Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_15/HUG6
Victor HUGO
PREMIÈRES PUBLICATIONS
(à l'exception des pièces recueillies dans les Odes et Ballades)
1819-1820
CACUS
(Extrait d'une traduction inédite de l'Énéide)
Jam primum saxis suspensam hanc adspice rupem, etc.
(Liv. VIII.)
Vois sur ce mont désert ces rochers entassés, 6+6 a
Vois ces blocs suspendus, ces débris dispersés ; 6+6 a
Là, dans un antre immense, au jour inaccessible, 6+6 b
Vivait l'affreux Cacus, noir géant, monstre horrible. 6+6 b
5 À ses portes pendaient des crânes entr'ouverts, 6+6 a
Pâles, souillés de sang, et de fange couverts. 6+6 a
Ses meurtres, chaque jour, faisaient fumer la terre. 6+6 b
De ce monstre hideux Vulcain était le père ; 6+6 b
Sa gorge vomissait des tourbillons de feux, 6+6 a
10 Et son énorme masse épouvantait nos yeux. 6+6 a
Enfin, comblant nos vœux et vengeant ses victimes, 6+6 b
De ce géant farouche un dieu punit les crimes. 6+6 b
Heureux et fier vainqueur du triple Géryon, 6+6 a
Arriva sur nos bords le fils d'Amphytrion ; 6+6 a
15 Ses taureaux, bondissant dans de vastes prairies, 6+6 b
Erraient en liberté sur ces rives fleuries. 6+6 b
Cacus, que rien n'étonne et qui veut tout oser, 6+6 a
Au courroux du héros craint peu de s'exposer ; 6+6 a
Il dérobe à la fois, par d'obscurs artifices, 6+6 b
20 Quatre taureaux fougueux, quatre ardentes génisses. 6+6 b
Tremblant de voir leurs pas déceler ses larcins, 6+6 a
De leur superbe queue il saisit les longs crins, 6+6 a
Il les traîne en arrière, espérant que peut-être 6+6 b
Leur trace déguisée abusera leur maître. 6+6 b
25 Mais Hercule s'apprête à quitter ces beaux lieux. 6+6 a
Ses taureaux font mugir les bois de leurs adieux, 6+6 a
Et fuyant pour jamais ces fertiles campagnes, 6+6 b
De leurs regrets plaintifs remplissent les montagnes. 6+6 b
Soudain trompant l'espoir du monstre qui frémit, 6+6 a
30 Du vaste sein de l'antre un des taureaux gémit. 6+6 a
Le fiel de la fureur bouillonne au cœur d'Alcide ; 6+6 b
Terrible, il court, il prend sa massue homicide : 6+6 b
Pour la première fois on vit Cacus trembler, 6+6 a
Son front hideux pâlir et ses yeux se troubler. 6+6 a
35 Hercule, au haut du mont, s'élance plein de rage. 6+6 b
Cacus l'évite, et fuit vers son antre sauvage. 6+6 b
Aussi prompt que le vent, redoutant le trépas, 6+6 a
Il s'échappe ; la peur précipite ses pas. 6+6 a
Ce noir géant détache une roche pesante 6+6 b
40 Dont Vulcain suspendit la masse menaçante ; 6+6 b
Sa main brise le fer, rompt les chaînes d'airain, 6+6 a
Et le roc en tombant ferme le souterrain. 6+6 a
Mais Hercule le voit : il court, frémit de rage, 6+6 b
Et de ses yeux errants cherche au loin un passage. 6+6 b
45 En vain de la caverne il tente d'approcher ; 6+6 a
Trois fois son bras robuste ébranle le rocher ; 6+6 a
Trois fois, d'un pas rapide, il parcourt la montagne, 6+6 b
Et trois fois fatigué s'assied dans la campagne. 6+6 b
Un roc, triste séjour des sinistres oiseaux, 6+6 a
50 S'inclinait vers la gauche et menaçait les eaux, 6+6 a
Et ses flancs escarpés et sa cime orgueilleuse, 6+6 b
Couvraient de l'antre obscur la voûte ténébreuse ; 6+6 b
Pour le déraciner rassemblant ses efforts, 6+6 a
Le dieu sur son bras droit penche son vaste corps, 6+6 a
55 Pèse, l'ébranle enfin ; la masse qui s'écroule 6+6 b
Dans la plaine à grand bruit tombe, bondit et roule. 6+6 b
D'un fracas prolon l'air au loin retentit, 6+6 a
Dans les flots écumants la rive s'engloutit, 6+6 a
Le fleuve épouvan recule… L'antre sombre 6+6 b
60 Par les feux du soleil voit dissiper son ombre. 6+6 b
Si la terre brisait ses vieux flancs entr'ouverts, 6+6 a
Tels s'offriraient à nous les ténébreux enfers, 6+6 a
Le gouffre craint des dieux, et les pâles fantômes, 6+6 b
Tremblant de voir le jour dans ces tristes royaumes. 6+6 b
65 Le géant dans son antre, en hurlant de terreur, 6+6 a
Loin du jour ennemi se roule avec fureur ; 6+6 a
Mais Alcide le presse, et, d'un bras implacable, 6+6 b
D'arbres et de rochers à la fois il l'accable. 6+6 b
Cacus, n'espérant plus échapper au danger, 6+6 a
70 Par un dernier effort veut du moins se venger. 6+6 a
Ô prodige ! sa gorge, en sa caverne obscure, 6+6 b
Vomit en tourbillons une fumée impure ; 6+6 b
Le monstre, avec ses feux, souffle une affreuse nuit, 6+6 a
Et se cache aux regards du dieu qui le poursuit. 6+6 a
75 Parmi des flots épais et de flamme et de soufre, 6+6 b
Alcide impatient se plonge au sein du gouffre ; 6+6 b
Et malgré son courroux, malgré ses feux vaincus, 6+6 a
Dans ses bras vigoureux saisit le noir Cacus, 6+6 a
L'étreint, et, fier de voir sa vengeance assouvie, 6+6 b
80 Arrête dans sa gorge et son sang et sa vie. 6+6 b
Le dieu brise le seuil de ce fatal séjour ; 6+6 a
Les larcins de Cacus se découvrent au jour. 6+6 a
Le peuple, par les pieds, traîne son corps difforme, 6+6 b
De ses membres hideux il contemple la forme, 6+6 b
85 Il voit ses yeux sanglants, ses flancs noirs et velus, 6+6 a
Et ses feux expirants, qu'il ne redoute plus. 6+6 a
V. D'AUVERNEY
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université