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HUG_13/HUG1086
Victor HUGO
La Fin de Satan
1886
LIVRE DEUXIÈME
LE GIBET
LE GIBET I
I
LA JUDÉE
I
LA TERRE SOUS LE TROISIÈME CÉSAR
En ce temps-là, le monde était dans la terreur ; 6+6 a
Caïphe était grand-prêtre et Tibère empereur ; 6+6 a
Hérode roi des juifs gouvernait sous Pilate ; 6+6 b
Rome était la nuée où le tonnerre éclate ; 6+6 b
5 Jérusalem était l'âne sous le bâton. 6+6 a
Des proconsuls assis le poing sous le menton, 6+6 a
Vêtus de pourpre, ayant le roi pour satellite, 6+6 b
Remplaçaient au-dessus du peuple israélite 6+6 b
Les pharaons à l'œil fixe et mystérieux. 6+6 a
10 Quelques rares autels fumaient sur les hauts lieux, 6+6 a
Mais c'étaient les autels des guèbres, que tolère 6+6 b
Rome ayant trop de dieux pour croire avec colère. 6+6 b
Temps fatals ! César roi, tout le reste sujet. 6+6 a
La conquête romaine, immense, submergeait 6+6 a
15 Les peuples qu'elle avait saisis l'un après l'autre ; 6+6 b
Et cette vague épaisse où le soldat se vautre 6+6 b
Grossissait, et, de proche en proche, envahissait 6+6 a
La terre, où les songeurs disaient : Qu'est-ce que c'est ? 6+6 a
Cette inondation de Rome était lugubre ; 6+6 b
20 L'empire était partout comme une ombre insalubre ; 6+6 b
Il croissait comme un fleuve épars sous des forêts, 6+6 a
Et changeait lentement l'univers en marais. 6+6 a
Les docteurs méditaient sur ce second déluge. 6+6 b
Ayant leurs livres saints pour cime et pour refuge, 6+6 b
25 Les prêtres, rattachés aux textes, au-dessus 6+6 a
Des hommes débordés dans un gouffre aperçus, 6+6 a
Laissaient couler sous eux ces vastes avalanches, 6+6 b
Pareils à des serpents enroulés dans des branches. 6+6 b
Un peuple commandait, le monde subissait. 6+6 a
30 Les jaguars, les lions, les ours pris au lacet, 6+6 a
Le tigre redouté même de sa femelle, 6+6 b
Rugissaient sous les pieds de Rome pêle-mêle 6+6 b
Avec les nations dans le même filet. 6+6 a
L'esclavage, à voix basse et dans la nuit, parlait. 6+6 a
35 L'unique grandeur d'âme était l'insouciance. 6+6 b
La force avait le droit. Qu'était la conscience ? 6+6 b
Une reptilité sous un écrasement. 6+6 a
On regardait l'autel en face et le serment, 6+6 a
Et l'on se parjurait, et l'hymne et la huée 6+6 b
40 Riaient, et l'âme humaine était diminuée. 6+6 b
L'honnête et le néfaste et le mal et le bien 6+6 a
S'effaçaient dans les cœurs ; l'homme ne voyait rien 6+6 a
Qu'une noirceur croissante au-dessus de sa tête ; 6+6 b
Une lueur de torche illuminait le faîte 6+6 b
45 De l'univers sur qui marchaient les conquérants ; 6+6 a
Les uns étaient petits, les autres étaient grands, 6+6 a
Personne n'était pur, saint, vénérable et juste ; 6+6 b
De même que d'Octave avait pu naître Auguste, 6+6 b
De la fange partout sortait l'autorité. 6+6 a
50 Le destin avait l'air d'un abîme irrité ; 6+6 a
L'ombre se résolvait en haine autour de l'âme. 6+6 b
L'or sentait bon. Le sage était celui qui blâme 6+6 b
La vertu, le devoir, la foi, le dévouement ; 6+6 a
Le plus voisin du vrai c'était celui qui ment ; 6+6 a
55 La mort régnait avec les licteurs pour ministres ; 6+6 b
Le genre humain pendait en deux haillons sinistres, 6+6 b
Comme si Dieu l'avait déchiré de ses mains ; 6+6 a
Les hommes d'un côté, de l'autre les romains. 6+6 a
II
HÉRODE ET CAÏPHE
Sous l'ongle dédaigneux de Rome fatiguée 6+6 b
60 Vivait la royauté des Juifs qu'avait léguée 6+6 b
L'Hérode Ascalonite à l'Hérode Antipas. 6+6 a
Cet idiot mêlait le meurtre à ses repas, 6+6 a
Et regardait danser Hérodiade nue. 6+6 b
Il avait redoré l'aigle que dans la nue 6+6 b
65 Son père avait sculptée au fronton du saint lieu, 6+6 a
Car, pour flatter César, ces rois insultaient Dieu ; 6+6 a
Il avait fait murer dans le royal repaire 6+6 b
La chambre où, sur un lit de pourpre et d'or, son père, 6+6 b
Surnommé Grand, avait été mangé des vers ; 6+6 a
70 Des paons rôdaient parmi ses jardins toujours verts ; 6+6 a
Au fond brillait un lac dit le Bain du Tétrarque ; 6+6 b
On y voyait errer les pêcheurs dont la barque 6+6 b
Vogue à coups d'avirons lents et bien maniés. 6+6 a
Il aimait les rhéteurs, l'un par l'autre niés, 6+6 a
75 Les philosophes grecs, les histrions, les mimes, 6+6 b
Et son ennui traînait le poids sombre des crimes. 6+6 b
Il avait, de l'argent d'un péage imposé 6+6 a
Aux caravanes d'Ur, d'Ophir et de Jessé, 6+6 a
Fait faire à son palais une enceinte de brique ; 6+6 b
80 Car, dès les temps anciens, les marchands de l'Afrique 6+6 b
Venaient des profondeurs du désert calciné ; 6+6 a
Ils apportaient des dents d'éléphant, du séné, 6+6 a
De l'alcali, des peaux de buffle, de la gomme, 6+6 b
Et de la pourpre verte aux proconsuls de Rome. 6+6 b
85 Caïphe, qui des lois dirigeait le timon, 6+6 a
Avait été nommé grand-prêtre après Simon ; 6+6 a
Ce n'était point une âme inclinée aux mystères ; 6+6 b
Caïphe n'était pas un de ces solitaires 6+6 b
Qui, pour sonder le sens glissant et ténébreux 6+6 a
90 Des prophètes luttant confusément entre eux, 6+6 a
Gardent la nuit leur lampe à côté de leurs couches, 6+6 b
Et songent, éperdus, sur ces livres farouches 6+6 b
Où l'on entend le choc des glaives de l'esprit. 6+6 a
Trop petit pour la tâche auguste qu'entreprit 6+6 a
95 Celui qu'on nomme Aaron, c'est-à-dire montagne, 6+6 b
Tortueux, il avait la fraude pour compagne ; 6+6 b
Les yeux d'Hérode était sincères près des siens ; 6+6 a
Son miel était poison ; les chefs pharisiens, 6+6 a
Banaïas, intendant d'Epher, Jean l'économe, 6+6 b
100 Maccès, à qui Pilate avait donné pour nome 6+6 b
Tout le pays d'Horeb et tout le Néphath d'or, 6+6 a
Venaient lui parler bas dans le saint corridor ; 6+6 a
De la couleuvre froide il avait la paresse ; 6+6 b
Il était ce qui rampe et ce qui se redresse ; 6+6 b
105 Il était chaste avec les femmes, redoutant 6+6 a
Le démon qu'à travers leur parole on entend, 6+6 a
Mais ces chastetés-là font brûler les Sodomes ; 6+6 b
Comme prêtre, il était de cette espèce d'hommes 6+6 b
Qui, si le sénat vote aux pauvres quelque argent, 6+6 a
110 Disent : « non pas ! l'état est lui-même indigent ! » 6+6 a
Et qui trouvent utile et juste qu'on obère 6+6 b
Le trésor pour bâtir quelque temple à Tibère. 6+6 b
Caïphe eût aux renards indiqué des sentiers ; 6+6 a
C'était un homme sombre, et pourtant volontiers 6+6 a
115 Il riait à travers l'ombre de sa pensée ; 6+6 b
Mais on se sentait pris d'une sueur glacée 6+6 b
Devant cette gaieté, couvercle d'un cercueil. 6+6 a
Rosmophim de Joppé, prêtre au profond coup d'œil, 6+6 a
Et docteur, l'assistait dans les choses civiles. 6+6 b
III
CELUI QUI EST VENU
120 Cependant il était question dans les villes 6+6 b
De quelqu'un d'étonnant, d'un homme radieux 6+6 a
Que les anges suivaient de leurs millions d'yeux ; 6+6 a
Cet homme, qu'entourait la rumeur grossissante, 6+6 b
Semblait un dieu faisant sur terre une descente ; 6+6 b
125 On eût dit un pasteur rassemblant ses troupeaux ; 6+6 a
Les publicains, assis au bureau des impôts, 6+6 a
Se levaient s'il passait, quittant tout pour le suivre ; 6+6 b
Cet homme, paraissant hors de ce monde vivre, 6+6 b
Tandis qu'autour de lui la foule remuait, 6+6 a
130 Avait des visions dont il restait muet ; 6+6 a
Il parlait aux cités, fuyait les solitudes, 6+6 b
Et laissait sa clarté dans l'œil des multitudes ; 6+6 b
Les paysans le soir, de sa lueur troublés, 6+6 a
Le regardaient de loin marcher le long des blés, 6+6 a
135 Et sa main qui s'ouvrait et devenait immense, 6+6 b
