Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_1/HUG482
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome I
AUTREFOIS
1830-1843
LIVRE TROISIÈME
LES LUTTES ET LES RÊVES
XXIII
Le Revenant
Mères en deuil, vos crislà-haut sont entendus. 6+6 a
Dieu, qui tient dans sa maintous les oiseaux perdus, 6+6 a
Parfois au même nidrend la même colombe. 6+6 b
O mères, le berceaucommunique à la tombe. 6+6 b
5 L'éternité contientplus d'un divin secret. 6+6 a
La mère dont je vaisvous parler demeurait 6+6 a
À Blois ; je l'ai connueen un temps plus prospère ; 6+6 b
Et sa maison touchaità celle de mon père. 6+6 b
Elle avait tous les biensque Dieu donne ou permet. 6+6 a
10 On l'avait mariéeà l'homme qu'elle aimait. 6+6 a
Elle eut un fils ; ce futune ineffable joie. 6+6 b
Ce premier-né couchaitdans un berceau de soie ; 6+6 b
Sa mère l'allaitait ;il faisait un doux bruit 6+6 a
À côté du chevetnuptial ; et, la nuit, 6+6 a
15 La mère ouvrait son âmeaux chimères sans nombre, 6+6 b
Pauvre mère, et ses yeuxresplendissaient dans l'ombre, 6+6 b
Quand, sans souffle ; sans voix,renonçant au sommeil, 6+6 a
Penchée, elle écoutaitdormir l'enfant vermeil. 6+6 a
Dès l'aube, elle chantait,ravie et toute fière. 6+6 b
20 Elle se renversaitsur sa chaise en arrière, 6+6 b
Son fichu laissant voirson sein gonflé de lait, 6+6 a
Et souriait au faibleenfant, et l'appelait 6+6 a
Ange, trésor, amour ;et mille folles choses. 6+6 b
Oh ! comme elle baisaitces beaux petits pieds roses ! 6+6 b
25 Comme elle leur parlait !l'enfant, charmant et nu, 6+6 a
Riait, et, par ses mainssous les bras soutenu, 6+6 a
Joyeux, de ses genouxmontait jusqu'à sa bouche. 6+6 b
Tremblant comme le daimqu'une feuille effarouche, 6+6 b
Il grandit. Pour l'enfant,grandir, c'est chanceler. 6+6 a
30 Il se mit à marcher,il se mit à parler, 6+6 a
Il eut trois ans ; doux âge, déjà la parole, 6+6 b
Comme le jeune oiseau,bat de l'aile et s'envole. 6+6 b
Et la mère disait :« Mon fils ! » et reprenait : 6+6 a
« Voyez comme il est grand !il apprend ; il connt 6+6 a
35 Ses lettres. C'est un diable !Il veut que je l'habille 6+6 b
En homme ; il ne veut plusde ses robes de fille ; 6+6 b
C'est déjà très méchant,ces petits hommes-là ! 6+6 a
C'est égal, il lit bien ;il ira loin ; il a 6+6 a
De l'esprit ; je lui faisépeler l'Évangile. » — 6+6 b
40 Et ses yeux adoraientcette tête fragile, 6+6 b
Et, femme heureuse, et mèreau regard triomphant, 6+6 a
Elle sentait son cœurbattre dans son enfant. 6+6 a
Un jour, — nous avons tousde ces dates funèbres ! — 6+6 b
Le croup, monstre hideux,épervier des ténèbres, 6+6 b
45 Sur la blanche maisonbrusquement s'abattit, 6+6 a
Horrible, et, se ruantsur le pauvre petit, 6+6 a
Le saisit à la gorge ;ô noire maladie ! 6+6 b
De l'air par qui l'on vitsinistre perfidie ! 6+6 b
Qui n'a vu se débattre,hélas ! ces doux enfants 6+6 a
50 Qu'étreint le croup féroceen ses doigts étouffants ! 6+6 a
Ils luttent ; l'ombre emplitlentement leurs yeux d'ange, 6+6 b
Et de leur bouche froideil sort un râle étrange, 6+6 b
Et si mystérieux,qu'il semble qu'on entend, 6+6 a
Dans leur poitrine, meurtle souffle haletant, 6+6 a
55 L'affreux coq du tombeauchanter son aube obscure. 6+6 b
Tel qu'un fruit qui du givrea senti la piqûre, 6+6 b
L'enfant mourut. La mortentra comme un voleur 6+6 a
Et le prit. — Une mère ;un père, la douleur, 6+6 a
Le noir cercueil, le frontqui se heurte aux murailles, 6+6 b
60 Les lugubres sanglotsqui sortent des entrailles, 6+6 b
Oh ! la parole expire commence le cri ; 6+6 a
Silence aux mots humains !
