Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_16/HUG252
Victor HUGO
LES VOIX INTÉRIEURES
1837
À EUGÈNE V.TE H.
XXIX
Puisqu'il plut au Seigneurde te briser, poète ; 6+6 a
Puisqu'il plut au Seigneurde comprimer ta tête 6+6 a
 De son doigt souverain, 6 b
D'en faire une urne sainteà contenir l'extase, 6+6 c
5 D'y mettre le génie,et de sceller ce vase 6+6 c
 Avec un sceau d'airain ; 6 b
Puisque le Seigneur Dieut'accorda, noir mystère ! 6+6 a
Un puits pour ne point boire,une voix pour te taire, 6+6 a
 Et souffla sur ton front, 6 b
10 Et, comme une nacelleerrante et d'eau remplie, 6+6 c
Fit rouler ton esprità travers la folie, 6+6 c
 Cet océan sans fond ; 6 b
Puisqu'il voulut ta chute,et que la mort glacée, 6+6 a
Seule, te fît revivreen rouvrant ta pensée 6+6 a
15  Pour un autre horizon ; 6 b
Puisque Dieu, t'enfermantdans la cage charnelle, 6+6 c
Pauvre aigle, te donnal'aile et non la prunelle, 6+6 c
 L'âme et non la raison ; 6 b
Tu pars du moins, mon frère,avec ta robe blanche ! 6+6 a
20 Tu retournes à Dieucomme l'eau qui s'épanche 6+6 a
 Par son poids naturel ! 6 b
Tu retournes à Dieu,tête de candeur pleine, 6+6 c
Comme y va la lumière,et comme y va l'haleine 6+6 c
 Qui des fleurs monte au ciel ! 6 b
25 Tu n'as rien dit de mal,tu n'as rien fait d'étrange. 6+6 a
Comme une vierge meurt,comme s'envole un ange, 6+6 a
 Jeune homme, tu t'en vas ! 6 b
Rien n'a souillé ta mainni ton cœur ; dans ce monde 6+6 c
chacun court, se hâte,et forge, et crie, et gronde, 6+6 c
30  À peine tu rêvas ! 6 b
Comme le diamant,quant le feu le vient prendre, 6+6 a
Dispart tout entier,et sans laisser de cendre, 6+6 a
 Au regard ébloui, 6 b
Comme un rayon s'enfuitsans rien jeter de sombre, 6+6 c
35 Sur la terre après toitu n'as pas laissé d'ombre, 6+6 c
 Esprit évanoui ! 6 b
Doux et blond compagnonde toute mon enfance, 6+6 a
Oh ! dis-moi, maintenant,frère marqué d'avance 6+6 a
 Pour un morne avenir, 6 b
40 Maintenant que la morta rallumé ta flamme, 6+6 c
Maintenant que la morta réveillé ton âme, 6+6 c
 Tu dois te souvenir ! 6 b
Tu dois te souvenirde nos jeunes années ! 6+6 a
Quand les flots transparentsde nos deux destinées 6+6 a
45  Se côtoyaient encor, 6 b
Lorsque Napoléonflamboyait comme un phare, 6+6 c
Et qu'enfants nous prêtionsl'oreille à sa fanfare 6+6 c
 Comme une meute au cor ! 6 b
Tu dois te souvenirdes vertes Feuillantines, 6+6 a
50 Et de la grande allée nos voix enfantines, 6+6 a
 Nos purs gazouillements, 6 b
Ont laissé dans les coinsdes murs, dans les fontaines, 6+6 c
Dans le nid des oiseauxet dans le creux des chênes, 6+6 c
 Tant d'échos si charmants ! 6 b
55 O temps ! jours radieux !aube trop tôt ravie ! 6+6 a
Pourquoi Dieu met-il doncle meilleur de la vie 6+6 a
 Tout au commencement ? 6 b
Nous naissions ! on t ditque le vieux monastère 6+6 c
Pour nous voir rayonnerouvrait avec mystère 6+6 c
60  Son doux regard dormant. 6 b
T'en souviens-tu, mon frère ?après l'heure d'étude, 6+6 a
Oh ! comme nous courionsdans cette solitude ! 6+6 a
 Sous les arbres blottis, 6 b
Nous avions, en chassantquelque insecte qui saute, 6+6 c
65 L'herbe jusqu'aux genoux,car l'herbe était bien haute, 6+6 c