Semblait jeter aux vents de l'ombre une semence. 6+6 b
On racontait sa vie, et qu'il avait été 6+6 a
Par une vierge au fond d'une étable enfanté 6+6 a
Sous une claire étoile et dans la nuit sereine ; 6+6 b
140 L'âne et le bœuf, pensifs, l'ignorance et la peine, 6+6 b
Étaient à sa naissance, et sous le firmament 6+6 a
Se penchaient, ayant l'air d'espérer vaguement ; 6+6 a
On contait qu'il avait une raison profonde, 6+6 b
Qu'il était sérieux comme celui qui fonde, 6+6 b
145 Qu'il montrait l'âme aux sens, le but aux paresseux, 6+6 a
Et qu'il blâmait les grands, les prêtres, et tous ceux 6+6 a
Qui marchent entourés d'hommes armés de piques. 6+6 b
Il avait, disait-on, guéri des hydropiques ; 6+6 b
Des impotents, cloués vingt ans sous leurs rideaux, 6+6 a
150 En le quittant, portaient leur grabat sur leur dos ; 6+6 a
Son œil fixe appelait hors du tombeau les vierges ; 6+6 b
Les aveugles, les sourds, — ô destin, tu submerges 6+6 b
Ceux-ci dans le silence et ceux-là dans la nuit ! — 6+6 a
Le voyaient, l'entendaient ; et dans son vil réduit 6+6 a
155 Il touchait le lépreux, isolé sous des claies ; 6+6 b
Ses doigts tenaient les clefs invisibles des plaies, 6+6 b
Et les fermaient ; les cœurs vivaient en le suivant ; 6+6 a
Il marchait sur l'eau sombre et menaçait le vent ; 6+6 a
Il avait arraché sept monstres d'une femme ; 6+6 b
160 Le malade incurable et le pêcheur infâme 6+6 b
L'imploraient, et leurs mains tremblantes s'élevaient ; 6+6 a
Il sortait des vertus de lui qui les sauvaient ; 6+6 a
Un homme demeurait dans les sépulcres ; fauve, 6+6 b
Il mordait, comme un loup qui dans les bois se sauve ; 6+6 b
165 Parfois on l'attachait, mais il brisait ses fers 6+6 a
Et fuyait, le démon le poussant aux déserts ; 6+6 a
Ce maître, le baisant, lui dit : Paix à toi, frère ! 6+6 b
L'homme, en qui cent damnés semblaient rugir et braire, 6+6 b
Cria : Gloire ! et, soudain, parlant avec bon sens, 6+6 a
170 Sourit, ce qui remplit de crainte les passants. 6+6 a
Ce prophète honorait les femmes économes ; 6+6 b
Il avait à Gessé ressuscité deux hommes 6+6 b
Tués par un bandit appelé Barabbas ; 6+6 a
Il osait, pour guérir, violer les sabbats, 6+6 a
175 Rendait la vie aux nerfs d'une main desséchée ; 6+6 b
Et cet homme égalait David et Mardochée. 6+6 b
Un jour ce redresseur, que le peuple louait, 6+6 a
Vit des vendeurs au seuil du temple, et prit un fouet ; 6+6 a
Pareils aux rats hideux que les aigles déterrent, 6+6 b
180 Tous ces marchands, essaims immondes, redoutèrent 6+6 b
Son visage empourpré des célestes rougeurs ; 6+6 a
Sévère, il renversa les tables des changeurs 6+6 a
Et l'escabeau de ceux qui vendaient des colombes. 6+6 b
Son geste surhumain ouvrait les catacombes. 6+6 b
185 L'arbre qu'il regardait changeait ses fleurs en fruits. 6+6 a
Un jour que quelques juifs profonds et très instruits 6+6 a
Lui disaient : « — Dans le ciel que le pied divin foule, 6+6 b
Quel sera le plus grand ? » cet homme dans la foule 6+6 b
Prit un petit enfant qu'il mit au milieu d'eux. 6+6 a
190 Calme, il forçait l'essaim invisible et hideux 6+6 a
Des noirs esprits du mal, rois des ténébreux mondes, 6+6 b
A se précipiter dans les bêtes immondes. 6+6 b
Et ce mage était grand plus qu'Isaïe, et plus 6+6 a
Que tous ces noirs vieillards épars dans les reflux 6+6 a
195 De la vertigineuse et sombre prophétie ; 6+6 b
Et l'homme du désert, Jean, près de ce Messie, 6+6 b
N'était rien qu'un roseau secoué par le vent. 6+6 a
Il n'était pas docteur, mais il était savant ; 6+6 a
Il conversait avec les faces inconnues 6+6 b
200 Qu'un homme endormi voit en rêve dans les nues ; 6+6 b
Des lumières venaient lui parler sur les monts ; 6+6 a
Il lavait les péchés ainsi que des limons, 6+6 a
Et délivrait l'esprit de la fange charnelle ; 6+6 b
Satan fuyait devant l'éclair de sa prunelle ; 6+6 b
205 Ses miracles étaient l'expulsion du mal ; 6+6 a
Il calmait l'ouragan, haranguait l'animal, 6+6 a
Et parfois on voyait naître à ses pieds des roses ; 6+6 b
Et sa mère en son cœur gardait toutes ces choses. 6+6 b
Des morts blêmes, depuis quatre jours inhumés, 6+6 a
210 Se dressaient à sa voix ; et pour les affamés, 6+6 a
Les pains multipliés sortaient de ses mains pures. 6+6 b
Voilà ce que contait la foule ; et les murmures, 6+6 b
Les cris du peuple enfant qui réclame un appui, 6+6 a
Environnaient cet homme ; on l'adorait ; et lui 6+6 a
Était doux.
215 Tous les mots qui tombaient de sa bouche 6+6 b
Étaient comme une main céleste qui vous touche. 6+6 b
Il disait : — « Les derniers sont les premiers. — La fin, 6+6 a
« C'est le commencement. — Ne fais pas au prochain 6+6 a
« Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse à toi-même. 6+6 b
220 « — On récolte le deuil quand c'est la mort qu'on sème. 6+6 b
« — Celui qui se repent est grand deux fois. — L'enfant 6+6 a
« Touche à Dieu. — Par le bien du mal on se défend. 6+6 a
« — Que le puits soit profond, mais que l'eau reste claire. » 6+6 b
Il disait : « — Regardez les choses sans colère ; 6+6 b
225 « Car, si l'œil est mauvais, le corps est ténébreux. 6+6 a
« — L'aube est pour les Gentils comme pour les Hébreux. 6+6 a
« — Mangez le fruit des bois, buvez l'eau de la source ; 6+6 b
« — N'ayez pas de souliers, pas de sac, pas de bourse, 6+6 b
« Entrez dans les maisons et dites : Paix à tous ! 6+6 a
230 « — Nul n'est exempt du pli sublime des genoux ; 6+6 a
« Donc, qui que vous soyez, priez. Courbez vos têtes. 6+6 b
« — Dieu, présent à la nuit, n'est pas absent des bêtes. 6+6 b
« Dieu vit dans les lions comme dans Daniel. 6+6 a
« — Errer étant humain, faillir est véniel. 6+6 a
235 « Absolvez le pécheur en condamnant la faute. 6+6 b
« — On ajoute à l'esprit ce qu'à la chair on ôte. » 6+6 b
Il tenait compte en tout des faits accidentels. 6+6 a
Dans le champ du supplice il disait des mots tels 6+6 a
Que nul n'osait toucher à la première pierre ; 6+6 b
240 Il haïssait la haine, il combattait la guerre ; 6+6 b
Il disait : sois mon frère ! à l'esclave qu'on vend ; 6+6 a
Et, tranquille, il passait comme un pardon vivant ; 6+6 a
Il blanchissait le siècle autour de lui, de sorte 6+6 b
Que les justes, dont l'âme encor n'était pas morte, 6+6 b
245 Dans ces temps sans pitié, sans pudeur, sans amour, 6+6 a
Voyaient en s'éveillant luire deux points du jour, 6+6 a
L'aurore dans le ciel et sur terre cet homme. 6+6 b
Cet être était trop pur pour être vu par Rome. 6+6 b
Pourtant parmi les juifs, dans leur temple obscurci, 6+6 a
250 Chez leur roi lâche et triste, on en prenait souci ; 6+6 a
Et Caïphe y songeait dans sa chaire d'ivoire ; 6+6 b
Et, sans savoir encor ce qu'il en devait croire, 6+6 b
Hérode était allé jusqu'à dire : — Il paraît 6+6 a
Qu'il existe un certain Jésus de Nazareth. 6+6 a
255 Quelques hommes, de ceux qui ne savent pas lire, 6+6 b
De pauvres pâtres, pris d'on ne sait quel délire 6+6 b
Et du ravissement de l'entendre parler, 6+6 a
Le suivaient, l'aimaient tant qu'il les faisait trembler, 6+6 a
Et le montraient au peuple en disant : — C'est le maître. 6+6 b
260 L'un d'eux, vieillard, semblait près de cet homme naître ; 6+6 b
Et le plus jeune, enfant, avait l'air près de lui 6+6 a
D'un sombre aïeul pensif, gravement ébloui. 6+6 a
Humbles, ils lui tendaient leurs cœurs comme des urnes. 6+6 b
Et ces hommes, pareils à des lampes nocturnes 6+6 b
265 Adorant un soleil dans une vision, 6+6 a
Étaient devant ce maître en contemplation, 6+6 a
Et l'entouraient, ainsi qu'une auréole d'âmes. 6+6 b
