Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_13/HUG1089
Victor HUGO
La Fin de Satan
1886
LIVRE DEUXIÈME
HORS DE LA TERRE III
I
SATAN DANS LA NUIT
I
Je l'aime ! — Nuit, cachot sépulcral, mort vivante, 6+6 a
Ombre que mon sanglot ténébreux épouvante, 6+6 a
Solitudes du mal où fuit le grand puni, 6+6 b
Glaciers démesurés de l'hiver infini, 6+6 b
5 O flots du noir chaos qui m'avez vu proscrire, 6+6 a
Désespoir dont j'entends le sombre éclat de rire, 6+6 a
Vide où s'évanouit l'être, le temps, le lieu, 6+6 b
Gouffres profonds, enfers, abîmes ; j'aime Dieu. 6+6 b
Je l'aime. C'est fini. — Lumière ; fiancée 6+6 a
10 De tout esprit ; soleil ! feu de toute pensée ; 6+6 a
Vie ! où donc êtes-vous ; Je vous cherche. O tourment ! 6+6 b
La création vit dans l'éblouissement ; 6+6 b
O regard éclatant de l'aube idolâtrée, 6+6 a
Rayon dont la nature est toute pénétrée ! 6+6 a
15 Les fleuves sont joyeux dans l'herbe ; l'horizon 6+6 b
Resplendit ; le vent court ; des fleurs plein le gazon, 6+6 b
Des oiseaux, des oiseaux, et des oiseaux encore ; 6+6 a
Tout cela chante, rit, aime, inondé d'aurore ; 6+6 a
Le tigre dit : et moi ! je veux ma part du ciel ! — 6+6 b
20 L'aube dore le tigre et l'offre à l'Éternel. 6+6 b
Moi seul je reste affreux ! Hélas, rien n'est immonde. 6+6 a
Moi seul, je suis la honte et la tache du monde. 6+6 a
Ma laideur, vague effroi des astres soucieux, 6+6 b
Perce à travers ma nuit et va salir les cieux. 6+6 b
25 Je ne vois rien, étant maudit ; mais dans l'espace 6+6 a
J'entends, j'entends dans l'eau qui fuit, dans l'air qui passe, 6+6 a
J'entends dans l'univers ce murmure : va-t'en ! 6+6 b
Le porc dit au fumier : je méprise Satan. 6+6 b
Je sens la nuit penser que je la déshonore. 6+6 a
30 Le tourbillonnement du grand souffle sonore, 6+6 a
Le vent du matin, libre et lâché dans le ciel, 6+6 b
Évite mon front morne et pestilentiel. 6+6 b
Jadis, ce jour levant, cette lueur candide, 6+6 a
C'était moi. — Moi ! — J'étais l'archange au front splendide, 6+6 a
35 La prunelle de feu de l'azur rayonnant, 6+6 b
Dorant le ciel, la vie et l'homme ; maintenant 6+6 b
Je suis l'astre hideux qui blanchit l'ossuaire. 6+6 a
Je portais le flambeau, je traîne le suaire ; 6+6 a
J'arrive avec la nuit dans ma main ; et partout 6+6 b
40 Où je vais, surgissant derrière moi, debout, 6+6 b
L'hydre immense de l'ombre ouvre ses ailes noires. 6+6 a
Les profonds infinis croisent leurs promontoires. 6+6 a
Tout devant moi, vers qui jadis l'amour vola, 6+6 b
Recule et fuit.
Je fus envieux. Ce fut là 6+6 b
45 Mon crime. Tout fut dit, et la bouche sublime 6+6 a
Cria : mauvais ! et Dieu me cracha dans l'abîme. 6+6 a
Oh ! je l'aime ! c'est là l'horreur, c'est là le feu ! 6+6 b
Que vais-je devenir, abîmes ; J'aime Dieu ! 6+6 b
Je suis damné !
II
L'enfer, c'est l'absence éternelle. 6+6 a
50 C'est d'aimer. C'est de dire : hélas ! où donc est-elle, 6+6 a
Ma lumière ; Où donc est ma vie et ma clarté ; 6+6 b
Elle livre aux regards éperdus sa beauté. 6+6 b
Elle sourit là-haut à d'autres ; d'autres baisent 6+6 a
Sa robe, et dans ses bras s'enivrent et s'apaisent ; 6+6 a
D'autres l'ont. Désespoir !
55 Oh ; quand je fus jeté 6+6 b
Du haut de la splendeur dans cette cécité, 6+6 b
Après l'écroulement de l'ombre sur ma tête, 6+6 a
Après la chute, nu, précipité du faîte 6+6 a
A jamais, à la tombe inexorable uni, 6+6 b
60 Quand je me trouvai seul au bas de l'infini, 6+6 b
J'eus un moment si noir que je me mis à rire ; 6+6 a
La vaste obscurité m'emplit de son délire, 6+6 a
Je sentis dans mon cœur, où mourait Dieu détruit, 6+6 b
La plénitude étrange et fauve de la nuit, 6+6 b
65 Et je criai, joyeux, triomphant, implacable : 6+6 a
— « Guerre à ces firmaments dont la lumière accable ! 6+6 a
« Guerre à ce ciel où Dieu met tant de faux attraits ! 6+6 b
« Il a cru m'en chasser, c'est moi qui m'y soustrais. 6+6 b
« Il me croit prisonnier, je suis libre. Je plane. 6+6 a
70 « Et le démon, c'est l'aigle, et le monde, c'est l'âne. 6+6 a
« Et je ris. Je suis fier et content. J'ai quitté 6+6 b
« Les anges vains, abjects, vils, et toi, la clarté, 6+6 b
« Qui les corromps, et toi, l'amour, qui les subornes ! 6+6 a
« O gouffres, quel bonheur que la haine sans bornes ! 6+6 a
75 « Ce Dieu, ce cœur de Tout, ce père lumineux 6+6 b
« Que l'ange, l'astre, l'homme, et la bête, ont en eux, 6+6 b
« Ce pasteur près de qui le troupeau se resserre, 6+6 a
« Cet être, seul vivant, seul vrai, seul nécessaire, 6+6 a
« Je vais m'en passer, moi le colosse puni ! 6+6 b
80 « C'est bien. Comme je vais maudire ce béni, 6+6 b
« Et faire contre lui, tandis qu'Adam l'encense, 6+6 a
« De la révolte avec mon ancienne puissance 6+6 a
« Et de la flamme avec les rayons que j'avais ! 6+6 b
« Comme je vais rugir sur lui ! Comme je vais, 6+6 b
85 « Moi l'affreux face à face avec lui le suprême, 6+6 a
« Le haïr, l'exécrer et l'abhorrer ! » — Je l'aime ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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