 Nos genoux bien petits. 6 b
Vives têtes d'enfantspar la course effarées, 6+6 a
Nous poursuivons dans l'aircent ailes bigarrées ; 6+6 a
 Le soir nous étions las, 6 b
70 Nous revenions, jouantavec tout ce qui joue, 6+6 c
Frais, joyeux, et tous deuxbaisés à pleine joue 6+6 c
 Par notre mère, hélas ! 6 b
Elle grondait : — Voyez !comme ils sont faits ! ces hommes ! 6+6 a
Les monstres ! ils aurontcueilli toutes nos pommes ! 6+6 a
75  Pourtant nous les aimons. 6 b
Madame, les gaonssont les soucis des mères, 6+6 c
Car ils ont la fureurde courir dans les pierres 6+6 c
 Comme font les démons ! — 6 b
Puis un même sommeil,nous beant comme un hôte, 6+6 a
80 Tous deux au même litnous couchait côte à côte ; 6+6 a
 Puis un même réveil. 6 b
Puis, trempé dans un laitsorti chaud de l'étable, 6+6 c
Le même pain faisaitrire à la même table 6+6 c
 Notre appétit vermeil ! 6 b
85 Et nous recommencionsnos jeux, cueillant par gerbe 6+6 a
Les fleurs, tous les bouquetsqui réjouissent l'herbe, 6+6 a
 Le lys à Dieu pareil, 6 b
Surtout ces fleurs de flammeet d'or qu'on voit, si belles, 6+6 c
Luire à terre en avrilcomme des étincelles 6+6 c
90  Qui tombent du soleil ! 6 b
On nous voyait tous deux,gté de la famille, 6+6 a
Le front épanoui,courir sous la charmille, 6+6 a
 L'œil de joie enflammé… — 6 b
Hélas ! hélas ! quel deuilpour ma tête orpheline ! 6+6 c
95 Tu vas donc désormaisdormir sur la colline, 6+6 c
 Mon pauvre bien-aimé ! 6 b
Tu vas dormir là-hautsur la colline verte, 6+6 a
Qui, livrée à l'hiver,à tous les vents ouverte, 6+6 a
 A le ciel pour plafond ; 6 b
100 Tu vas dormir, poussière,au fond d'un lit d'argile ; 6+6 c
Et moi je resteraiparmi ceux de la ville 6+6 c
 Qui parlent et qui vont ! 6 b
Et moi je vais rester,souffrir, agir et vivre ; 6+6 a
Voir mon nom se grossirdans les bouches de cuivre 6+6 a
105  De la célébrité ; 6 b
Et cacher, comme à Sparte,en riant quand on entre, 6+6 c
Le renard envieuxqui me ronge le ventre, 6+6 c
 Sous ma robe abrité ! 6 b
Je vais reprendre, hélas !mon œuvre commencée, 6+6 a
110 Rendre ma barque frêleà l'onde courroucée, 6+6 a
 Lutter contre le sort ; 6 b
Enviant souvent ceuxqui dorment sans murmure, 6+6 c
Comme un doux nid couvépour la saison future, 6+6 c
 Sous l'aile de la mort ! 6 b
115 J'ai d'austères plaisirs.Comme un prêtre à l'église, 6+6 a
Je rêve à l'art qui charme,à l'art qui civilise, 6+6 a
 Qui change l'homme un peu, 6 b
Et qui, comme un semeurqui jette au loin sa graine, 6+6 c
En semant la natureà travers l'âme humaine, 6+6 c
120  Y fera germer Dieu ! 6 b
Quand le peuple au théâtreécoute ma pensée, 6+6 a
J'y cours, et là, courbévers la foule pressée, 6+6 a
 L'étudiant de près, 6 b
Sur mon drame touffudont le branchage plie, 6+6 c
125 J'entends tomber ses pleurscomme la large pluie 6+6 c
 Aux feuilles des forêts ! 6 b
Mais quel labeur aussi !que de flots ! quelle écume ! 6+6 a
Surtout lorsque l'envie,au cœur plein d'amertume, 6+6 a
 Au regard vide et mort, 6 b
130 Fait, pour les vils besoinsde ses luttes vulgaires, 6+6 c
D'une bouche d'amiqui souriait naguères 6+6 c
 Une bouche qui mord ! 6 b