IV
LES TREIZE PORTES DE JÉRUSALEM
Dans les vieux temps, l'archange aux quatre ailes de flamme, 6+6 b
Stellial dit un jour au noir Zorobabel 6+6 a
270 Quand ce maçon, porteur d'une échelle du ciel, 6+6 a
Eut entouré Sion de murailles très fortes : 6+6 b
— Pourquoi donc à la ville as-tu fait treize portes ? 6+6 b
Et Zorobabel dit : — Ninive aux larges tours 6+6 a
Eut autant de portails que l'année a de jours, 6+6 a
275 Pour que jamais le temps, quand du gouffre il arrive, 6+6 b
Quel qu'il fût, ne restât en dehors de Ninive. 6+6 b
— Eh bien, dit Stellial, l'archange couvert d'yeux, 6+6 a
Le zodiaque ayant douze signes aux cieux, 6+6 a
Douze portes, c'était assez, mage imbécile, 6+6 b
280 Pour que chacun des mois pût entrer dans la ville. 6+6 b
— Ange, j'ai fait, reprit le maçon magistrat, 6+6 a
Treize portes afin que l'avenir entrât. 6+6 a
Chaque année on verra par les douze premières 6+6 b
Passer les douze mois, portant douze lumières, 6+6 b
285 Purs, sacrés, et menant par la main la saison ; 6+6 a
Par la treizième doit passer la trahison. 6+6 a
V
LA JUDÉE
D'innombrables hameaux répandent leurs fumées 6+6 b
D'Arphac à Borcéos dans les six Idumées ; 6+6 b
La Judée est dorée et verte sous l'azur ; 6+6 a
290 Elle a des bois des monts, des lacs ; son air est pur ; 6+6 a
Le vent du sud le trouble et le vent d'est le calme ; 6+6 b
Rome estime ses vins ; comme l'huile de palme, 6+6 b
L'huile d'olive abonde à flots sous son pressoir ; 6+6 a
L'ombre du Sinaï la couvre vers le soir. 6+6 a
295 La Judée est la terre où de temps en temps passe 6+6 b
Une lueur de Dieu qui se perd dans l'espace. 6+6 b
L'Égypte est, au couchant, cette plaine des blés 6+6 a
Où, dans les noirs tombeaux, dont les puits sont comblés, 6+6 a
Un miroir d'or massif pend au cou des momies 6+6 b
300 Pour refléter l'essaim des spectres, les lamies, 6+6 b
Les stryges, et la face errante des démons ; 6+6 a
Au midi, les chacals, les rats, les ichneumons, 6+6 a
Remplissent le désert ; au nord, la mer murmure. 6+6 b
La moisson en Judée est deux fois par an mûre ; 6+6 b
305 Le moindre champ y donne un boisseau de maïs. 6+6 a
Ce qui va se passer dans ce fatal pays 6+6 a
Fait un nuage obscur sur l'avenir, et trouble 6+6 b
Abraham enterré dans la caverne double 6+6 b
Dont on voit l'âpre brèche et le seuil délabré 6+6 a
310 Au champ d'Éphron, voisin des chênes de Mambré. 6+6 a
VI
LES PAROLES DU DOCTEUR DE LA LOI
Deux prêtres, dont la robe est en toile d'ortie, 6+6 b
Veillent, l'un à l'entrée et l'autre à la sortie 6+6 b
Du Temple que jadis Salomon fit bâtir 6+6 a
Par Oliab avec le bois du roi de Tyr. 6+6 a
315 Sévère, à quelques pas des deux prêtres qui semblent 6+6 b
Faire taire la ville où mille bruits sourds tremblent, 6+6 b
Un docteur de la loi parle au peuple devant 6+6 a
Ce seuil terrible où luit l'arche du Dieu vivant. 6+6 a
Il est seul sur sa chaise ; et, qu'on entre ou qu'on sorte, 6+6 b
320 Il ne s'arrête point, et continue ; il porte 6+6 b
Le taled blanc où pend le zizith à cinq nœuds ; 6+6 a
Le dogme sombre emplit son œil vertigineux ; 6+6 a
Des croyants sont auprès du docteur ; les uns lisent 6+6 b
Dans des livres pendant qu'il parle ; d'autres gisent 6+6 b
325 En travers de la porte, et l'on marche dessus ; 6+6 a
Un plat brille à ses pieds où les dons sont reçus ; 6+6 a
La foule abonde autour du prêtre, et l'environne ; 6+6 b
Vieillard qu'une lueur de science couronne, 6+6 b
Calme et grave, il déploie au-dessus de son front 6+6 a
330 Ce que les siècles, l'un après l'autre, liront, 6+6 a
Le texte saint, écrit sur le rouleau mystique ; 6+6 b
Il enseigne la foi, le rite, la pratique, 6+6 b
Au peuple remuant les lèvres par moment ; 6+6 a
Et chaque fois qu'il lèvre un doigt au firmament, 6+6 a
335 Tous, éperdus devant l'insondable prière, 6+6 b
Ensemble et frémissants, font trois pas en arrière. 6+6 b
Il dit :
— Voici la loi. Fais silence, Israël ! 6+6 a
Peuple, crois au Dieu vrai, distinct, un, personnel, 6+6 a
Seul, unique, incréé, voyant ce que fait l'homme. 6+6 b
340 Dieu, c'est le créancier qui veut toute la somme, 6+6 b
C'est le jaloux qui veut tout le cœur, c'est la mer 6+6 a
Dont le flot, repoussé par la terre, est amer ; 6+6 a
Dieu, s'il est repoussé par les hommes, se venge. 6+6 b
Observez le saint jour, Peuple, ou redoutez l'ange 6+6 b
345 Qui plane sur l'impie et d'un souffle l'abat ; 6+6 a
Le plus pauvre a sa lampe, et, le jour du sabbat, 6+6 a
Peuple, il doit l'allumer, dût-il mendier l'huile ; 6+6 b
Nos pères, ce jour-là, purifiaient la ville ; 6+6 b
Ces hommes qui vivaient à l'ombre du palmier, 6+6 a
350 Étaient saints, et toujours nommaient Dieu le premier ; 6+6 a
Ce respect les faisait vivre six cents années ; 6+6 b
Le sabbat est le jour où les ombres damnées 6+6 b
Peuvent se retourner dans le lit de l'enfer ; 6+6 a
Sepher tua Phinée, Aod tua Sepher, 6+6 a
355 Ces meurtres ne sont rien près du dogme qu'on brise 6+6 b
Et du sabbat qu'on met sous ses pieds, et Moïse 6+6 b
Dans sa tombe, et Jacob, et Job, ont moins d'effroi 6+6 a
Du sang d'un homme, ô juifs, que du sang de la loi ; 6+6 a
Le fiel est plus amer que le coing n'est acide, 6+6 b
360 Or l'impiété, juifs, c'est le fiel ; l'homicide, 6+6 b
Pâle, et suivi d'enfants crachant sur ses talons, 6+6 a
Marche à travers la ville avec ses cheveux longs, 6+6 a
La main droite liée au cou par une chaîne ; 6+6 b
Mais l'impie a son spectre en croix dans la géhenne ; 6+6 b
365 L'homme pèse sur l'un, sur l'autre pèse Dieu. 6+6 a
Les jours saints, taisez-vous, ne faites pas de feu ; 6+6 a
Le salut dans le ciel est sur terre l'exemple ; 6+6 b
Dieu vient à la prière ; il entre dans le temple 6+6 b
Sitôt la porte ouverte et pourvu qu'on soit dix ; 6+6 a
370 Donc, pratiquez la loi. Tremblez d'être maudits. 6+6 a
L'anathème entre au corps du maudit, qu'il traverse. 6+6 b
Théglath fut roi d'Égypte, Azer fut roi de Perse ; 6+6 b
Gad les maudit ; dès lors l'enfer fut dans ces rois 6+6 a
Qui voyaient se mêler une flamme à leur voix. 6+6 a
375 Chaque texte est un doigt montrant ce qu'il faut suivre ; 6+6 b
Si vous ne faites pas ce que prescrit le livre, 6+6 b
Vous serez malheureux comme celui qui voit 6+6 a
Dans un songe tomber les poutres de son toit. 6+6 a
Trois tribunaux nous sont légués par les ancêtres ; 6+6 b
380 Aaron pour enseigner a délégué Cent prêtres, 6+6 b
Onze pour gouverner, et Dix-Neuf pour juger ; 6+6 a
Le sanhédrin les nomme et seul peut les changer. 6+6 a
Que la femme soit chaste et muette, et que l'homme 6+6 b
Ait dans un roseau creux tout le deutéronome. 6+6 b
385 Sinon, nous maudirons vos seuils et votre sang. 6+6 a
L'anathème qu'un saint jette au mal en passant 6+6 a
Est une si fatale et si noire rosée 6+6 b
Qu'un chien ayant été maudit par Élizée, 6+6 b
L'anathème rongea les oreilles du chien. 6+6 a
390 Femmes, l'homme est le roi ; tremblez ! et songez bien 6+6 a
A la sombre Lilith, femme née avant Ève ; 6+6 b
Adam la renvoya dans l'ombre et dans le rêve ; 6+6 b
Lilith répudiée est un spectre de nuit. 6+6 a
Lilith était l'orgueil, la querelle et le bruit ; 6+6 a
395 Satan, voulant saisir l'homme, l'avait créée ; 6+6 b
Elle roule à jamais dans la noire nuée ; 6+6 b
Elle s'appelle Isis dans l'Inde où Satan luit, 6+6 a
Et l'encens de l'Égypte horrible la poursuit. 6+6 a
La femme file, trait la vache, bat le beurre, 6+6 b
400 Tourne le sablier quand vient la fin de l'heure, 6+6 b
Gronde l'esclave aux champs et l'enfant dans son jeu, 6+6 a
