Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_15/HUG7
Victor HUGO
PREMIÈRES PUBLICATIONS
(à l'exception des pièces recueillies dans les Odes et Ballades)
1819-1820
ACHÉMÉNIDE
(Extrait d'une traduction inédite de l'Énéide)
Interea fessos ventus cum sole reliquit, etc.
(Liv. III.)
Le jour meurt : l'aquilon s'endort au sein des nues, 6+6 a
Nous abordons d'Enna les rives inconnues ; 6+6 a
Un grand port loin des vents nous offrait ses abris, 6+6 b
Mais l'Etna sur ces bords vomit d'affreux débris. 6+6 b
5 Tantôt s'ouvre en tonnant son immense cratère, 6+6 a
De longs torrents de cendre il inonde la terre ; 6+6 a
Tantôt ses rocs aux cieux roulent en tourbillons, 6+6 b
Tombent, et sur ses flancs tracent d'ardents sillons ; 6+6 b
Le gouffre en feu mugit : sous sa voûte qui fume, 6+6 a
10 La lave enfle en grondant ses flots noirs de bitume. 6+6 a
Encelade, dit-on, sous ces rocs obscurcis 6+6 b
Cache ses vastes flancs, que la foudre a noircis ; 6+6 b
Le poids du mont l'écrase, et sa brûlante haleine 6+6 a
Chasse au loin les rochers qu'il soulève avec peine : 6+6 a
15 Si, las de ses douleurs, il retourne son corps, 6+6 b
Le ciel fume, et l'Etna tremble de ses efforts. 6+6 b
Effrayés de ce bruit, sans le comprendre encore, 6+6 a
Tremblants, dans les forêts nous attendons l'aurore. 6+6 a
La nuit qui règne aux cieux, ce fracas plein d'horreur, 6+6 b
20 Ce prodige, en nos sens tout verse la terreur. 6+6 b
Des nuages obscurs nous cachent les étoiles, 6+6 a
Et la lune pâlit en roulant sous leurs voiles. 6+6 a
L'Olympe enfin se dore : effacée à son tour, 6+6 b
L'ombre humide s'enfuit devant l'astre du jour. 6+6 b
25 Soudain, hors des forêts, une ombre à face humaine, 6+6 a
Pâle, les bras tendus, vers la plage se traîne : 6+6 a
Ses cheveux hérissés, son front sombre et maigri, 6+6 b
Tout annonce un mortel par le malheur flétri. 6+6 b
Son corps faible est couvert de joncs tressés d'épine ; 6+6 a
30 Mais c'est un Grec, de Troie il hâta la ruine. 6+6 a
Lui-même, il voit de loin nos armes, nos soldats, 6+6 b
Il recule ; et la peur semble arrêter ses pas. 6+6 b
Bientôt, vers le rivage accourant tout en larmes : 6+6 a
« Par ces astres brillants, témoins de mes alarmes, 6+6 a
35 Par les dieux, par ce jour qui luit encor pour moi, 6+6 b
Arrachez-moi, Troyens, de ces lieux pleins d'effroi ! 6+6 b
Que je fuie ! Il suffit. Jadis sous vos murailles 6+6 a
Sur les vaisseaux des Grecs, j'apportai les batailles ; 6+6 a
Je le sais trop : eh bien ! fils de Laomédon, 6+6 b
40 Si mon crime ne peut espérer de pardon, 6+6 b
Frappez, ou plongez-moi dans ces mers où nous sommes ; 6+6 a
Si je meurs, je mourrai du moins des mains des hommes. » 6+6 a
Il dit, tombe à nos pieds sans force et sans chaleur, 6+6 b
Les embrasse, et d'un Grec nous pleurons le malheur. 6+6 b
45 Quel est, lui disons-nous, le sujet de vos plaintes ? 6+6 a
Votre nom ? vos aïeux ? Qui peut causer vos craintes ? 6+6 a
Anchise, le premier, pour gage de sa foi, 6+6 b
Lui tend sa main sacrée et calme son effroi. 6+6 b
« Ithaque est ma patrie : Adamaste mon père 6+6 a
50 Vécut pauvre (que n'ai-je estimé sa misère !) ; 6+6 a
Mais son Achéménide, au pied de vos remparts, 6+6 b
Voulut auprès d'Ulysse affronter les hasards. 6+6 b
Ici nos Grecs, fuyant un Cyclope terrible, 6+6 a
M'oublièrent, errant sous sa caverne horrible ; 6+6 a
55 C'est là que Polyphème étend son corps pesant, 6+6 b
S'enivre de carnage et regorge de sang. 6+6 b
S'il sort (Dieux, sauvez-nous de ce monstre difforme !), 6+6 a
Ce géant jusqu'aux cieux lève sa tête énorme ; 6+6 a
Tout fuit, tout s'épouvante à son aspect affreux, 6+6 b
60 Et sa gorge engloutit les chairs des malheureux. 6+6 b
Je l'ai vu, dans son antre, apprêtant leur supplice, 6+6 a
Prendre en sa vaste main deux des soldats d'Ulysse, 6+6 a
J'ai vu leurs corps brisés sur un roc tressaillir, 6+6 b
Leurs crânes sur le seuil en mille éclats jaillir, 6+6 b
65 Et le monstre, broyant leurs entrailles fumantes, 6+6 a