Quelle vie ! et quel sièclealentour ! — Vertu, gloire, 6+6 a
Pouvoir, génie et foi,tout ce qu'il faudrait croire, 6+6 a
135  Tout ce que nous valons, 6 b
Le peu qui nous restaitde nos splendeurs décrues, 6+6 c
Est trné sur la claieet suivi dans les rues 6+6 c
 Par le rire en haillons ! 6 b
Combien de calomnieet combien de bassesse ! 6+6 a
140 Combien de pamphlets vilsqui flagellent sans cesse 6+6 a
 Quiconque vient du ciel, 6 b
Et qui font, la blessantde leur lance payée, 6+6 c
Boire à la vérité,pâle et crucifiée, 6+6 c
 Leur éponge de fiel ! 6 b
145 Combien d'acharnementssur toutes les victimes ! 6+6 a
Que de rhéteurs, penchéssur le bord des abîmes, 6+6 a
 Riant, ô cruauté ! 6 b
De voir l'affreux poisonqui de leurs doigts découle, 6+6 c
Goutte à goutte, ou par flots,quand leurs mains sur la foule 6+6 c
150  Tordent l'impiété ! 6 b
L'homme, vers le plaisirse ruant par cent voies, 6+6 a
Ne songent qu'à bien vivreet qu'à chercher des proies ; 6+6 a
 L'argent est adoré ; 6 b
Hélas ! nos passionsont des serres infâmes 6+6 c
155 pend, triste lambeau,tout ce qu'avaient nos âmes 6+6 c
 De chaste et de sacré ! 6 b
À quoi bon, cependant ?à quoi bon tant de haine, 6+6 a
Et faire tant de mal,et prendre tant de peine, 6+6 a
 Puisque la mort viendra ! 6 b
160 Pour aller avec tous tous doivent descendre ! 6+6 c
Et pour n'être après toutqu'une ombre, un peu de cendre 6+6 c
 Sur qui l'herbe crtra ! 6 b
À quoi bon s'épuiseren voluptés diverses ? 6+6 a
À quoi bon se bâtirdes fortunes perverses 6+6 a
165  Avec les maux d'autrui ? 6 b
Tout s'écroule ; et, fruit vertqui pend à la ramée, 6+6 c
Demain ne mûrit paspour la bouche affamée 6+6 c
 Qui dévore aujourd'hui ! 6 b
Ce que nous croyons êtreavec ce que nous sommes, 6+6 a
170 Beauté, richesse, honneurs,ce que rêvent les hommes, 6+6 a
 Hélas ! et ce qu'ils font, 6 b
Pêle-mêle, à traversles champs ou les huées, 6+6 c
Comme s'est emportépar rapides nuées 6+6 c
 Dans un oubli profond ! 6 b
175 Et puis quelle éternelleet lugubre fatigue 6+6 a
De voir le peuple enflémonter jusqu'à sa digue, 6+6 a
 Dans ces terribles jeux ! 6 b
Sombre océan d'espritsdont l'eau n'est pas sondée, 6+6 c
Et qui vient faire autourde toute grande idée 6+6 c
180  Un murmure orageux ! 6 b
Quel choc d'ambitionsluttant le long des routes, 6+6 a
Toutes contre chacuneet chacune avec toutes ! 6+6 a
 Quel tumulte ennemi ! 6 b
Comme on raille d'un bastout astre qui décline !… — 6+6 c
185 Oh ! ne regrette riensur la haute colline 6+6 c
  tu t'es endormi ! 6 b
Là, tu reposes, toi !Là, meurt toute voix fausse. 6+6 a
Chaque jour, du Levantau Couchant, sur ta fosse 6+6 a
 Promenant son flambeau, 6 b
190 L'impartial soleil,pareil à l'espérance, 6+6 c
Dore des deux côtéssans choix ni préférence 6+6 c
 La croix de ton tombeau ! 6 b
Là, tu n'entends plus rienque l'herbe et la broussaille, 6+6 a
Le pas du fossoyeurdont la terre tressaille 6+6 a
195  La chute du fruit mûr 6 b
Et, par moments, le chant,dispersé dans l'espace, 6+6 c
Du bouvier qui descenddans la plaine et qui passe 6+6 c
 Derrière le vieux mur ! 6 b
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