Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_11/HUG299
Victor HUGO
Les Rayons et les Ombres
1840
XLIV
SAGESSE
À MADEMOISELLE LOUISE B.
I
— Ainsi donc rien de grand, | rien de saint, rien de pur, 6+6 a
Rien qui soit digne, ô ciel ! | de ton regret d'azur ! 6+6 a
Rien qui puisse anoblir | le vil siècle où nous sommes, 6+6 b
Ne sortira du cœur | de l'homme enfant des hommes ! 6+6 b
5 Homme ! esprit enfoui | sous les besoins du corps ! 6+6 a
Ainsi, jouir ; descendre | à tâtons chez les morts ; 6+6 a
Être à tout ce qui rampe, | à tout ce qui s'envole, 6+6 b
À l'intérêt sordide, | à la vanité folle ; 6+6 b
Ne rien savoir — qu'emplir, | sans souci du devoir, 6+6 a
10 Une charte de mots | ou d'écus un comptoir ; 6+6 a
Ne jamais regarder | les voûtes étoilées ; 6+6 b
Rire du dévouement | et des vertus voilées ; 6+6 b
Voilà ta vie, hélas ! | et tu n'as, nuit et jour, 6+6 a
Pour espoir et pour but, | pour culte et pour amour, 6+6 a
15 Qu'une immonde monnaie | aux carrefours traînée 6+6 b
Et qui te laisse aux mains | sa rouille empoissonnée ! 6+6 b
Et tu ne comprends pas | que ton destin, à toi, 6+6 a
C'est de penser ! c'est d'être | un mage et d'être un roi ; 6+6 a
C'est d'être un alchimiste | alimentant la flamme 6+6 b
20 Sous ce sombre alambic | que tu nommes ton âme, 6+6 b
Et de faire passer | par ce creuset de feu 6+6 a
La nature et le monde, | et d'en extraire Dieu ! 6+6 a
Quoi ! la brute a sa sphère | et l'éléments sa règle ! 6+6 b
L'onde est au cormoran | et la neige est à l'aigle. 6+6 b
25 Tout a sa région, | sa fonction, son but. 6+6 a
L'écume de la mer | n'est pas un vain rebut ; 6+6 a
Le flot sait ce qu'il fait ; | le vent sait qui le pousse ; 6+6 b
Comme un temple où toujours | veille une clarté douce, 6+6 b
L'étoile obéissante | éclaire le ciel bleu ; 6+6 a
30 Le lys s'épanouit | pour la gloire de Dieu ; 6+6 a
Chaque matin, vibrant | comme une sainte lyre, 6+6 b
L'oiseau chante ce nom | que l'aube nous fait lire. 6+6 b
Quoi ! l'être est plein d'amour, | le monde est plein de foi 6+6 a
Toute chose ici-bas | suit gravement sa loi, 6+6 a
35 Et ne sait obéir, | dans sa fierté divine, 6+6 b
L'oiseau qu'à son instinct, | l'arbre qu'à sa racine ! 6+6 b
Quoi ! l'énorme océan | qui monte vers son bord, 6+6 a
Quoi ! l'hirondelle au sud | et l'aimant vers le nord 6+6 a
La graine ailée allant | au loin choisir sa place, 6+6 b
40 Le nuage entassé | sur les îles de glace, 6+6 b
Qui, des cieux tout à coup | traversant la hauteur, 6+6 a
Croule au souffle d'avril | du pôle à l'équateur, 6+6 a
Le glacier qui descend | du haut des cimes blanches, 6+6 b
La sève qui s'épand | dans les fibres des branches, 6+6 b
45 Tous les objets créés, | vers un but sérieux, 6+6 a
Les rayons dans les airs, | les globes dans les cieux, 6+6 a
Les fleuves à travers | les rochers et les herbes, 6+6 b
Vont sans se détourner | de leurs chemins superbes ! 6+6 b
L'homme a seul dévié ! | – Quoi ! tout dans l'univers, 6+6 a
50 Tous les êtres, les monts, | les forêts, les prés verts, 6+6 a
Le jour dorant le ciel, | l'eau lavant les ravines, 6+6 b
Ont encor, comme au jour | où de ses mains divines 6+6 b
Jéhova sur Adam | imprima sa grandeur, 6+6 a
Toute leur innocence | et toute leur candeur ! 6+6 a
55 L'homme seul est tombé ! |– Fait dans l'auguste empire 6+6 b
Pour être le meilleur, | il en devient le pire, 6+6 b
Lui qui devait fleurir | comme l'arbre choisi, 6+6 a
Il n'est plus qu'un tronc vil | au branchage noirci, 6+6 a
Que l'âge déracine | et que le vice effeuille, 6+6 b