Veille et travaille ; et l'homme est pensif devant Dieu. 6+6 a
Au temple, en récitant le verset ordinaire, 6+6 b
Étendez vos deux mains devant le luminaire ; 6+6 b
405 L'ange du jour assiste à vos repas ; mais fuit, 6+6 a
Sitôt que vous riez, devant l'ange de nuit ; 6+6 a
Étudiez la loi sans cesse, et qu'on la lise 6+6 b
Dans le texte que fit Esdras d'après Moïse. 6+6 b
Pour faire un Livre, ô juifs, n'employez pas de lin ; 6+6 a
410 Cousez avec des nerfs une peau de vélin, 6+6 a
Écrivez-y, tremblants, le verbe inénarrable, 6+6 b
Et roulez le vélin sur deux bâtons d'érable. 6+6 b
Ayez des habits longs conformes à vos rangs ; 6+6 a
Craignez le drap tissu de deux fils différents ; 6+6 a
415 Jéhovah n'est pas deux. Fuyez les hommes ivres ; 6+6 b
Ne faites point sécher des herbes dans vos livres ; 6+6 b
L'herbe imprime un démon aux plis du parchemin ; 6+6 a
Ne regardez jamais les lignes de la main ; 6+6 a
Dans le texte sacré respectez les consonnes, 6+6 b
420 Au moment de la mort appelez dix personnes ; 6+6 b
Confessez vos péchés, jougs par la chair subis, 6+6 a
Et que ceux qui sont là déchirent leurs habits ; 6+6 a
La mort, même du juste, est une obscure fête. 6+6 b
Mettez aux morts un sac de terre sous la tête ; 6+6 b
425 Tournez sept fois autour de la fosse en priant. 6+6 a
Redoutez l'occident et craignez l'orient, 6+6 a
Ce sont les deux endroits de Dieu. Le ciel le nomme. 6+6 b
Redoutez-le. La mort, c'est l'ombre. Il n'est pour l'homme 6+6 b
Rien d'éternel après cette vie ; il ne peut 6+6 a
430 Rien retenir de lui quand Dieu brise ce nœud ; 6+6 a
Ce qu'on appelle l'âme est un souffle, céleste 6+6 b
Chez les bons, infernal chez les méchants, qui reste 6+6 b
Un moment au-dessus du corps dans le trépas, 6+6 a
Puis pâlit, puis s'éteint, car Dieu seul ne meurt pas. 6+6 a
435 Pourtant le châtiment peut saisir ce fantôme 6+6 b
Et le fouetter longtemps sous le ténébreux dôme, 6+6 b
Et lui heurter le front aux poutres de la nuit. 6+6 a
Rien de ce qu'on a fait n'est perdu, ni détruit ; 6+6 a
Tout compte. Justes poids et balances exactes. 6+6 b
440 Là-haut, le doigt toujours tourné vers tous vos actes, 6+6 b
La prière Bathkol, la Fille de la Voix, 6+6 a
Se tient près d'Élohim et lui dit : Seigneur, vois. 6+6 a
Lisez la Pentateuque à cinq ; l'Exode à quatre. 6+6 b
Sachez punir, sachez venger, sachez combattre ; 6+6 b
445 Haïssez les mauvais ! Haïssez, haïssez 6+6 a
Ceux qui doutent, d'audace et d'orgueil hérissés, 6+6 a
L'incrédule, le lâche et le pusillanime, 6+6 b
Ceux pour qui le saint livre ouvert est un abîme, 6+6 b
Ceux qui tremblent devant les célestes degrés, 6+6 a
450 Et sur le bord de Dieu s'arrêtent effarés ! 6+6 a
S'ils sont nombreux, s'ils ont de l'or dans leurs mains viles, 6+6 b
S'ils sont un peuple, ayant des moissons et des villes, 6+6 b
Des femmes, des vieillards, des enfants nouveau-nés, 6+6 a
Des vierges, des aïeux, des fils, exterminez ! 6+6 a
455 Moïse commença par creuser une fosse, 6+6 b
O juifs, pour y coucher la religion fausse ; 6+6 b
Il y jeta des tas de peuples révoltés ; 6+6 a
Il remplit ce tonneau d'hommes et de cités, 6+6 a
Et l'on distingue encor dans cette ombre profonde 6+6 b
460 D'énormes ossements dont chacun fut un monde ; 6+6 b
Num ravage Amalec, Joram dévaste Ammon ; 6+6 a
Partout où l'on voyait la lueur du démon, 6+6 a
Partout où l'on prenait quelque faux dieu pour règle, 6+6 b
Salomon accourait avec le bruit d'un aigle, 6+6 b
465 O Peuple, et c'est du sang que la terre a sué 6+6 a
Derrière Anathias, Saül et Josué ; 6+6 a
Jéhovah bénissait ces grands impitoyables ; 6+6 b
Sobres, purs, ils menaient au combat, dans les sables, 6+6 b
Dans la nuit, sans jamais songer au lendemain, 6+6 a
470 Des soldats qui buvaient dans le creux de leur main ; 6+6 a
Le Tabernacle a crû dans le sang ; Dieu consacre 6+6 b
Par un carnage Aser, Lévi par un massacre, 6+6 b
Et l'antique Lévite est saint pour ce seul trait 6+6 a
Qu'il marchait en tuant tous ceux qu'il rencontrait ; 6+6 a
475 Samson ne laissait pas d'un mur pierre sur pierre ; 6+6 b
Macchabée était plein d'une telle lumière 6+6 b
Que les peuples disaient : son armure est en or ; 6+6 a
Et Lysias, Séron, Gorgias, Nicanor, 6+6 a
Fuyaient devant cet homme aux cris de guerre étranges, 6+6 b
480 Que suivaient, à cheval sur les vents, cinq archanges ! 6+6 b
Ces héros ont toujours Jéhovah pour effort ; 6+6 a
Leur fer ouvre un sillon ; Peuple, ils font de la mort 6+6 a
Sortir la vie, et, grâce à leurs lances vermeilles, 6+6 b
Les gueules des lions sont des ruches d'abeilles. 6+6 b
485 Ayez autour de vous la peur, en vous l'effroi ; 6+6 a
C'est le dogme. David fut un sublime roi ; 6+6 a
Il se plaisait au rire, aux chants, aux grappes mûres, 6+6 b
Un jour il se pencha sur les choses obscures, 6+6 b
Et, pâle, il reconnut que le commencement 6+6 a
490 De la sagesse était un profond tremblement. 6+6 a
O Peuple, Sabaoth lugubrement médite 6+6 b
Sur la race d'Adam presque toujours maudite, 6+6 b
Sur le sang de Jacob presque toujours puni, 6+6 a
Et Dieu, c'est le sourcil froncé de l'infini. 6+6 a
495 Vivez les yeux fixés sur la terreur du gouffre ! 6+6 b
Guerre à l'impie ! Il faut qu'on punisse, ou qu'on souffre, 6+6 b
Frappez pour vous sauver. Songez au châtiment ; 6+6 a
Songez à l'océan d'angoisse et de tourment ; 6+6 a
Songez à cet enfer : l'immensité des larmes. 6+6 b
500 Les ennemis de Dieu pourront avoir des armes, 6+6 b
Ils pourront être fiers et puissants, ils pourront 6+6 a
Pousser des chars, avoir des casques sur le front ; 6+6 a
Qu'est-ce que cela fait, si leur âme est de l'ombre ? 6+6 b
Les festins, les palais que la splendeur encombre, 6+6 b
505 Le bonheur, les plaisirs, le triomphe effronté, 6+6 a
Sont des endroits d'oubli, mais non de sûreté. 6+6 a
Soit. Oubliez. Qu'importe au souvenir suprême ? 6+6 b
La vengeance attend, calme, et la colère sème… — 6+6 b
Vous rirez, vous aurez des songes dans les yeux, 6+6 a
510 Tout à coup, au plus noir du ciel mystérieux 6+6 a
Que l'homme frémissant verra par échappées, 6+6 b
On entendra le bruit que font deux mains frappées, 6+6 b
L'archange porte-glaive, immense, apparaîtra ; 6+6 a
Alors, sentant sous eux crouler Bel et Mithra, 6+6 a
515 Les méchants trembleront comme un vaisseau qui sombre, 6+6 b
Et tous reconnaîtront l'inutilité sombre 6+6 b
Des boucliers d'airain et des casques de cuir ; 6+6 a
Ils souhaiteront d'être assez petits pour fuir 6+6 a
Par le bas d'une porte ou par les trous d'un crible, 6+6 b
520 La grande épée ayant un flamboiement terrible ! 6+6 b
Mais Dieu dira : Trop tard ! Donc, ô vivants, tremblez. 6+6 a
Dieu court dans les maudits comme un feu dans les blés. 6+6 a
Écrasez d'épouvante et de haine l'impie. 6+6 b
Faites lever votre âme aux vices accroupie, 6+6 b
525 Et récitez, avant que l'archange soit là, 6+6 a
Le sharrith le matin, le soir le néhila. 6+6 a
Vengez Dieu par le glaive et vivez dans la crainte. 6+6 b
Tout ce que je vous dis, Peuple, c'est la loi sainte, 6+6 b
La loi d'en haut, connue aux seuls fils de Lévi. 6+6 a
530 Un homme en ce moment, de douze hommes suivi, 6+6 a
Blond, jeune, et regardé fixement par le prêtre, 6+6 b
L'interrompit et dit avec l'accent d'un maître : 6+6 b
— Toute la loi d'en haut est dans ce mot : aimer. 6+6 a
— Peuple, cria le prêtre, il vient de blasphémer. 6+6 a
VII
CAÏPHE EN CONTEMPLATION
535 Les deux guetteurs du temple ont aperçu la lune ; 6+6 b
Le mois commence.
