne peuvent dormir, 6+6 a
 À l'air dans la nuée, 6 b
J'erre sur les hauts lieuxd'ou l'on entend gémir 6+6 a
 Toute chose créée ! 6 b
245 Là, je vois, comme un vaseallumé sur l'autel, 6+6 a
 Le toit lointain qui fume ; 6 b
Et le soir je compareaux purs flambeaux du ciel 6+6 a
 Tout flambeau qui s'allume. 6 b
Là j'abandonne aux ventsmon esprit sérieux, 6+6 a
250  Comme l'oiseau sa plume ; 6 b
Là, je songe au malheurde l'homme, et j'entends mieux 6+6 a
 Le bruit de cette enclume, 6 b
Là, je contemple, ému,tout ce qui s'offre aux yeux, 6+6 a
 Onde, terre, verdure ; 6 b
255 Et je vois l'homme au loin,mage mystérieux, 6+6 a
 Traverser la nature ! 6 b
Pourquoi me plaindre, ami ?Tout homme à tout moment 6+6 a
 Souffre des maux sans nombre. 6 b
Moi, sur qui vient la nuit,j'ai gardé seulement 6+6 a
260  Dans mon horizon sombre, 6 b
Comme un rayon du soirau front d'un mont obscur, 6+6 a
 L'amour, divine flamme, 6 b
L'amour, qui dore encorce que j'ai de plus pur 6+6 a
 Et de plus haut dans l'âme ! 6 b
265 Sans doute en mon avril,ne sachant rien à fond, 6+6 a
 Jeune, crédule, austère, 6 b
J'ai fait des songes d'orcomme tous ceux qui font 6+6 a
 Des songes sur la terre ! 6 b
J'ai vu la vie en fleursur mon front s'élever 6+6 a
270  Pleine de douces choses. 6 b
Mais quoi ! me crois-tu doncassez fou pour rêver 6+6 a
 L'éternité des roses ? 6 b
Les chimères, qu'enfantmes mains croyaient toucher, 6+6 a
 Maintenant sont absentes ; 6 b
275 Et je dis au bonheurce que dit le nocher 6+6 a
 Aux rives décroissantes. 6 b
Qu'importe ! je m'abriteen un calme profond, 6+6 a
 Plaignant surtout les femmes ; 6 b
Et je vis l'œil fixésur le ciel s'en vont 6+6 a
280  Les ailes et les âmes. 6 b
Dieu nous donne à chacunnotre part du destin, 6+6 a
 Au fort, au faible, au lâche, 6 b
Comme un mtre soigneuxlevé dès le matin 6+6 a
 Divise à tous leur tâche. 6 b
285 Soyons grands. Le grand cœurà Dieu même est pareil. 6+6 a
 Laissons, doux ou funestes, 6 b
Se croiser sur nos piedsla foudre et le soleil, 6+6 a
 Ces deux clartés célestes. 6 b
Laissons gronder en bascet orage irrité 6+6 a
290  Qui toujours nous assiège ; 6 b
Et gardons au-dessusnotre tranquillité, 6+6 a
 Comme le mont sa neige. 6 b
Va, nul mortel ne briseavec la passion, 6+6 a
 Vainement obstinée, 6 b
295 Cette âpre loi que l'unnomme Expiation 6+6 a
 Et l'autre Destinée. 6 b
Hélas ! de quelque nomque, broyé sous l'essieu, 6+6 a
 L'orgueil humain la nomme, 6 b
Roue immense et fatale,elle tourne sur Dieu, 6+6 a
300  Elle roule sur l'homme ! » 6 b
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