Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_10/HUG178
Victor HUGO
Les feuilles d'automne
1831
XXXV
SOLEILS COUCHANTS
Merveilleux tableaux que la vue découvre à la pensée.
CH. NODIER.
I
J'aime les soirs sereinset beaux, j'aime les soirs, 6+6 a
Soit qu'ils dorent le frontdes antiques manoirs 6+6 a
 Ensevelis dans les feuillages ; 8 b
Soit que la brume au loins'allonge en bancs de feu ; 6+6 c
5 Soit que mille rayonsbrisent dans un ciel bleu 6+6 c
 À des archipels de nuages. 8 b
Oh ! regardez le ciel !cent nuages mouvants, 6+6 a
Amoncelés là-hautsous le souffle des vents, 6+6 a
 Groupent leurs formes inconnues ; 8 b
10 Sous leurs flots par momentsflamboie un pâle éclair, 6+6 c
Comme si tout à coupquelque géant de l'air 6+6 c
 Tirait son glaive dans les nues. 8 b
Le soleil, à traversleurs ombres, brille encor ; 6+6 a
Tantôt fait, à l'égaldes larges dômes d'or, 6+6 a
15  Luire le toit d'une chaumière ; 8 b
Ou dispute aux brouillardsles vagues horizons ; 6+6 c
Ou découpe, en tombantsur les sombres gazons, 6+6 c
 Comme de grands lacs de lumière. 8 b
Puis voilà qu'on croit voir,dans le ciel balayé, 6+6 a
20 Pendre un grand crocodileau dos large et rayé, 6+6 a
 Aux trois rangs de dents acérées ; 8 b
Sous son ventre plombéglisse un rayon du soir ; 6+6 c
Cent nuages ardentsluisent sous son flanc noir 6+6 c
 Comme des écailles dorées. 8 b
25 Puis se dresse un palais ;puis l'air tremble, et tout fuit. 6+6 a
L'édifice effrayantdes nuages détruit 6+6 a
 S'écroule en ruines pressées ; 8 b
Il jonche au loin le ciel,et ses cônes vermeils 6+6 c
Pendent, la pointe en bas,sur nos têtes, pareils 6+6 c
30  À des montagnes renversées. 8 b
Ces nuages de plomb,d'or, de cuivre, de fer, 6+6 a
l'ouragan, la trombe,et la foudre, et l'enfer 6+6 a
 Dorment avec de sourds murmures, 8 b
C'est Dieu qui les suspenden foule aux cieux profonds, 6+6 c
35 Comme un guerrier qui pendaux poutres des plafonds 6+6 c
 Ses retentissantes armures. 8 b
Tout s'en va ! Le soleil,d'en haut précipité, 6+6 a
Comme un globe d'airainqui, rouge, est rejeté 6+6 a
 Dans les fournaises remuées, 8 b
40 En tombant sur leurs flotsque son choc désunit 6+6 c
Fait en flocons de feujaillir jusqu'au zénith 6+6 c
 L'ardente écume des nuées. 8 b
Oh ! contemplez le ciel !et dès qu'a fui le jour, 6+6 a
En tout temps, en tout lieu,d'un ineffable amour, 6+6 a
45  Regardez à travers ses voiles ; 8 b
Un mystère est au fondde leur grave beauté, 6+6 c
L'hiver, quand ils sont noirscomme un linceul, l'été, 6+6 c
 Quand la nuit les brode d'étoiles. 8 b
II
Le jour s'enfuit des cieux ;sous leur transparent voile 6+6 a
50 De moments en momentsse hasarde une étoile ; 6+6 a
La nuit, pas à pas, monteau trône obscur des soirs ; 6+6 b
Un coin du ciel est brun,l'autre lutte avec l'ombre, 6+6 c
Et déjà, succédantau couchant rouge et sombre, 6+6 c
Le crépuscule grismeurt sur les coteaux noirs. 6+6 b
55 Et là-bas, allumantses vitres étoilées, 6+6 a
Avec sa cathédraleaux flèches dentelées, 6+6 a
Les tours de son palais,les tours de sa prison, 6+6 b
Avec ses hauts clochers,sa bastille obscurcie, 6+6 c
Posée au bord du cielcomme une longue scie, 6+6 c
60 La ville aux mille toitsdécoupe l'horizon. 6+6 b
Oh ! qui m'emporterasur quelque tour sublime 6+6 a
D' la cité sous mois'ouvre comme un abîme ! 6+6 a
Que j'entende, écoutantla ville nous rampons, 6+6 b
Mourir sa vaste voix,qui semble un cri de veuve, 6+6 c
65 Et qui, le jour, gémitplus haut que le grand fleuve, 6+6 c
Le grand fleuve irrité,luttant contre les ponts ! 6+6 b
Que je voie, à mes yeuxen fuyant apparues, 6+6 a
