Métrique en Ligne
HUG_12/HUG912
Victor HUGO
l'Art d'être grand-père
1877
I
A GUERNESEY
XII
UN MANQUE
Pourquoi donc s'en est-il allé, le doux amour ? 6+6 a
Ils viennent un moment nous faire un peu de jour, 6+6 a
Puis partent. Ces enfants, que nous croyons les nôtres, 6+6 b
Sont à quelqu'un qui n'est pas nous. Mais les deux autres, 6+6 b
5 Tu ne les vois donc pas, vieillard ? Oui, je les vois, 6+6 a
Tous les deux. Ils sont deux, ils pourraient être trois. 6+6 a
Voici l'heure d'aller se promener dans l'ombre 6+6 b
Des grands bois, pleins d'oiseaux dont Dieu seul sait le nombre 6+6 b
Et qui s'envoleront aussi dans l'inconnu. 6+6 a
10 Il a son chapeau blanc, elle montre un pied nu, 6+6 a
Tous deux sont côte à côte ; on marche à l'aventure, 6+6 b
Et le ciel brille, et moi je pousse la voiture. 6+6 b
Toute la plaine en fleur a l'air d'un paradis ; 6+6 a
Le lézard court au pied des vieux saules, tandis 6+6 a
15 Qu'au bout des branches vient chanter le rouge-gorge. 6+6 b
Mademoiselle Jeanne a quinze mois, et George 6+6 b
En a trente ; il la garde ; il est l'homme complet ; 6+6 a
Des filles comme ça font son bonheur ; il est 6−6 a
Dans l'admiration de ces jolis doigts roses, 6+6 b
20 Leur compare, en disant toutes sortes de choses, 6+6 b
Ses grosses mains à lui qui vont avoir trois ans, 6+6 a
Et rit ; il montre Jeanne en route aux paysans. 6+6 a
Ah dame ! il marche, lui ; cette mioche se traîne ; 6+6 b
Et Jeanne rit de voir Georges rire ; une reine 6+6 b
25 Sur un trône, c'est là Jeanne dans son panier ; 6+6 a
Elle est belle ; et le chêne en parle au marronnier, 6+6 a
Et l'orme la salue et la montre à l'érable, 6+6 b
Tant sous le ciel profond l'enfance est vénérable. 6+6 b
George a le sentiment de sa grandeur ; il rit 6+6 a
30 Mais il protège, et Jeanne a foi dans son esprit ; 6+6 a
Georges surveille avec un air assez farouche 6+6 b
Cette enfant qui parfois met un doigt dans sa bouche ; 6+6 b
Les sentiers sont confus et nous nous embrouillons. 6+6 a
Comme tout le bois sombre est plein de papillons, 6+6 a
35 Courons, dit George. Il veut descendre. Jeanne est gaie. 6+6 b
Avec eux je chancelle, avec eux je bégaie. 6+6 b
Oh ! l'adorable joie, et comme ils sont charmants ! 6+6 a
Quel hymne auguste au fond de leurs gazouillements ! 6+6 a
Jeanne voudrait avoir tous les oiseaux qui passent ; 6+6 b
40 Georges vide un pantin dont les ressorts se cassent, 6+6 b
Et médite ; et tous deux jasent ; leurs cris joyeux 6+6 a
Semblent faire partout dans l'ombre ouvrir des yeux ; 6+6 a
Georges, tout en mangeant des nèfles et des pommes, 6+6 b
M'apporte son jouet ; moi qui connais les hommes 6+6 b
45 Mieux que George, et qui sait les secrets du destin, 6+6 a
Je raccommode avec un fil son vieux pantin. 6+6 a
Mon Georges, ne va pas dans l'herbe ; elle est trempée. 6+6 b
Et le vent berce l'arbre, et Jeanne sa poupée. 6+6 b
On sent Dieu dans ce bois pensif dont la douceur 6+6 a
50 Se mêle à la gaîté du frère et de la sœur ; 6+6 a
Nous obéissons, Jeanne et moi, Georges commande ; 6+6 b
La nourrice leur chante une chanson normande, 6+6 b
De celles qu'on entend le soir sur les chemins, 6+6 a
Et Georges bat du pied, et Jeanne bat des mains. 6+6 a
55 Et je m'épanouis à leurs divins vacarmes, 6+6 b
Je ris ; mais vous voyez sous mon rire mes larmes, 6+6 b
Vieux arbres, n'est-ce pas ? et vous n'avez pas cru 6+6 a
Que j'oublierai jamais le petit disparu. 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
forme globale type : suite de distiques
schéma : 29((aa))
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