Métrique en Ligne
HUG_11/HUG286
Victor HUGO
Les Rayons et les Ombres
1840
XXXI
RENCONTRE
Après avoir donné son aumône au plus jeune, 6+6 a
Pensif, il s'arrêta pour les voir. — Un long jeûne 6+6 a
Avait maigri leur joue, avait flétri leur front. 6+6 b
Ils s'étaient tous les quatre à terre assis en rond, 6+6 b
5 Puis, s'étant partagé, comme feraient des anges, 6+6 a
Un morceau de pain noir ramassé dans nos fanges, 6+6 a
Ils mangeaient ; mais d'un air si morne et si navré 6+6 b
Qu'en les voyant ainsi toute femme eût pleuré. 6+6 b
C'est qu'ils étaient perdus sur la terre où nous sommes, 6+6 a
10 Et tout seuls, quatre enfants, dans la foule des hommes ! 6+6 a
— Oui, sans père ni mère ! Et pas même un grenier. 6+6 b
Pas d'abri. Tous pieds nus ; excepté le dernier 6+6 b
Qui traînait, pauvre amour, sous son pied qui chancelle, 6+6 a
De vieux souliers trop grands noués d'une ficelle. 6+6 a
15 Dans des fossés, la nuit, ils dorment bien souvent. 6+6 b
Aussi, comme ils ont froid, le matin, en plein vent, 6+6 b
Quand l'arbre, frissonnant au cri de l'alouette, 6+6 a
Dresse sur un ciel clair sa noire silhouette ! 6+6 a
Leurs mains rouges étaient roses quand Dieu les fit. 6+6 b
20 Le dimanche, au hameau, cherchant un vil profit, 6+6 b
Ils errent. Le petit, sous sa pâleur malsaine, 6+6 a
Chante, sans la comprendre, une chanson obscène, 6+6 a
Pour faire rire — hélas ! lui qui pleure en secret ! — 6+6 b
Quelque immonde vieillard au seuil d'un cabaret ; 6+6 b
25 Si bien que, quelquefois, du bouge qui s'égaie 6+6 a
Il tombe à leur faim sombre une abjecte monnaie, 6+6 a
Aumône de l'enfer que jette le péché, 6+6 b
Sou hideux sur lequel le démon a craché ! 6+6 b
Pour l'instant, ils mangeaient derrière une broussaille, 6+6 a
30 Cachés, et plus tremblants que le faon qui tressaille, 6+6 a
Car souvent on les bat, on les chasse toujours ! 6+6 b
C'est ainsi qu'innocents condamnés, tous les jours 6+6 b
Ils passent affamés, sous mes murs, sous les vôtres, 6+6 a
Et qu'ils vont au hasard, l'aîné menant les autres. 6+6 a
35 Alors, lui qui rêvait, il regarda là-haut. 6+6 b
Et son œil ne vit rien que l'éther calme et chaud, 6+6 b
Le soleil bienveillant, l'air plein d'ailes dorées, 6+6 a
Et la sérénité des voûtes azurées, 6+6 a
Et le bonheur, les cris, les rires triomphants 6+6 b
40 Qui des oiseaux du ciel tombaient sur ces enfants. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
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