60 Dont les rameaux n'ont pas | de fruit que Dieu recueille, 6+6 b
Où jamais sans péril | nous ne nous appuyons, 6+6 a
Où la société | greffe les passions ! 6+6 a
Chute immense ! il ignore | et nie, ô providence ! 6+6 b
Tandis qu'autour de lui | la création pense ! 6+6 b
65 Ô honte ! en proie aux sens | dont le joug l'asservit, 6+6 a
L'homme végète auprès | de la chose qui vit ! 6+6 a
II
Comme je m'écriais | ainsi, vous m'entendîtes ; 6+6 b
Et vous, dont l'âme brille | en tout ce que vous dites, 6+6 b
Vous tournâtes alors | vers moi paisiblement 6+6 a
70 Votre sourire triste, | ineffable et calmant : 6+6 a
— L'humanité se lève, | elle chancelle encore, 6+6 b
Et, le front baigné d'ombre, | elle va vers l'aurore. 6+6 b
Tout l'homme sur la terre | a deux faces, le bien 6+6 a
Et le mal. Blâmer tout, | c'est ne comprendre rien. 6+6 a
75 Les âmes des humains | d'or et de plomb sont faites. 6+6 b
L'esprit du sage est grave, | et sur toutes les têtes 6+6 b
Ne jette pas sa foudre | au hasard en éclats. 6+6 a
Pour le siècle où l'on vit — | comme on y souffre, hélas ! — 6+6 a
On est toujours injuste, | et tout y paraît crime. 6+6 b
80 Notre époque insultée | a son côté sublime. 6+6 b
Vous l'avez dit vous-même, | ô poète irrité ! — 6+6 a
Dans votre chambre, asile | illustre et respecté, 6+6 a
C'est ainsi que, sereine | et simple, vous parlâtes. 6+6 b
Votre front, au reflet | des damas écarlates, 6+6 b
85 Rayonnait, et pour moi, | dans cet instant profond, 6+6 a
Votre regard levé | fit un ciel du plafond. 6+6 a
L'accent de la raison, | auguste et pacifique, 6+6 b
L'équité, la pitié, | la bonté séraphique, 6+6 b
L'oubli des torts d'autrui, | cet oubli vertueux 6+6 a
90 Qui rend à leur insu | les fronts majestueux, 6+6 a
Donnaient à vos discours, | pleins de clartés si belles, 6+6 b
La tranquille grandeur | des choses naturelles, 6+6 b
Et par moments semblaient | mêler à votre voix 6+6 a
Ce chant doux et voilé | qu'on entend dans les bois. 6+6 a
III
95 Pourquoi devant mes yeux | revenez-vous sans cesse, 6+6 b
Ô jours de mon enfance | et de mon allégresse ? 6+6 b
Qui donc toujours vous rouvre | en nos cœurs presque éteints 6+6 a
Ô lumineuse fleur | des souvenirs lointains ? 6+6 a
Oh ! que j'étais heureux ! | oh ! que j'étais candide ! 6+6 b
100 En classe, un banc de chêne, | usé, lustré, splendide, 6+6 b
Une table, un pupitre, | un lourd encrier noir, 6+6 a
Une lampe, humble sœur | de l'étoile du soir, 6+6 a
M'accueillaient gravement | et doucement. Mon maître, 6+6 b
Comme je vous l'ai dit | souvent, était un prêtre 6+6 b
105 À l'accent calme et bon, | au regard réchauffant, 6+6 a
Naïf comme un savant, | malin comme un enfant, 6+6 a
Qui m'embrassait, disant, | car un éloge excite : 6+6 b
— Quoiqu'il n'ait que neuf ans, | il explique Tacite. — 6+6 b
Puis près d'Eugène, esprit | qu'hélas ! Dieu submergea, 6+6 a
110 Je travaillais dans l'ombre, | — et je songeais déjà. 6+6 a
Tandis que j'écrivais, | — sans peur, mais sans système, 6+6 b
Versant le barbarisme | à grands flots sur le thème, 6+6 b
Inventant les auteurs | de sens inattendus, 6+6 a
Le dos courbé, le front | touchant presque au Gradus, — 6+6 a
115 Je croyais, car toujours | l'esprit de l'enfant veille, 6+6 b
Ouïr confusément, | tout près de mon oreille, 6+6 b
Les mots grecs et latins, | bavards et familiers, 6+6 a
Barbouillés d'encre, et gais | comme des écoliers, 6+6 a
Chuchoter, comme font | les oiseaux dans une aire, 6+6 b
120 Entre les noirs feuillets | du lourd dictionnaire. 6+6 b