Aux champs la terre est encor brune ; 6+6 b
Il pleut sur le mont Glon et sur le mont Sion ; 6+6 a
Mais l'hiver va finir. On fait l'ablution 6+6 a
Du temple, dont on brosse et dérouille les chaînes, 6+6 b
540 Les gonds et les verrous, pour les fêtes prochaines. 6+6 b
Seul près du grand autel derrière le rideau, 6+6 a
Pendant que, se courbant sur des vases pleins d'eau, 6+6 a
Et répandant partout le nard et l'hyacinthe, 6+6 b
Les lévites portiers lavent la triple enceinte, 6+6 b
545 S'interrompant parfois pour baiser les pavés. 6+6 a
Le grand-prêtre se tient debout, les bras levés. 6+6 a
On dirait un fantôme avec son blanc suaire. 6+6 b
L'arche est sur une estrade au fond du sanctuaire ; 6+6 b
Élohim lui laissa l'empreinte de son doigt ; 6+6 a
550 Un éblouissement l'environne, et l'on voit 6+6 a
Des boîtes de parfum d'aspic sur chaque marche 6+6 b
Du degré qui se perd sous la splendeur de l'arche. 6+6 b
Caïphe est de la chose éternelle occupé. 6+6 a
Un docteur cependant, Rosmophim de Joppé 6+6 a
555 A soulevé ce voile et marche vers Caïphe 6+6 b
Qui ne dérange pas son geste de pontife 6+6 b
Et n'ouvre qu'à demi son œil vague et fermé. 6+6 a
Le prêtre dit : — Je viens. Je me suis informé, 6+6 a
Hannasci, de celui des douze auquel tu penses. 6+6 b
560 C'est lui que dans la bande on charge des dépenses ; 6+6 b
Quand on voyage, il compte avec les hôteliers ; 6+6 a
Les autres semblent fiers de porter leurs colliers ; 6+6 a
Lui seul a l'air d'un loup parmi les chiens ; sa voie 6+6 b
Est obscure ; à Naïm, une fille de joie 6+6 b
565 Avait, avec du baume et des parfums, lavé 6+6 a
Les pieds du maître, un peu meurtris par le pavé ; 6+6 a
Cet homme s'emporta contre elle jusqu'à dire : 6+6 b
Tu viens de perdre pour vingt deniers de myrrhe ! 6+6 b
Et Caïphe répond : — C'est l'homme qu'il faudrait. 6+6 a
570 — Oui, répond Rosmophim. Il est jaloux, secret, 6+6 a
Triste, oblique, inquiet, solitaire, économe. 6+6 b
Prince, tu désirais savoir comme on le nomme. 6+6 b
Je l'ignorais le jour où tu le demandas. 6+6 a
Je le sais aujourd'hui. — Quel est son nom ? — Judas. 6+6 a
VIII
LA SIBYLLE
575 La sibylle d'Achlab parle dans sa caverne ; 6+6 b
Elle est seule ; un esprit farouche la gouverne, 6+6 b
La courbe comme un feu sous un vol de démons, 6+6 a
Et de sa bouche obscure et de ses noirs poumons 6+6 a
Fait sortir le hasard des paroles terribles. 6+6 b
580 Des feuilles, qui plus tard s'iront coller aux Bibles, 6+6 b
S'échappent par moments de son antre, et s'en vont 6+6 a
En vagues flamboiements dans l'espace sans fond. 6+6 a
Elle les suit des yeux, et rit ; puis recommence, 6+6 b
L'immensité s'étant mêlée à sa démence, 6+6 b
585 Et le souffle infini la traversant toujours. 6+6 a
Elle s'adresse à l'ombre, au gouffre, aux rochers sourds. 6+6 a
Spectre par le regard, par la maigreur squelette, 6+6 b
Elle parle une langue étrange où se reflète 6+6 b
L'avenir, à demi visible sur son front, 6+6 a
590 Et prononce déjà des mots qui ne seront 6+6 a
Dits par le genre humain que dans trois mille années. 6+6 b
Ses mains sur ses seins nus se crispent décharnées ; 6+6 b
Son œil lugubre songe, ivre d'obscurité ; 6+6 a
Ce spectre balbutie avec autorité ; 6+6 a
595 On dirait qu'elle fait la lecture éperdue 6+6 b
D'un mystérieux livre ouvert dans l'étendue ; 6+6 b
Parfois elle s'arrête en disant : Je ne puis. 6+6 a
En ce moment, au fond de sa grotte, affreux puits 6+6 a
Plein de l'effarement des visions occultes, 6+6 b
600 Ce sont les fondateurs de dogmes et de cultes 6+6 b
Et de religions que son regard poursuit. 6+6 a
Il semble qu'elle parle, à travers l'âpre nuit, 6+6 a
A ceux qui cherchent Dieu pour le montrer aux hommes. 6+6 b
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
« — … Le livre d'en haut dit : — Qui que tu sois, qui sommes 6+6 b
605 « L'Être de s'expliquer et le sphynx d'être clair, 6+6 a
« Qui que tu sois qui veux saisir l'eau, tenir l'air, 6+6 a
« Donner à la nuée une forme, et qui plonges, 6+6 b
« Avec ta nasse, bonne à la pêche des songes, 6+6 b
« Dans le sinistre abîme où flotte ce mot : Dieu ; 6+6 a
610 « Qui que tu sois, qui viens forcer l'ombre à l'aveu, 6+6 a
« Tâter la certitude avec ta main peu sûre, 6+6 b
« Au temple sidéral adosser ta masure, 6+6 b
« Et désigner à l'Être un texte, un nombre, un lieu ; 6+6 a
« Homme, qui que tu sois, qui viens faire du feu 6+6 a
615 « Sous la foudre, allumer ta lampe sous l'étoile, 6+6 b
« Et dire à l'univers sans fond : Lève-toi, voile ! 6+6 b
« Qui que tu sois qui prends l'impossible aux cheveux, 6+6 a
« Qui prononces ces mots inutiles : « — Je veux, 6+6 a
« Je sais, je suis, je crois, je sauve, je ranime ; — » 6+6 b
620 « Qui que tu sois qui dis à l'Être : « — Allons, abîme, 6+6 b
« Réponds, puisque c'est moi qui t'ai questionné. — » 6+6 a
« Sache que ta folie est sombre, infortuné ! 6+6 a
« L'erreur sort du nuage et sans fin se dévide. 6+6 b
« Un rite, c'est un geste au hasard dans le vide ; 6+6 b
625 « Avortement du chiffre et du mot ! labeur vain 6+6 a
« De la voix pour nommer le prodige divin ! 6+6 a
« Trimourti ! Trinité ! Triade ! Triple Hécate ! 6+6 b
« Brahmâ, c'est Abraham ; dans Adonis éclate 6+6 b
« Adonaï ; Jovis jaillit de Jéhovah ; 6+6 a
630 « Toujours au même mot l'impuissance arriva ; 6+6 a
« Toujours le sombre effort des religions tombe 6+6 b
« Dans le même fantôme et dans la même tombe. 6+6 b
« Toutes ces questions : « — Où ? quand ? pourquoi ? comment ? 6+6 a
« Jusqu'où ? » — font le bruit sourd d'un engloutissement. 6+6 a
635 « Le livre d'en haut dit : — O penseurs, prenez garde ! 6+6 b
« Il veut qu'on le contemple et non qu'on le regarde. 6+6 b
« Courbez-vous. L'adoré doit rester l'inconnu. 6+6 a
« Toutes les fois qu'un homme, un esprit, est venu 6+6 a
« L'approcher de trop près, et s'est, opiniâtre, 6+6 b
640 « Mis à souffler sur lui comme on souffle sur l'âtre, 6+6 b
« Il a frappé. Malheur aux obstinés qui vont 6+6 a
« Faire une fouille sombre en cet être profond ! 6+6 a
« Vous qui vous appelez hier, demain, le sage, 6+6 b
« Le savant, le chercheur, la fuite, le passage, 6+6 b
645 « Larves ! y songez-vous d'imposer à celui 6+6 a
« Qui songe et qui s'appelle à jamais Aujourd'hui, 6+6 a
« Vos auscultations, vos calculs, votre étude, 6+6 b
« Et la vibration de votre inquiétude ! 6+6 b
« Il lui déplaît d'avoir vos chiffres hasardeux 6+6 a
650 « Courant partout sur lui, fourmillement hideux. 6+6 a
« Ta curiosité l'importune, ô vermine ! 6+6 b
« L'Incréé n'aime pas que l'homme l'examine, 6+6 b
« Et sentir des esprits fureter dans ses coins. 6+6 a
« Sacrilège ! le plus, mesuré par le moins ! 6+6 a
655 « La mouche humaine allant heurter aux cieux son aile ! 6+6 b
« Et l'essaim, effleurant l'attitude éternelle ! — 6+6 b
« Le livre d'en haut dit : — Lui ! lui ! pas de témoins. 6+6 a
« Hommes, ne faites point un pas hors des besoins ; 6+6 a
« L'homme est tortue, et l'ombre est votre carapace ; 6+6 b
660 « Ne sortez pas du temps, du nombre et de l'espace ; 6+6 b
« Car il se vengera, l'être mystérieux, 6+6 a
« Des voix, des bruits, des pas, des lampes et des yeux ! 6+6 a
« Il est le maître obscur des tortures aiguës, 6+6 b
« Des haches, des brasiers, des chanvres, des ciguës. 6+6 b
665 « Il choisira les forts, il prendra dans sa main 6+6 a
« Ceux qui sont les cerveaux de tout le genre humain, 6+6 a
« Et, fatal, les jetant au glaive froid qui tue, 6+6 b
« Il décapitera la sagesse têtue. 6+6 b
« Pour punir les chercheurs, il n'a qu'à les livrer 6+6 a
670 « A la fureur de ceux qu'ils voudront éclairer. 6+6 a
« O sages, pour gravir les cieux où sont les Tables, 6+6 b
« Vous hantez les hauts lieux, ces cimes redoutables, 6+6 b
« Que visite l'horreur et que la bise mord ; 6+6 a
« Vous y cherchez le jour, vous y trouvez la mort ; 6+6 a
675 « Certains sommets fatals ont d'âpres calvities 6+6 b
« Où les hideuses croix, par le meurtre noircies, 6+6 b
« Se dressent, attendant les pâles rédempteurs ; 6+6 a
« Et vous êtes, hélas, trahis par les hauteurs. 6+6 a
« Caïn sur cette terre, où le juste est victime, 6+6 b