Les étoiles des charsse croiser dans les rues, 6+6 a
Et serpenter le peupleen l'étroit carrefour, 6+6 b
70 Et tarir la fuméeau bout des cheminées, 6+6 c
Et, glissant sur le frontdes maisons blasonnées, 6+6 c
Cent clartés ntre, luireet passer tour à tour ! 6+6 b
Que la vieille cité,devant moi, sur sa couche 6+6 a
S'étende, qu'un soupirs'échappe de sa bouche, 6+6 a
75 Comme si de fatigueon l'entendait gémir ! 6+6 b
Que, veillant seul, deboutsur son front que je foule, 6+6 c
Avec mille bruits sourdsd'océan et de foule, 6+6 c
Je regarde à mes piedsla géante dormir ! 6+6 b
III
Plus loin ! allons plus loin !Aux feux du couchant sombre, 6+6 a
80 J'aime à voir dans les champscrtre et marcher mon ombre. 6+6 a
Et puis, la ville est là !je l'entends, je la voi. 6+6 b
Pour que j'écoute en paixce que dit ma pensée, 6+6 c
 Ce Paris, à la voix cassée, 8 c
 Bourdonne encor trop près de moi. 8 b
85 Je veux fuir assez loinpour qu'un buisson me cache 6+6 a
Ce brouillard, que son frontporte comme un panache, 6+6 a
Ce nuage éternelsur ses tours arrêté ; 6+6 b
Pour que du moucheron,qui bruit et qui passe, 6+6 c
 L'humble et grêle murmure efface 8 c
90  La grande voix de la cité ! 8 b
IV
 Oh ! sur des ailes dans les nues 8 a
 Laissez-moi fuir ! laissez-moi fuir ! 8 b
 Loin des régions inconnues 8 a
 C'est assez rêver et languir ! 8 b
95  Laissez-moi fuir vers d'autres mondes. 8 c
 C'est assez, dans les nuits profondes, 8 c
 Suivre un phare, chercher un mot. 8 d
 C'est assez de songe et de doute. 8 e
 Cette voix que d'en bas j'écoute, 8 e
100  Peut-être on l'entend mieux là-haut. 8 d
 Allons ! des ailes ou des voiles ! 8 a
 Allons ! un vaisseau tout armé ! 8 b
 Je veux voir les autres étoiles 8 a
 Et la croix du sud enflammé. 8 b
105  Peut-être dans cette autre terre 8 c
 Trouve-t-on la clef du mystère 8 c
 Caché sous l'ordre universel ; 8 d
 Et peut-être aux fils de la lyre 8 e
 Est-il plus facile de lire 8 e
110  Dans cette autre page du ciel ! 8 d
V
Quelquefois, sous les plisdes nuages trompeurs, 6+6 a
Loin dans l'air, à traversles brèches des vapeurs 6+6 a
 Par le vent du soir remuées, 8 b
Derrière les derniersbrouillards, plus loin encor, 6+6 c
115 Apparaissent soudainles mille étages d'or 6+6 c
 D'un édifice de nuées ! 8 b
Et l'œil épouvanté,par delà tous nos cieux, 6+6 a
Sur une île de l'airau vol audacieux, 6+6 a
 Dans l'éther libre aventurée, 8 b
120 L'œil croit voir jusqu'au cielmonter, monter toujours, 6+6 c
Avec ses escaliers,ses ponts, ses grandes tours, 6+6 c
 Quelque Babel démesurée ! 8 b
VI
Le soleil s'est couchéce soir dans les nuées ; 6+6 a
Demain viendra l'orage,et le soir, et la nuit ; 6+6 b
125 Puis l'aube, et ses clartésde vapeurs obstruées ; 6+6 a
Puis les nuits, puis les jours,pas du temps qui s'enfuit ! 6+6 b
Tous ces jours passeront ;ils passeront en foule 6+6 a
Sur la face des mers,sur la face des monts, 6+6 b
Sur les fleuves d'argent,sur les forêts roule 6+6 a
130 Comme un hymne confusdes morts que nous aimons. 6+6 b
Et la face des eaux,et le front des montagnes, 6+6 a
Ridés et non vieillis,et les bois toujours verts 6+6 b
S'iront rajeunissant ;le fleuve des campagnes 6+6 a
Prendra sans cesse aux montsle flot qu'il donne aux mers. 6+6 b
135 Mais moi, sous chaque jourcourbant plus bas ma tête, 6+6 a
Je passe, et, refroidisous ce soleil joyeux, 6+6 b
Je m'en irai bientôt,au milieu de la fête, 6+6 a
Sans que rien manque au monde,immense et radieux ! 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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