Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_11/HUG263
Victor HUGO
Les Rayons et les Ombres
1840
VIII
À M. LE D. DE…
Jules, votre château, tour vieille et maison neuve, 6+6 a
Se mire dans la Loire, à l'endroit où le fleuve, 6+6 a
Sous Blois, élargissant son splendide bassin, 6+6 b
Comme une mère presse un enfant sur son sein 6+6 b
5 En lui parlant tout bas d'une voix recueillie, 6+6 a
Serre une île charmante en ses bras qu'il replie. 6+6 a
Vous avez tous les biens que l'homme peut tenir. 6+6 b
Déjà vous souriez, voyant l'été venir, 6+6 b
Et vous écouterez bientôt sous le feuillage 6+6 a
10 Les rires éclatants qui montent du village. 6+6 a
Vous vivez ! avril passe, et voici maintenant 6+6 b
Que mai, le mois d'amour, mai rose et rayonnant, 6+6 b
Mai dont la robe verte est chaque jour plus ample, 6+6 a
Comme un lévite enfant chargé d'orner le temple, 6+6 a
15 Suspend aux noirs rameaux, qu'il gonfle en les touchant, 6+6 b
Les fleurs d'où sort l'encens, les nids d'où sort le chant. 6+6 b
Et puis vous m'écrivez que votre cheminée 6+6 a
Surcharge en ce moment sa frise blasonnée 6+6 a
D'un tas d'anciens débris autrefois triomphants, 6+6 b
20 De glaives, de cimiers essayés des enfants, 6+6 b
Qui souillent les doigts blancs de vos belles duchesses ; 6+6 a
Et qu'enfin — et c'est là d'où viennent vos richesses, — 6+6 a
Vos paysans, piquant les bœufs de l'aiguillon, 6+6 b
Ont ouvert un sépulcre en creusant un sillon. 6+6 b
25 Votre camp de César a subi leur entaille. 6+6 a
Car vous avez à vous tout un champ de bataille, 6+6 a
Et vos durs bûcherons, tout hâlés par le vent, 6+6 b
Du bruit de leur cognée ont troublé bien souvent, 6+6 b
Avec les noirs corbeaux s'enfuyant par volées, 6+6 a
30 Les ombres des héros à vos chênes mêlées. 6+6 a
Ami, vous le savez, spectateur sérieux, 6+6 b
J'ai rêvé bien des fois dans ces champs glorieux, 6+6 b
Qui, forcés par le soc, eux, vieux témoins des guerres, 6+6 a
À donner des moissons comme des champs vulgaires, 6+6 a
35 Pareils au roi déchu qui, craignant le réveil, 6+6 b
Revoit sa gloire en songe aux heures du sommeil, 6+6 b
Le jour, laissent marcher le bouvier dans leurs seigles, 6+6 a
Et reçoivent, la nuit, la visite des aigles ! 6+6 a
Oh ! respectez, enfant d'un siècle où tout se vend, 6+6 b
40 Rome morte à côté d'un village vivant ! 6+6 b
Que votre piété, qui sur tout veut descendre, 6+6 a
Laisse en paix cette terre ou plutôt cette cendre ! 6+6 a
Vivez content ! dès l'aube, en vos secrets chemins, 6+6 b
Errez avec la main d'une femme en vos mains ; 6+6 b
45 Contemplez, du milieu de tant de douces choses, 6+6 a
Dieu qui se réjouit dans la saison des roses ; 6+6 a
Et puis, le soir, au fond d'un coffre vermoulu, 6+6 b
Prenez ce vieux Virgile où tant de fois j'ai lu ! 6+6 b
Cherchez l'ombre, et, tandis que dans la galerie 6+6 a
50 Jase et rit au hasard la folle causerie, 6+6 a
Vous, éclairant votre âme aux antiques clartés, 6+6 b
Lisez mon doux Virgile, ô Jule, et méditez ! 6+6 b
Car les temps sont venus qu'a prédits le poète. 6+6 a
Aujourd'hui, dans ces champs, vaste plaine muette, 6+6 a
55 Parfois le laboureur, sur le sillon courbé, 6+6 b
Trouve un noir javelot qu'il croit des cieux tombé, 6+6 b
Puis heurte pêle-mêle, au fond du sol qu'il fouille, 6+6 a
Casques vides, vieux dards qu'amalgame la rouille, 6+6 a
Et, rouvrant des tombeaux pleins de débris humains, 6+6 b
60 Pâlit de la grandeur des ossements romains ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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