680 « Traître, a laissé de quoi recommencer son crime ; 6+6 b
« L'homme abrège, ô penseurs, vos ans déjà si courts ! 6+6 a
« Pour vous assassiner, justes, l'homme a toujours 6+6 a
« Entre les mains assez du premier fratricide ; 6+6 b
« Plus tard, le genre humain, redevenu lucide, 6+6 b
685 « Vient glorifier ceux que sa rage courbait… 6+6 a
« L'un a bu le poison, l'autre pend au gibet ! 6+6 a
« Pensez-vous quelquefois à ce que fait l'archange, 6+6 b
« L'Être d'en bas ? Il est le Méchant. Il s'en venge ? 6+6 b
« Il prend l'âme, la vie et le jour à revers ; 6+6 a
690 « Et de sa chute il fait celle de l'univers. 6+6 a
« L'enfer est tout entier dans ce mot : Solitude. 6+6 b
« Avec tous les remords qui sont l'inquiétude 6+6 b
« Et le deuil de la terre, et dont il est l'aïeul, 6+6 a
« Dans l'effrayant cachot des nuits, Satan est seul. 6+6 a
695 « Le rocher qui le mure est fait avec du crime ; 6+6 b
« Les autres condamnés sont dans un autre abîme ; 6+6 b
« Il peut les torturer, mais il ne peut les voir. 6+6 a
« Seul, toujours seul, il est aveugle dans le noir. 6+6 a
« En lui, hors de lui, l'ombre. Il regarde, il se hausse, 6+6 b
700 « Il cherche ; il n'a pas même une hydre dans sa fosse ; 6+6 b
« Une hydre, ce serait quelqu'un. L'ange damné 6+6 a
« Vole et rôde, et, hagard, voudrait n'être pas né. 6+6 a
« Si les bêtes voyaient son cloaque, cet antre 6+6 b
« Ferait ramper les loups frémissants à plat ventre, 6+6 b
705 « Trembler le tigre, et fuir les hiboux aux yeux ronds. 6+6 a
« A chaque mouvement de ses lourds ailerons, 6+6 a
« Pendant qu'il plane, il sort du monstre des fumées ; 6+6 b
« Elles montent sur terre, et ce sont des armées ; 6+6 b
« Elles montent sur terre, et, dans nos régions, 6+6 a
710 « Ce sont des lois, des mœurs et des religions ; 6+6 a
« Elles montent sur terre et prennent des figures 6+6 b
« De rois, de conquérants, de pontifes, d'augures ; 6+6 b
« Et l'on entend le cri des hommes sous le pied 6+6 a
« D'un Satan Dieu qui règne et dans la nuit s'assied, 6+6 a
715 « Fantôme ressemblant au spectre des ténèbres ; 6+6 b
« Et, triomphants, sacrés, grands, illustres, célèbres, 6+6 b
« Des vampires, la mitre ou le laurier au front, 6+6 a
« Élevant jusqu'au ciel une gloire d'affront, 6+6 a
« Disent : Je suis le Dogme, et je me nomme Empire. 6+6 b
720 « Et cent fléaux, fatals, noirs, dont l'homme est le pire, 6+6 b
« Se déchaînent ; — Satan en bas plane toujours ; — 6+6 a
« Peste, terre qui tremble, eau sur les rochers sourds, 6+6 a
« Le typhon sur les flots, le semoun dans les sables… — 6+6 b
« O sombres battements des ailes formidables ! 6+6 b
725 « Le livre d'en haut dit : — Donc pas de curieux. 6+6 a
« La nuit est un conseil que le ciel donne aux yeux. 6+6 a
« Laissez l'Être exister. Soyez ce que vous êtes. 6+6 b
« Regards, soyez l'effroi ; bêtes, soyez les bêtes ; 6+6 b
« Beauté, sois le squelette ; homme, sois le néant. 6+6 a
730 « Dieu fait du ténébreux le bourreau du voyant. 6+6 a
« Ou, s'il lui plaît, savants, penseurs, ô tourbe infime, 6+6 b
« De vous abandonner à votre propre abîme, 6+6 b
« Il laissera l'ennui pesant, le moi jaloux, 6+6 a
« Le vertige et la peur croître d'eux-même en vous, 6+6 a
735 « Et vos socs effrayés ne creuser que des fosses, 6+6 b
« Et se dresser, au fond de vos recherches fausses, 6+6 b
« Le chaos des erreurs, des fièvres, des tourments, 6+6 a
« Et s'offrir le fer rouge à vos tâtonnements ; 6+6 a
« Si bien que de sa loi, de son énigme austère, 6+6 b
740 « De son nom, de son dogme obscur, de son mystère, 6+6 b
« Vous ôterez vos mains fumantes en criant : 6+6 a
« Nous nous sommes brûlés à cet être effrayant ! 6+6 a
« Mage, il t'engloutira sous les bouillons de l'urne ; 6+6 b
« Il remuera sous toi l'âpre échelle nocturne ; 6+6 b
745 « Il rendra trouble, avec trop de lumière, l'œil 6+6 a
« De la témérité, du rêve et de l'orgueil ; 6+6 a
« Il n'aura qu'à montrer, pour vous mettre en démence, 6+6 b
« Un de ses attributs dans sa splendeur immense ; 6+6 b
« Car le plus aveuglé, c'est le plus ébloui. 6+6 a
750 « Oui, si vous labourez au même champ que lui, 6+6 a
« Il emplira de cendre et de mort vos semailles. 6+6 b
« De toute la science il crèvera les mailles. 6+6 b
« L'infini ne se peut prendre dans un filet. 6+6 a
« Il ne souffrira point qu'on sache ce qu'il est. 6+6 a
755 « Il mettra les fléaux, les forces, les tonnerres, 6+6 b
« L'ombre, à votre poursuite, ô noirs visionnaires ! 6+6 b
« Et s'il regarde, horreur ! tout s'évanouira. 6+6 a
« Et les penseurs crieront : Grâce ! Il leur suffira, 6+6 a
« Pour sentir la pensée en leurs fronts se dissoudre, 6+6 b
760 « D'entrevoir un moment sa prunelle de foudre.- 6+6 b
« Le livre d'en haut dit : — Vivez sans regarder. 6+6 a
« Passant, ta fonction est de passer. Sonder, 6+6 a
« C'est blesser. Qu'êtes-vous ? Qu'es-tu ? Ton nom ? — Terpandre. 6+6 b
« Toi ? — Linus. — Toi ? — Thalès. — Vous vous appelez Cendre ! 6+6 b
765 « Vous vous appelez Brume et Nuit ! Disparaissez, 6+6 a
« Mourez. Parler est trop, bégayer est assez. 6+6 a
« Es-tu sage ? tais-toi. Le silence est l'hommage. 6+6 b
« Quoi ! tu veux pénétrer l'impénétrable, ô mage ! 6+6 b
« Tu viens escalader avec effraction 6+6 a
770 « Le problème, le jour, la nuit, la vision, 6+6 a
« L'infini ! Tu commets un attentat nocturne 6+6 b
« Sur la virginité du tombeau taciturne ! 6+6 b
« Tu lèves ce couvercle, ô mage audacieux ! 6+6 a
« Que fais-tu là, rôdeur des barrières des cieux ? 6+6 a
775 « Tu viens, furtif, armé de ta vanité sombre, 6+6 b
« Forcer l'éternité ! tu viens crocheter l'ombre, 6+6 b
« Fourrer ta fausse clé dans la porte de feu, 6+6 a
« Et faire une pesée, avec l'orgueil, sous Dieu ! 6+6 a
« Va-t'en de la lumière, et va-t'en des ténèbres ! 6+6 b
780 « Dehors ! Va-t'en avec ta strophe et tes algèbres, 6+6 b
« Poète, géomètre, astronome, voleur ! 6+6 a
« Ne cherchez pas ; rampez. Tremblez, c'est le meilleur. 6+6 a
« Espace, point d'Icare ; astres, pas de lunettes. 6+6 b
« O vivants, vous serez dans le vrai, si vous n'êtes 6+6 b
785 « Que ce que les vivants d'avant vous ont été. 6+6 a
« Ne voyez que la grande et calme éternité. 6+6 a
« Le bas est immobile et le haut immuable. 6+6 b
« En bas est l'ancre ; en haut l'obscur anneau du câble. 6+6 b
« Est-ce que la nature essaie autour de vous 6+6 a
790 « De changer d'attitude, ô mortels vains et fous ? 6+6 a
« Qu'est-ce que le tombeau ? Le puits des nuits funèbres ; 6+6 b
« Il a la plénitude auguste des ténèbres ; 6+6 b
« Il ne demande rien, il ne fait pas de bruit ; 6+6 a
« Le sépulcre est le vase où Dieu garde la nuit, 6+6 a
795 « L'astre est le vase où Dieu conserve la lumière ; 6+6 b
« Tous deux sont à jamais ce que la loi première 6+6 b
« Les créa ; l'un est l'ombre et l'autre est le rayon ; 6+6 a
« Pourquoi l'homme veut-il changer sa fonction ? 6+6 a
« Il est souffle ; qu'il passe. A quoi bon la pensée ? 6+6 b
800 « A quoi bon tant de force obscure dépensée ? 6+6 b
« A quoi bon Zoroastre ou Moïse ? A quoi sert 6+6 a
« Ce Jean, vêtu de peaux, parlant dans le désert ? 6+6 a
« A quoi bon vos Talmuds ? N'est-ce pas une honte 6+6 b
« De voir s'entreheurter Tyr contre Sélinonte, 6+6 b
805 « Delphes contre Éleusis, Thèbes contre Sion, 6+6 a
« Dans l'immobilité de la création ? 6+6 a
« C'est l'ennui du voyant d'entendre les querelles 6+6 b
« Des superstitions se dévorant entre elles, 6+6 b
« Tous ces mages, luttant, affirmant ou niant, 6+6 a
810 « Et tous ces disputeurs de cendre et de néant 6+6 a
« Qui font tourbillonner leurs misérables rixes 6+6 b
« Entre les tombeaux noirs et les étoiles fixes ! 6+6 b
« Un dogme est l'oiseleur, guettant dans la forêt, 6+6 a
« Qui, parce qu'il a pris un passereau, croirait 6+6 a
815 « Avoir tous les oiseaux du ciel bleu dans sa cage. 6+6 b
« La salutation du jonc au marécage 6+6 b
« N'est pas plus vaine, au fond du bois vague et jauni, 6+6 a
« Que les saluts que fait un homme à l'infini. 6+6 a
« Tout ce que vous nommez vérité devient fable 6+6 b
820 « Devant l'inénarrable et devant l'ineffable. 6+6 b
« Dieu ! Rêve ! Qui finit par ressembler à Non. 6+6 a