La mère au cœur meurtri, 6+6 a
Pendant qu'à ses côtéspleurait le père sombre, 6+6 b
Resta trois mois sinistre,immobile dans l'ombre, 6+6 b
65 L'œil fixe, murmuranton ne sait quoi d'obscur, 6+6 a
Et regardant toujoursle même angle du mur. 6+6 a
Elle ne mangeait pas ;sa vie était sa fièvre ; 6+6 b
Elle ne répondaità personne ; sa lèvre 6+6 b
Tremblait ; on l'entendait,avec un morne effroi, 6+6 a
70 Qui disait à voix basseà quelqu'un : — Rends-le-moi ! — 6+6 a
Et le médecin ditau père : — Il faut distraire 6+6 b
Ce cœur triste, et donnerà l'enfant mort un frère. — 6+6 b
Le temps passa ; les jours,les semaines, les mois. 6+6 a
Elle se sentit mèreune seconde fois. 6+6 a
75 Devant le berceau froidde son ange éphémère, 6+6 b
Se rappelant l'accentdont il disait : — Ma mère, — 6+6 b
Elle songeait, muette,assise sur son lit. 6+6 a
Le jour , tout à coup,dans son flanc tressaillit 6+6 a
L'être inconnu promisà notre aube mortelle, 6+6 b
80 Elle pâlit. — Quel estcet étranger ? dit-elle. 6+6 b
Puis elle cria, sombreet tombant à genoux : 6+6 a
— Non, non, je ne veux pas !non ! tu serais jaloux ! 6+6 a
O mon doux endormi,toi que la terre glace, 6+6 b
Tu dirais : « On m'oublie ;un autre a pris ma place ; 6+6 b
85 « Ma mère l'aime, et rit ;elle le trouve beau, 6+6 a
« Elle l'embrasse, et, moi,je suis dans mon tombeau ! » 6+6 a
Non, non ! —
Ainsi pleuraitcette douleur profonde. 6+6 b
Le jour vint ; elle mitun autre enfant au monde, 6+6 b
Et le père joyeuxcria : — C'est un gaon. 6+6 a
90 Mais le père était seuljoyeux dans la maison ; 6+6 a
La mère restait morne,et la pâle accouchée, 6+6 b
Sur l'ancien souvenirtout entière penchée, 6+6 b
Rêvait ; on lui portal'enfant sur un coussin ; 6+6 a
Elle se laissa faireet lui donna le sein ; 6+6 a
95 Et tout à coup, pendantque, farouche, accablée, 6+6 b
Pensant au fils nouveaumoins qu'à l'âme envolée, 6+6 b
Hélas ! et songeant moinsaux langes qu'au linceul, 6+6 a
Elle disait : — Cet angeen son sépulcre est seul ! 6+6 a
O doux miracle ! ô mèreau bonheur revenue ! — 6+6 b
100 Elle entendit, avecune voix bien connue, 6+6 b
Le nouveau-né parlerdans l'ombre entre ses bras, 6+6 a
Et tout bas murmurer :— C'est moi. Ne le dis pas. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université