Métrique en Ligne
HUG_11/HUG280
Victor HUGO
Les Rayons et les Ombres
1840
XXV
EN PASSANT DANS LA PLACE LOUIS XV
UN JOUR DE FÊTE PUBLIQUE
— Allons, dit-elle, encor ! pourquoi ce front courbé ? 6+6 a
Songeur, dans votre puits vous voilà retombé ! 6+6 a
À quoi bon pour rêver venir dans une fête ? 6+6 b
Moi, je lui dis, tandis qu'elle inclinait la tête, 6+6 b
5 Et que son bras charmant à mon bras s'appuyait : 6+6 a
— Oui, c'est dans cette place où notre âge inquiet 6+6 a
Mit une pierre afin de cacher une idée, 6+6 b
C'est bien ici qu'un jour de soleil inondée, 6+6 b
La grande nation dans la grande cité 6+6 a
10 Vint voir passer en pompe une douce beauté ! 6+6 a
Ange à qui l'on rêvait des ailes repliées ! 6+6 b
Vierge la veille encor, des jeunes mariées 6+6 b
Ayant l'étonnement et la fraîche pâleur, 6+6 a
Qui, reine et femme, étoile en même temps que fleur, 6+6 a
15 Unissait, pour charmer cette foule attendrie, 6+6 b
Le doux nom d'Antoinette au beau nom de Marie ! 6+6 b
Son prince la suivait, ils souriaient entre eux, 6+6 a
Et tous en la voyant disaient : Qu'il est heureux ! — 6+6 a
Et je me tus alors, car mon cœur était sombre ; 6+6 b
20 La laissant contempler la fête aux bruits sans nombre, 6+6 b
Le fleuve où se croisaient cent bateaux pavoisés, 6+6 a
Le peuple, les vieillards à l'ombre reposés, 6+6 a
Les écoliers jouant par bandes séparées, 6+6 b
Et le soleil tranquille, et, de joie enivrées, 6+6 b
25 Les bouches qui, couvrant l'orchestre aux vagues sons, 6+6 a
Jetaient une vapeur de confuses chansons. 6+6 a
Moi, vers ce qui se meut dans une ombre éternelle, 6+6 b
Je m'étais retourné. L'âme est une prunelle. 6+6 b
— Oh ! pensais-je, pouvoir étrange et surhumain 6+6 a
30 De celui qui nous tient palpitants dans sa main ! 6+6 a
Ô volonté du ciel ! abîme où l'œil se noie ! 6+6 b
Gouffre où depuis Adam le genre humain tournoie ! 6+6 b
Comme vous nous prenez et vous nous rejetez ! 6+6 a
Comme vous vous jouez de nos prospérités ! 6+6 a
35 Sur votre sable, ô Dieu, notre granit se fonde ! 6+6 b
Oh ! que l'homme est plongé dans une nuit profonde ! 6+6 b
Comme tout ce qu'il fait, hélas ! en s'achevant 6+6 a
Sur lui croule ! et combien il arrive souvent 6+6 a
Qu'à l'heure où nous rêvons un avenir suprême, 6+6 b
40 Le sort de nous se rit, et que, sous nos pas même, 6+6 b
Dans cette terre où rien ne nous semble creusé, 6+6 a
Quelque chose d'horrible est déjà déposé ! 6+6 a
Louis seize, le jour de sa noce royale, 6+6 b
Avait déjà le pied sur la place fatale 6+6 b
45 Où, formé lentement au souffle du Très-Haut, 6+6 a
Comme un grain dans le sol, germait son échafaud ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
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