Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_12/HUG959
Victor HUGO
l'Art d'être grand-père
1877
XV
LAUS PUERO
VIII
MARIÉE ET MÈRE
Voir la Jeanne de Jeanne ! oh ! ce serait mon rêve ! 6+6 a
Il est dans l'ombre sainte un ciel vierge où se lève 6+6 a
Pour on ne sait quels yeux on ne sait quel soleil ; 6+6 b
Les âmes à venir sont là ; l'azur vermeil 6+6 b
5 Les berce, et Dieu les garde, en attendant la vie ; 6+6 a
Car, pour l'âme aux destins ignorés asservie, 6+6 a
Il est deux horizons d'attente, sans combats, 6+6 b
L'un avant, l'autre après le passage ici-bas ; 6+6 b
Le berceau cache l'un, la tombe cache l'autre. 6+6 a
10 Je pense à cette sphère inconnue à la nôtre 6+6 a
Où, comme un pâle essaim confusément joyeux, 6+6 b
Des flots d'âmes en foule ouvrent leurs vagues yeux ; 6+6 b
Puis, je regarde Jeanne, ange que Dieu pénètre, 6+6 a
Et les petits garçons jouant sous ma fenêtre, 6+6 a
15 Toute cette gaîté de l'âge sans douleur, 6+6 b
Tous ces amours dans l'œuf, tous ces époux en fleur ; 6+6 b
Et je médite ; et Jeanne entre, sort, court, appelle, 6+6 a
Traîne son petit char, tient sa petite pelle, 6+6 a
Fouille dans mes papiers, creuse dans le gazon, 6+6 b
20 Saute et jase, et remplit de clarté la maison ; 6+6 b
Son rire est le rayon, ses pleurs sont la rosée. 6+6 a
Et dans vingt ans d'ici je jette ma pensée, 6+6 a
Et de ce qui sera je me fais le témoin, 6+6 b
Comme on jette une pierre avec la fronde au loin. 6+6 b
25 Une aurore n'est pas faite pour rester seule. 6+6 a
Mon âme de cette âme enfantine est l'aïeule, 6+6 a
Et dans son jeune sort mon cœur pensif descend. 6+6 b
Un jour, un frais matin quelconque, éblouissant, 6+6 b
Épousera cette aube encor pleine d'étoiles ; 6+6 a
30 Et quelque âme, à cette heure errante sous les voiles 6+6 a
Où l'on sent l'avenir en Dieu se reposer, 6+6 b
Profitera pour naître ici-bas d'un baiser 6+6 b
Que se donneront l'une à l'autre ces aurores. 6+6 a
Ô tendre oiseau des bois qui dans ton nid pérores, 6+6 a
35 Voix éparse au milieu des arbres palpitants 6+6 b
Qui chantes la chanson sonore du printemps 6+6 b
Ô mésange, ô fauvette, ô tourterelle blanche, 6+6 a
Sorte de rêve ailé fuyant de branche en branche, 6+6 a
Doux murmure envolé dans les champs embaumés, 6+6 b
40 Je t'écoute et je suis plein de songes. Aimez, 6+6 b
Vous qui vivrez ! Hymen ! chaste hymen ! O nature ! 6+6 a
Jeanne aura devant elle alors son aventure, 6+6 a
L'être en qui notre sort s'accroît et s'interrompt ; 6+6 b
Elle sera la mère au jeune et grave front ; 6+6 b
45 La gardienne d'une aube à qui la vie est due, 6+6 a
Épouse responsable et nourrice éperdue, 6+6 a
La tendre âme sévère, et ce sera son tour 6+6 b
De se pencher, avec un inquiet amour, 6+6 b
Sur le frêle berceau, céleste et diaphane ; 6+6 a
50 Ma Jeanne, ô rêve ! azur ! contemplera sa Jeanne ; 6+6 a
Elle l'empêchera de pleurer, de crier, 6+6 b
Et lui joindra les mains, et la fera prier, 6+6 b
Et sentira sa vie à ce souffle mêlée. 6+6 a
Elle redoutera pour elle une gelée, 6+6 a
55 Le vent, tout, rien. O fleur fragile du pêcher ! 6+6 b
Et, quand le doux petit ange pourra marcher, 6+6 b
Elle le mènera jouer aux Tuileries ; 6+6 a
Beaucoup d'enfants courront sous les branches fleuries, 6+6 a
Mêlant l'avril de l'homme au grand avril de Dieu ; 6+6 b
60 D'autres femmes, gaîment, sous le même ciel bleu, 6+6 b
Seront là comme Jeanne, heureuses, réjouies 6+6 a
Par cette éclosion d'âmes épanouies ; 6+6 a
Et, sur cette jeunesse inclinant leur beau front, 6+6 b
Toutes ces mères, sœurs devant Dieu, souriront 6+6 b
65 Dans l'éblouissement de ces roses sans nombre. 6+6 a
Moi je ne serai plus qu'un œil profond dans l'ombre. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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