Faire crier leurs os sous ses dents dévorantes. 6+6 a
Témoin de leur trépas, brûlant de les venger, 6+6 b
Ulysse se souvint d'Ulysse en ce danger. 6+6 b
Dès qu'enivré de sang, sur son bras redoutable, 6+6 a
70 Le géant courbe enfin sa tête épouvantable ; 6+6 a
Dès que, parmi les chairs et les vins qu'il vomit, 6+6 b
Immense, il couvre au loin son antre qui gémit, 6+6 b
En cercle rassemblés autour de ses victimes, 6+6 a
Le sort marque tous ceux qui vont punir ses crimes ; 6+6 a
75 Nous l'entourons : des Dieux nous implorons l'appui, 6+6 b
Nous approchons du monstre, et nous fondons sur lui. 6+6 b
Un tronc d'arbre noueux, qu'un fer aigu prolonge, 6+6 a
Dans son œil effroyable au même instant se plonge. 6+6 a
Cet œil étincelait sur son front menaçant : 6+6 b
80 D'un bouclier d'Argos tel brille le croissant ; 6+6 b
Telle Phébé rayonne en l'horreur des nuits sombres. 6+6 a
Du moins, de nos amis nous vengeâmes les ombres. 6+6 a
Fuyez ces bords ; fuyez, trop malheureux nochers ! 6+6 b
Cent Cyclopes hideux errent sur ces rochers. 6+6 b
85 Tous, tels que Polyphème, habitant ces rivages, 6+6 a
Renferment leurs troupeaux dans leurs antres sauvages. 6+6 a
Phébé m'a vu trois fois, en finissant son cours, 6+6 b
Traîner dans ces forêts mes misérables jours ; 6+6 b
Là, j'entends des géants tonner la voix bruyante ; 6+6 a
90 Là, je tremble au fracas de leur marche effrayante. 6+6 a
Nourri d'herbes, de glands, de quelques fruits amers, 6+6 b
Le jour fuit, et ma vue erre encor sur les mers… 6+6 b
J'aperçois vos vaisseaux : sans les connaître encore, 6+6 a
Je vole, heureux de fuir ces rives que j'abhorre ! 6+6 a
95 Frappez ; je meurs content, quel que soit mon trépas ; 6+6 b
Mais sur ces bords cruels ne m'abandonnez pas ! » 6+6 b
À peine il a parlé, nous voyons vers la plage, 6+6 a
Appuyant son grand corps sur un pin sans feuillage, 6+6 a
S'avancer hors d'un roc, son ténébreux séjour, 6+6 b
100 Un monstre informe, affreux, vaste et privé du jour. 6+6 b
Son troupeau qui le suit charme seul sa souffrance : 6+6 a
Son chalumeau pesant pend à son col immense ; 6+6 a
Il touche enfin les flots : il s'y plonge en hurlant, 6+6 b
Se courbe, et dans leur sein lave son œil sanglant. 6+6 b
105 Au milieu de leur gouffre il fend les mers profondes, 6+6 a
Marche, et ses flancs encor s'élèvent sur les ondes. 6+6 a
Nous nous hâtons de fuir : tout se tait ; nos vaisseaux 6+6 b
S'ouvrent au suppliant et volent sur les eaux. 6+6 b
La rame entre nos mains monte et tombe en cadence ; 6+6 a
110 Polyphème l'entend, se retourne, s'élance, 6+6 a
Étend ses vastes bras, rechasse au loin les flots, 6+6 b
Et poursuit, mais en vain, nos pâles matelots. 6+6 b
Il élève un grand cri… L'Italie agitée 6+6 a
Voit trembler à ce bruit sa rive épouvantée ; 6+6 a
115 La mer au loin bondit : de longs ébranlements 6+6 b
Font mugir de l'Etna les abîmes fumants. 6+6 b
Soudain sortent des bois les Cyclopes sauvages, 6+6 a
Ils descendent des monts et couvrent les rivages ; 6+6 a
Mais ces enfants d'Etna, portant leurs fronts aux cieux, 6+6 b
120 Nous menacent en vain de regards furieux. 6+6 b
Race horrible ! on croit voir dans un bois solitaire 6+6 a
Le cyprès de Diane ou l'arbre du tonnerre. 6+6 a
La voile est déployée au souffle heureux des vents, 6+6 b
On fatigue à l'envi les cordages mouvants ; 6+6 b
125 Mais les rocs de Scylla montrent de loin leurs cimes, 6+6 a
Et Charybde près d'eux fait gronder ses abîmes : 6+6 a
La mort est là : fuyons, ou redoublant d'efforts, 6+6 b
Suivons l'étroit canal sans toucher les deux bords. 6+6 b
Du détroit de Pélore accourt soudain Borée, 6+6 a
130 Du Pantage écumant nous franchissons l'entrée ; 6+6 a
Achéménide alors, vers Mégare et Tapsos, 6+6 b
Sur ces mers qu'il connaît dirige nos vaisseaux. 6+6 b
Ainsi, de tant d'écueils, dont elle était la proie, 6+6 a
Un compagnon d'Ulysse, un Grec, a sauvé Troie. 6+6 a
V. D'AUVERNEV
mètre profil métrique : 6+6
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