Bruits plus doux que le bruit | d'un essaim qui s'enfuit, 6+6 a
Souffles plus étouffés | qu'un soupir de la nuit, 6+6 a
Qui faisaient par instants, | sous les fermoirs de cuivre, 6+6 b
Frissonner vaguement | les pages du vieux livre ! 6+6 b
125 Le devoir fait, légers | comme de jeunes daims, 6+6 a
Nous fuyions à travers | les immenses jardins, 6+6 a
Éclatant à la fois | en cent propos contraires. 6+6 b
Moi, d'un pas inégal | je suivais mes grands frères ; 6+6 b
Et les astres sereins | s'allumaient dans les cieux, 6+6 a
130 Et les mouches volaient | dans l'air silencieux, 6+6 a
Et le doux rossignol, | chantant dans l'ombre obscure, 6+6 b
Enseignait la musique | à toute la nature, 6+6 b
Tandis qu'enfant jaseur | aux gestes étourdis, 6+6 a
Jetant partout mes yeux | ingénus et hardis 6+6 a
135 D'où jaillissait la joie | en vives étincelles, 6+6 b
Je portais sous mon bras, | noués par trois ficelles, 6+6 b
Horace et les festins, | Virgile et les forêts, 6+6 a
Tout l'Olympe, Thésée, | Hercule, et toi Cérès, 6+6 a
La cruelle Junon, | Lerne et l'hydre enflammée, 6+6 b
140 Et le vaste lion | de la roche Némée. 6+6 b
Mais, lorsque j'arrivais | chez ma mère, souvent, 6+6 a
Grâce au hasard taquin | qui joue avec l'enfant, 6+6 a
J'avais de grands chagrins | et de grandes colères. 6+6 b
Je ne retrouvais plus, | près des ifs séculaires, 6+6 b
145 Le beau petit jardin | par moi-même arrangé. 6+6 a
Un gros chien en passant | avait tout ravagé. 6+6 a
Ou quelqu'un dans ma chambre | avait ouvert mes cages, 6+6 b
Et mes oiseaux étaient | partis pour les bocages, 6+6 b
Et, joyeux, s'en étaient | allés de fleur en fleur 6+6 a
150 Chercher la liberté | bien loin, — ou l'oiseleur. 6+6 a
Ciel ! alors j'accourais, | rouge, éperdu, rapide, 6+6 b
Maudissant le grand chien, | le jardinier stupide, 6+6 b
Et l'infâme oiseleur | et son hideux lacet, 6+6 a
Furieux ! — D'un regard | ma mère m'apaisait. 6+6 a
IV
155 Aujourd'hui, ce n'est pas | pour une cage vide, 6+6 b
Pour des oiseaux jetés | à l'oiseleur avide, 6+6 b
Pour un dogue aboyant | lâché parmi les fleurs, 6+6 a
Que mon courroux s'émeut. | Non, les petits malheurs 6+6 a
Exaspèrent l'enfant ; | mais, comme en une église, 6+6 b
160 Dans les grandes douleurs | l'homme se tranquillise. 6+6 b
Après l'ardent chagrin, | au jour brûlant pareil, 6+6 a
Le repos vient au cœur | comme aux yeux le sommeil. 6+6 a
De nos maux, chiffres noirs, | la sagesse est la somme. 6+6 b
En l'éprouvant toujours, | Dieu semble dire à l'homme : 6+6 b
165 — Fais passer ton esprit | à travers le malheur ; 6+6 a
Comme le grain du crible, | il sortira meilleur. — 6+6 a
J'ai vécu, j'ai souffert, | je juge et je m'apaise. 6+6 b
Ou si parfois encor | la colère mauvaise 6+6 b
Fait pencher dans mon âme | avec son doigt vainqueur 6+6 a
170 La balance où je pèse | et le monde et mon cœur ; 6+6 a
Si, n'ouvrant qu'un seul œil, | je condamne et je blâme, 6+6 b
Avec quelques mots purs, | vous, sainte et noble femme, 6+6 b
Vous ramenez ma voix | qui s'irrite et s'aigrit 6+6 a
Au calme sur lequel | j'ai posé mon esprit ; 6+6 a
175 Je sens sous vos rayons | mes tempêtes se taire ; 6+6 b
Et vous faites pour l'homme | incliné, triste, austère, 6+6 b
Ce que faisait jadis | pour l'enfant doux et beau 6+6 a
Ma mère, ce grand cœur | qui dort dans le tombeau ! 6+6 a
V
Écoutez à présent. | — Dans ma raison qui tremble, 6+6 b
180 Parfois l'une après l'autre | et quelquefois ensemble, 6+6 b
Trois voix, trois grandes voix | murmurent.
