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HUG_11/HUG297
Victor HUGO
Les Rayons et les Ombres
1840
XLII
OCEANO NOX
Saint-Valery-Sur-Somme.
Oh ! combien de marins, combien de capitaines 6+6 a
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines, 6+6 a
Dans ce morne horizon se sont évanouis ! 6+6 b
Combien ont disparu, dure et triste fortune ! 6+6 c
5 Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune, 6+6 c
Sous l'aveugle océan à jamais enfouis ! 6+6 b
Combien de patrons morts avec leurs équipages ! 6+6 a
L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages 6+6 a
Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots ! 6+6 b
10 Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée. 6+6 c
Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée ; 6+6 c
L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots ! 6+6 b
Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues ! 6+6 a
Vous roulez à travers les sombres étendues, 6+6 a
15 Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus. 6+6 b
Oh ! que de vieux parents, qui n'avaient plus qu'un rêve, 6+6 c
Sont morts en attendant tous les jours sur la grève 6+6 c
Ceux qui ne sont pas revenus ! 8 b
On s'entretient de vous parfois dans les veillées. 6+6 a
20 Maint joyeux cercle, assis sur des ancres rouillées, 6+6 a
Mêle encor quelque temps vos noms d'ombre couverts 6+6 b
Aux rires, aux refrains, aux récits d'aventures, 6+6 c
Aux baisers qu'on dérobe à vos belles futures, 6+6 c
Tandis que vous dormez dans les goémons verts ! 6+6 b
25 On demande : — Où sont-ils ? sont-ils rois dans quelque île ? 6+6 a
Nous ont-ils délaissés pour un bord plus fertile ? — 6+6 a
Puis votre souvenir même est enseveli. 6+6 b
Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire. 6+6 c
Le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire, 6+6 c
30 Sur le sombre océan jette le sombre oubli. 6+6 b
Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue. 6+6 a
L'un n'a-t-il pas sa barque et l'autre sa charrue ? 6+6 a
Seules, durant ces nuits où l'orage est vainqueur, 6+6 b
Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre, 6+6 c
35 Parlent encor de vous en remuant la cendre 6+6 c
De leur foyer et de leur cœur ! 8 b
Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière, 6+6 a
Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre 6+6 a
Dans l'étroit cimetière où l'écho nous répond, 6+6 b
40 Pas même un saule vert qui s'effeuille à l'automne, 6+6 c
Pas même la chanson naïve et monotone 6+6 c
Que chante un mendiant à l'angle d'un vieux pont ! 6+6 b
Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ? 6+6 a
Ô flots, que vous savez de lugubres histoires ! 6+6 a
45 Flots profonds redoutés des mères à genoux ! 6+6 b
Vous vous les racontez en montant les marées, 6+6 c
Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées 6+6 c
Que vous avez le soir quand vous venez vers nous ! 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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