« La raison de celui qui prononce ce nom 6+6 a
« S'en va, comme le sang quand on ouvre la veine. 6+6 b
« Oh ! que le verbe est nul ! que la syllabe est vaine ! 6+6 b
825 « Comme le nombre est vite essoufflé quand il faut 6+6 a
« Faire l'addition du bas avec le haut, 6+6 a
« Et, de la profondeur remontant à la cime, 6+6 b
« Compter le gouffre après avoir compté l'abîme ! » 6+6 b
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pendant qu'elle parlait, pleine du sphynx caché, 6+6 a
830 Sur le puits ténébreux quelqu'un s'était penché ; 6+6 a
Le soleil éclairait sur le seuil de la cave 6+6 b
Une figure douce, éblouissante et grave ; 6+6 b
Un homme était pieds nus dans l'herbe et les genêts. 6+6 a
— Je ne t'ai jamais vu, mais je te reconnais. 6+6 a
835 Salut, Nazaréen ! Dit la femme hagarde. 6+6 b
Et, montrant du doigt l'ombre, elle ajouta : Prends garde. 6+6 b
Alors entre la femme et cet homme, tandis 6+6 a
Que l'aube réchauffait les serpents engourdis 6+6 a
Et que les fleurs ouvraient au soleil leurs corolles, 6+6 b
840 Il se fit un échange auguste de paroles 6+6 b
Que la terre ignora, personne n'écrivant 6+6 a
Ce dialogue sombre emporté par le vent. 6+6 a
LE NAZARÉEN
O Prophétesse, il faut pourtant sauver les hommes. 6+6 b
LA SIBYLLE
A quoi bon ?
LE NAZARÉEN
Pour sortir de cette ombre où nous sommes. 6+6 b
LA SIBYLLE
Restes-y.
LE NAZARÉEN
845 C'est la loi de monter vers le jour, 6+6 a
Qu'après l'iniquité la justice ait son tour, 6+6 a
C'est la loi.
LA SIBYLLE
La justice est sur la terre un rêve 6+6 b
LE NAZARÉEN
Les hommes pleins de haine ont à la main le glaive. 6+6 b
O femme, en les aimant on peut les apaiser. 6+6 a
Que dis-tu de l'amour ? Parle.
LA SIBYLLE
850 Crains le baiser. 6+6 a
II
JÉSUS-CHRIST
I
LA POUTRE
Le brigand Barabbas est en prison. Son heure 6+6 b
Approche, car il faut que le meurtrier meure ; 6+6 b
C'est du moins ce que dit le peuple.
Hors des murs, 6+6 a
Dans un champ où, pareil au ver dans les fruits mûrs, 6+6 a
855 Le chacal entre au flanc des charognes farouches, 6+6 b
Plaine où des os épars font bourdonner les mouches, 6+6 b
On entend un bruit sourd de scie et de marteaux. 6+6 a
Un homme dans un bouge équarrit des poteaux. 6+6 a
C'est Psyphax, charpentier de croix. Dehors un zèbre, 6+6 b
860 Des poules, du fumier, un coq. Psyphax est guèbre, 6+6 b
Adore le soleil et construit des gibets. 6+6 a
Le faubourg Zem, quartier des marchands au rabais 6+6 a
Et des fripiers vendant les haillons de la ville, 6+6 b
Borne au sud cette plaine âpre, déserte et vile. 6+6 b
865 Des cordes où parfois on se heurte en rêvant, 6+6 a
Où les laveuses font sécher leur linge au vent, 6+6 a
Flottent à des piquets plantés dans les décombres. 6+6 b
Les petits enfant nus de ces masures sombres 6+6 b
Où la famine habite et d'où la peste sort, 6+6 a
870 Vivent de ramasser dans l'herbe du bois mort 6+6 a
Qu'ils vont vendre en fagots sur les marches du temple. 6+6 b
Le prophète qui fait des gestes et contemple, 6+6 b
Quelque centurion par l'orgie attardé, 6+6 a
Des joueurs agitant la bassette ou le dé, 6+6 a
875 Hantent seuls ce lieu triste et cette lande aride. 6+6 b
Au-delà des terrains que l'ardent soleil ride, 6+6 b
Et que couvre un gazon brûlé, lépreux et court, 6+6 a
On voit les toits confus des maisons du faubourg 6+6 a
Où les femmes le soir médisent sur leurs portes. 6+6 b
880 Les mendiants hideux pareils à des cloportes 6+6 b
Rôdent aux alentours, tendant leurs pâles mains. 6+6 a
Au lieu de l'essaim d'or errant dans les jasmins, 6+6 a
L'oiseau de proie, affreux, vole aux carcasses mortes. 6+6 b
Près des maisons, les gueux, les nains aux jambes tortes, 6+6 b
885 Les goitreux, les boiteux, fourmillent en tous sens ; 6+6 a
Et la difformité honteuse des passants, 6+6 a
Et ce faubourg infirme et malade, et ces bouges, 6+6 b
Importunent au loin l'aigle aux paupières rouges, 6+6 b
Et les vastes vautours africains dont le bec 6+6 a
890 Semble plein des rayons du désert de Balbeck. 6+6 a
Au fond de l'horizon est le Golgotha fauve ; 6+6 b
Mont sans arbre, sans herbe et sans fleurs ; sommet chauve 6+6 b
Et propre à la croissance horrible des gibets ; 6+6 a
Ceux qui cherchent le sens des anciens alphabets 6+6 a
895 Et qui font du Talmud leur sévère lecture, 6+6 b
Tremblent devant ce mont, sachant son aventure ; 6+6 b
Le vaste Adam est là, sous la terre dormant ; 6+6 a
Si bien que le Calvaire est le noir renflement 6+6 a
De ce grand corps gisant sous la morne campagne, 6+6 b
900 Et qu'un air de cadavre en reste à la montagne. 6+6 b
Le toit de Psyphax, bas et marqué d'un poteau, 6+6 a
Fait une ampoule au centre isolé du plateau. 6+6 a
Le peuple craint les toits mystérieux des guèbres. 6+6 b
Ces fous de la lumière ont l'œil plein de ténèbres ; 6+6 b
905 On les voue aux métiers immondes : ils les font. 6+6 a
Ils mêlent leur chimère au céleste plafond ; 6+6 a
Ils contemplent la nuit, d'astres profonds semée, 6+6 b
Et l'appellent Saba, ce qui veut dire armée ; 6+6 b
Ils adorent un point du ciel nommé Kébla ; 6+6 a
910 A toute heure de l'ombre et de l'aube, ils sont là 6+6 a
S'offrant, les hommes nus et les femmes sans voiles, 6+6 b
Au dieu soleil époux des déesses étoiles ; 6+6 b
Ils maudissent la fève et l'ail, craignent le sel 6+6 a
Et l'ambre, et font lever le pain avec du miel. 6+6 a
915 Ils vont jusqu'en Égypte, affrontant les numides, 6+6 b
Pieds nus, sacrifier des coqs aux pyramides, 6+6 b
Ces trois tombeaux de Seth, d'Énos et de Sabi ; 6+6 a
L'arabe en pâlissant leur ferme son gourbi ; 6+6 a
Ils font un philtre avec des herbes qu'ils écrasent ; 6+6 b
920 Ils respectent le bœuf et la brebis, se rasent, 6+6 b
Et n'osent pas nommer l'astre à qui leurs élus 6+6 a
Font, de l'aurore au soir, soixante-trois saluts ; 6+6 a
Ils ont pour ville Haran en Mésopotamie ; 6+6 b
Leur tabernacle, autel de trouble et d'infamie, 6+6 b
925 Au lieu de l'occident regarde le levant ; 6+6 a
Ils adressent, hagards, des questions au vent, 6+6 a
Comptent l'onde, et parmi leurs prophètes on nomme 6+6 b
Loth, roi des Philistins, et Numa, roi de Rome ; 6+6 b
Dans le mois du Bélier leur tribu danse en rond ; 6+6 a
930 Ils vénèrent Péor, le faune obscène ; ils ont 6+6 a
Sept temples dédiés par Cham aux sept planètes ; 6+6 b
Ils sont jongleurs, charmeurs de tigres, proxénètes, 6+6 b
Baigneurs, marchands de sorts, plongeurs de tourbillons ; 6+6 a
Quand ils sèment, ils font deux parts de leurs sillons, 6+6 a
935 Dont l'une est pour le dieu, l'autre pour les déesses ; 6+6 b
Leurs femmes ont parfois des serpents dans leurs tresses ; 6+6 b
Ils reprochent au char la plainte de l'essieu ; 6+6 a
Ils regardent, pensifs, les ratures que Dieu 6+6 a
A faites sur le tigre ainsi que sur le zèbre ; 6+6 b
940 C'est parce que tous deux ont ce signe funèbre 6+6 b
Et cette ombre des mots inconnus sur le dos 6+6 a
Que l'un porte la haine et l'autre les fardeaux ; 6+6 a
Presque à l'égal du temple ils révèrent l'étable ; 6+6 b
Leur sommeil est étrange, agité, redoutable ; 6+6 b
945 Le sage est dur pour eux, même dans sa bonté, 6+6 a
Car leur religion donne à l'humanité 6+6 a
Une difformité misérable et terrible ; 6+6 b
Ils ont un livre écrit par Satan, chose horrible ; 6+6 b
Un autre par Adam, un autre par Énos ; 6+6 a
950 Tous savent lire et sont des songeurs infernaux ; 6+6 a
Ce sont, sous l'azur sombre où les nuages glissent, 6+6 b
Des hommes stupéfaits et fauves qu'éblouissent 6+6 b
Les immenses couchers du soleil dans les monts, 6+6 a
Et qui mangent du sang ainsi que les démons. 6+6 a
955 Près d'un champ maigre, où croît plus de ronce que d'orge, 6+6 b
Dans son hangar croulant qu'empourpre un feu de forge, 6+6 b
Psyphax le guèbre est seul ; sans veste, sans bonnet, 6+6 a
Bras nus, la scie aux poings, il travaille ; et l'on est 6+6 a
A la fin du mois Jar, le second de l'année. 6+6 b
960 Dans cette plaine vaste, obscure, abandonnée, 6+6 b
Deux hommes vers le soir, marchant dans les fossés, 6+6 a
Se rencontrent, venant de deux points opposés. 6+6 a
Ils se parlent très bas avec un air de honte. 6+6 b
— Voici l'argent.