L'une dit : 6+6 a
— « Courrouce-toi, poète. | Oui, l'enfer applaudit 6+6 a
Tout ce que cette époque | ébauche, crée ou tente. 6+6 b
Reste indigné. Ce siècle | est une impure tente 6+6 b
185 Où l'homme appelle à lui, | voyant le soir venu, 6+6 a
La volupté, la chair, | le vice infâme et nu. 6+6 a
La vérité, qui fit | jadis resplendir Rome, 6+6 b
Est toujours dans le ciel ; | l'amour n'est plus dans l'homme. 6+6 b
Tout rayon jaillissant | trouve tout œil fermé. 6+6 a
190 Oh ! ne repousse pas | la muse au bras armé 6+6 a
Qui visitait jadis | comme une austère amie, 6+6 b
Ces deux sombres géants, | Amos et Jérémie ! 6+6 b
Les hommes sont ingrats, | méchants, menteurs, jaloux. 6+6 a
Le crime est dans plusieurs, | la vanité dans tous ; 6+6 a
195 Car, selon le rameau | dont ils ont bu la sève, 6+6 b
Ils tiennent, quelques-uns | de Caïn, et tous d'Ève. 6+6 b
« Seigneur ! ta croix chancelle | et le respect s'en va. 6+6 a
La prière décroît. | Jéhova ! Jéhova ! 6+6 a
On va parlant tout haut | de toi-même en ton temple. 6+6 b
200 Le livre était la loi, | le prêtre était l'exemple ; 6+6 b
Livre et prêtre sont morts. | Et la foi maintenant, 6+6 a
Cette braise allumée | à ton foyer tonnant, 6+6 a
Qui, marquant pour ton Christ | ceux qu'il préfère aux autres, 6+6 b
Jadis purifiait | la lèvre des apôtres, 6+6 b
205 N'est qu'un charbon éteint | dont les petits enfants 6+6 a
Souillent ton mur avec | des rires triomphants ! » — 6+6 a
L'autre voix dit : — « Pardonne ! | aime ! Dieu qu'on révère, 6+6 b
Dieu pour l'homme indulgent | ne sera point sévère. 6+6 b
Respecte la fourmi | non moins que le lion. 6+6 a
210 Rêveur ! rien n'est petit | dans la création. 6+6 a
De l'être universel | l'atome se compose ; 6+6 b
Dieu vit un peu dans tout, | et rien n'est peu de chose. 6+6 b
Cultive en toi l'amour, | la pitié, les regrets. 6+6 a
Si le sort te contraint | d'examiner de près 6+6 a
215 L'homme souvent frivole, | aveugle et téméraire, 6+6 b
Tempère l'œil du juge | avec les pleurs du frère. 6+6 b
Et que tout ici-bas, | l'air, la fleur, le gazon ; 6+6 a
Le groupe heureux qui joue | au seuil de ta maison ; 6+6 a
Un mendiant assis | à côté d'une gerbe ; 6+6 b
220 Un oiseau qui regarde | une mouche dans l'herbe ; 6+6 b
Les vieux livres du quai, | feuilletés par le vent, 6+6 a
D'où l'esprit des anciens, | subtil, libre et vivant, 6+6 a
S'envole, et, souffle errant, | se mêle à tes pensées ; 6+6 b
La contemplation | de ces femmes froissées 6+6 b
225 Qui vivent dans les pleurs | comme l'algue dans l'eau ; 6+6 a
L'homme, ce spectateur ; | le monde, ce tableau ; 6+6 a
Que cet ensemble auguste | où l'insensé se blase 6+6 b
Tourne de plus en plus | ta vie et ton extase 6+6 b
Vers l'œil mystérieux | qui nous regarde tous, 6+6 a
230 Invisible veilleur ! | témoin intime et doux ! 6+6 a
Principe ! but ! milieu ! | clarté ! chaleur ! dictame ! 6+6 b
Secret de toute chose | entrevu par toute âme ! 6+6 b
« N'allume aucun enfer | au tison d'aucun feu. 6+6 a
N'aggrave aucun fardeau. | Démontre l'âme et Dieu, 6+6 a
235 L'impérissable esprit, | la tombe irrévocable ; 6+6 b
Et rends douce à nos fronts, | que souvent elle accable, 6+6 b
