Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_14/HUG222
Victor HUGO
Les Chants du Crépuscule
1835
XXXVIII
QUE NOUS AVONS LE DOUTE EN NOUS
À MADEMOISELLE LOUISE B.
De nos jours, — plaignez-nous, vous, douce et noble femme ! 6+6 a
L'intérieur de l'homme offre un sombre tableau. 6+6 b
Un serpent est visible en la source de l'eau, 6+6 b
Et l'incrédulité rampe au fond de notre âme. 6+6 a
5 Vous qui n'avez jamais de sourire moqueur 6+6 a
Pour les accablements dont une âme est troublée, 6+6 b
Vous qui vivez sereine, attentive et voilée, 6+6 b
Homme par la pensée et femme par le cœur, 6+6 a
Si vous me demandez, vous muse, à moi poëte, 6+6 a
10 D'où vient qu'un rêve obscur semble agiter mes jours, 6+6 b
Que mon front est couvert d'ombres, et que toujours, 6+6 b
Comme un rameau dans l'air, ma vie est inquiète ; 6+6 a
Pourquoi je cherche un sens au murmure des vents ; 6+6 a
Pourquoi souvent, morose et pensif dès la veille, 6+6 b
15 Quand l'horizon blanchit à peine, je m'éveille 6+6 b
Même avant les oiseaux, même avant les enfants ; 6+6 a
Et pourquoi, quand la brume a déchiré ses voiles, 6+6 a
Comme dans un palais dont je ferais le tour, 6+6 b
Je vais dans le vallon, contemplant tour-à-tour 6+6 b
20 Et le tapis de fleurs et le plafond d'étoiles ? 6+6 a
Je vous dirai qu'en moi je porte un ennemi, 6+6 a
Le doute, qui m'emmène errer dans le bois sombre, 6+6 b
Spectre myope et sourd, qui, fait de jour et d'ombre, 6+6 b
Montre et cache à la fois toute chose à demi ! 6+6 a
25 Je vous dirai qu'en moi j'interroge à toute heure 6+6 a
Un instinct qui bégaie, en mes sens prisonnier, 6+6 b
Près du besoin de croire un désir de nier, 6+6 b
Et l'esprit qui ricane auprès du cœur qui, pleure ! 6+6 a
Aussi vous me voyez souvent parlant tout bas ; 6+6 a
30 Et comme un mendiant, à la bouche affamée, 6+6 b
Qui rêve assis devant une porte fermée, 6+6 b
On dirait que j'attends quelqu'un qui n'ouvre pas. 6+6 a
Le doute ! mot funèbre et qu'en lettres de flammes, 6+6 a
Je vois écrit partout, dans l'aube, dans l'éclair, 6+6 b
35 Dans l'azur de ce ciel, mystérieux et clair, 6+6 b
Transparent pour les yeux, impénétrable aux âmes ! 6+6 a
C'est notre mal à nous, enfants des passions 6+6 a
Dont l'esprit n'atteint pas votre calme sublime ; 6+6 b
A nous dont le berceau, risqué sur un abîme, 6+6 b
40 Vogua sur le flot noir des révolutions. 6+6 a
Les superstitions, ces hideuses vipères, 6+6 a
Fourmillent sous nos fronts où tout germe est flétri. 6+6 b
Nous portons dans nos cœurs le cadavre pourri 6+6 b
De la religion qui vivait dans nos pères. 6+6 a
45 Voilà pourquoi je vais, triste et réfléchissant, 6+6 a
Pourquoi souvent, la nuit, je regarde et j'écoute. 6+6 b
Solitaire, et marchant au hasard sur la route 6+6 b
A l'heure où le passant semble étrange au passant. 6+6 a
※ ※ ※
Heureux qui peut aimer, et qui dans la nuit noire, 6+6 a
50 Tout en cherchant la foi, peut rencontrer l'amour ! 6+6 b
Il a du moins la lampe en attendant le jour. 6+6 b
Heureux ce cœur ! Aimer, c'est la moitié de croire. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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