— Combien ?
— Trente.
— Comptons.
On compte ; 6+6 b
965 Dans l'ombre ; en étouffant, comme en flagrant délit, 6+6 a
Le bruit d'un sac d'argent qu'on vide et qu'on remplit. 6+6 a
— Marché fait.
— Viendra-t-il pour la fête ?
— Peut-être. 6+6 b
— Mais au milieu des siens comment le reconnaître ? 6+6 b
— Celui qu'on me verra baiser, ce sera lui. 6+6 a
— C'est dit.
970 Et souriant, mais non sans quelque ennui, 6+6 a
L'homme qui prend l'argent fait un salut servile, 6+6 b
Met le sac sous sa robe et rentre dans la ville. 6+6 b
Et l'autre attend qu'il ait disparu, puis, sans bruit, 6+6 a
Regardant si de loin personne ne le suit, 6+6 a
975 Il s'enfonce à pas sourds dans la plaine funèbre, 6+6 b
Et l'on dirait qu'il va vers la maison du guèbre. 6+6 b
Psyphax travaille. Il ouvre au milieu des outils 6+6 a
Un vieux livre, et ses yeux y semblent engloutis, 6+6 a
Comme s'ils en puisaient la lueur vénérable ; 6+6 b
980 Puis il reprend la vrille et l'équerre d'érable, 6+6 b
Et se remet à fendre un bloc informe et noir ; 6+6 a
Puis il lit, quoiqu'on lise avec peine le soir, 6+6 a
De sorte que cet homme à la fois semble suivre 6+6 b
Son travail sous l'outil et sa loi dans le livre ; 6+6 b
985 Soudain, au soupirail du toit presque détruit, 6+6 a
Apparaît la première étoile de la nuit ; 6+6 a
Psyphax lève les yeux, l'aperçoit, se redresse, 6+6 b
Ébloui, pâle, et dit à voix basse : O déesse ! 6+6 b
Or l'homme qui venait arrive. Il montre un sceau. 6+6 a
990 Il crache sur le livre ouvert, et dit : — Pourceau, 6+6 a
Je suis du temple. — Il laisse, en l'écartant, paraître 6+6 b
Sous son manteau dans l'ombre une robe de prêtre. 6+6 b
Et le payen se tait, avec ce pli du front 6+6 a
Que donne l'habitude horrible de l'affront ; 6+6 a
995 Car il a reconnu Rosmophim, un des sages 6+6 b
Qui du Talmud au peuple expliquent les passages, 6+6 b
Docteur et juge, après Caïphe le premier. 6+6 a
Il tremble ; le rayon rend visite au fumier. 6+6 a
Pourquoi ?
C'est ce docteur Rosmophim qui, naguère, 6+6 b
1000 A, d'après la loi sainte et le texte vulgaire, 6+6 b
Condamné Barabbas, et dit : Deux fois malheur ! 6+6 a
Mort sur le meurtrier et mort sur le voleur ! 6+6 a
Rosmophim dit : — Au nom du sanhédrin ! — L'esclave 6+6 b
S'incline, et Rosmophim reprend d'une voix grave, 6+6 b
1005 Pendant que son regard sur le guèbre tombait : 6+6 a
— As-tu quelque tronc d'arbre à faire un grand gibet ; 6+6 a
Dans une sorte d'antre au fond de la masure 6+6 b
Gisaient de noirs poteaux de diverse mesure ; 6+6 b
Le payen remua ces affreux blocs dormants, 6+6 a
1010 Ainsi qu'un fossoyeur trouble un tas d'ossements, 6+6 a
Et l'on en voyait fuir des bêtes qu'on ignore ; 6+6 b
Les poutres retombaient sur la terre sonore ; 6+6 b
Soudain l'homme, que l'âtre aidait de sa clarté, 6+6 a
Poussant un dernier bloc, non sans peine écarté, 6+6 a
1015 Montra du doigt au prêtre un madrier difforme, 6+6 b
Ayant le poids du chêne avec les nœuds de l'orme, 6+6 b
Lourd, vaste, et comme empreint de cinq doigts monstrueux ; 6+6 a
On voyait au gros bout, renflement tortueux, 6+6 a
On ne sait quelle tache épouvantable et sombre, 6+6 b
1020 Et l'on eût dit du sang élargi dans de l'ombre. 6+6 b
Rosmophim regarda la poutre, maugréant : 6+6 a
— Serait-ce le bâton de marche d'un géant ? 6+6 a
— Seigneur, c'est en effet cela, dit l'idolâtre. 6+6 b
Et le prêtre jeta trois grains d'encens dans l'âtre 6+6 b
1025 Pour purifier l'air où l'homme avait parlé. 6+6 a
L'homme reprit :
— Un champ qui fait mourir le blé, 6+6 a
Qui n'a pas un rameau vivant où l'oiseau dorme, 6+6 b
Égout où du déluge on voit la boue énorme, 6+6 b
Est le lieu sombre où j'ai trouvé ce tronc hideux. 6+6 a
1030 Les hommes d'autrefois ne pouvaient être deux 6+6 a
Sans combattre, et l'un l'autre ils se prenaient pour cible, 6+6 b
Et la marque d'un meurtre est sur cet arbre horrible. 6+6 b
Les géants de la race Énacim, qui d'abord 6+6 a
Ont habité la terre antique, ont fait la mort. 6+6 a
1035 Leur ombre immense couvre encor les races neuves. 6+6 b
Ils écrasaient du pied les éléphants des fleuves 6+6 b
Devant qui la forêt monstrueuse se tait ; 6+6 a
Leur bâton de voyage ou de défense était 6+6 a
Un chêne qu'ils avaient cassé dans la clairière ; 6+6 b
1040 Et nous pourrions bâtir toute une tour de pierre 6+6 b
Avec un des cailloux qu'ils tenaient dans leur poing. 6+6 a
— Oui, dit le docteur, Dieu qui ne s'égare point 6+6 a
En attendant le nombre, exagéra la forme ; 6+6 b
Le monde a commencé par la famille énorme ; 6+6 b
1045 Du groupe gigantesque est né le genre humain ; 6+6 a
Le bloc d'hier sera tas de pierres demain ; 6+6 a
Un géant tient d'abord la place d'une foule ; 6+6 b
Puis, comme la nuée en gouttes d'eau s'écroule, 6+6 b
De génération en génération, 6+6 a
1050 Il s'amoindrit, pullule, et devient nation ; 6+6 a
Et Dieu fait le colosse avant la fourmilière. 6+6 b
Il reprit : — Ce tronc d'arbre a des traces de lierre. 6+6 b
— Non, c'est la pression du poignet du géant, 6+6 a
Dit l'esclave.
— Chien vil, dit le docteur songeant, 6+6 a
1055 Je choisis ce poteau. Dans ton ombre mortelle 6+6 b
Fais-en vite une croix vaste et haute, mais telle 6+6 b
Qu'un homme cependant puisse encor la traîner. 6+6 a
Laissant derrière lui Psyphax se prosterner, 6+6 a
Le prêtre s'en alla, l'œil plein d'une âpre flamme. 6+6 b
1060 Et le guèbre, tirant du tas la poutre infâme, 6+6 b
La regardait, la hache au poing, disant tout bas : 6+6 a
— Il paraît qu'on veut faire honneur à Barabbas. 6+6 a
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