La grande main qui grave | en signes immortels 6+6 a
JAMAIS ! sur les tombeaux ; | TOUJOURS ! sur les autels. » 6+6 a
La troisième voix dit : | — « Aimer ? haïr ? qu'importe ! 6+6 b
240 Qu'on chante ou qu'on maudisse, | et qu'on entre ou qu'on sorte, 6+6 b
Le mal, le bien, la mort, | les vices, les faux dieux, 6+6 a
Qu'est-ce que tout cela | fait au ciel radieux ? 6+6 a
La végétation, | vivante, aveugle et sombre, 6+6 b
En couvre-t-elle moins | de feuillages sans nombre, 6+6 b
245 D'arbres et de lichens, | d'herbe et de goëmons, 6+6 a
Les prés, les champs, les eaux, | les rochers et les monts ? 6+6 a
L'onde est-elle moins bleue | et le bois moins sonore ? 6+6 b
L'air promène-t-il moins, | dans l'ombre et dans l'aurore, 6+6 b
Sur les clairs horizons, | sur les flots décevants, 6+6 a
250 Ces nuages heureux | qui vont aux quatre vents ? 6+6 a
Le soleil qui sourit | aux fleurs dans les campagnes, 6+6 b
Aux rois dans les palais, | aux forçats dans les bagnes, 6+6 b
Perd-il, dans la splendeur | dont il est revêtu, 6+6 a
Un rayon quand la terre | oublie une vertu ? 6+6 a
255 Non, Pan n'a pas besoin | qu'on le prie et qu'on l'aime. 6+6 b
Ô sagesse ! esprit pur ! | sérénité suprême ! 6+6 b
Zeus ! Irmensul ! Wishnou ! | Jupiter ! Jéhova ! 6+6 a
Dieu que cherchait Socrate | et que Jésus trouva ! 6+6 a
Unique Dieu ! vrai Dieu ! | seul mystère ! seule âme ! 6+6 b
260 Toi qui, laissant tomber | ce que la mort réclame, 6+6 b
Fis les cieux infinis | pour les temps éternels ! 6+6 a
Toi qui mis dans l'éther | plein de bruits solennels, 6+6 a
Tente dont ton haleine | émeut les sombres toiles, 6+6 b
Des millions d'oiseaux, | des millions d'étoiles ! 6+6 b
265 Que te font, ô Très-Haut ! | les hommes insensés, 6+6 a
Vers la nuit au hasard | l'un par l'autre poussés, 6+6 a
Fantômes dont jamais | tes yeux ne se souviennent, 6+6 b
Devant ta face immense | ombres qui vont et viennent ! » 6+6 b
VI
Dans ma retraite obscure | où, sous mon rideau vert, 6+6 a
270 Luit comme un œil ami | maint vieux livre entrouvert, 6+6 a
Où ma bible sourit | dans l'ombre à mon Virgile, 6+6 b
J'écoute ces trois voix. | Si mon cerveau fragile 6+6 b
S'étonne, je persiste ; | et, sans peur, sans effroi, 6+6 a
Je les laisse accomplir | ce qu'elles font en moi. 6+6 a
275 Car les hommes, troublés | de ces métamorphoses, 6+6 b
Composent leur sagesse | avec trop peu de choses. 6+6 b
Tous ont la déraison | de voir la Vérité 6+6 a
Chacun de sa fenêtre | et rien que d'un côté, 6+6 a
Sans qu'aucun d'eux, tenté | par ce rocher sublime, 6+6 b
280 Aille en faire le tour | et monte sur sa cime. 6+6 b
Et de ce triple aspect | des choses d'ici-bas, 6+6 a
De ce triple conseil | que l'homme n'entend pas, 6+6 a
Pour mon cœur où Dieu vit, | où la haine s'émousse, 6+6 b
Sort une bienveillance | universelle et douce 6+6 b
285 Qui dore comme une aube | et d'avance attendrit 6+6 a
Le vers qu'à moitié fait | j'emporte en mon esprit 6+6 a
Pour l'achever aux champs | avec l'odeur des plaines 6+6 b
Et l'ombre du nuage | et le bruit des fontaines ! 6+6 b
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