Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_1/HUG479
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome I
AUTREFOIS
1830-1843
LIVRE TROISIÈME
LES LUTTES ET LES RÊVES
XX
Insomnie
Quand une lueur pâle à l'orient se lève, 6+6 a
Quand la porte du jour, vague et pareille au rêve, 6+6 a
Commence à s'entr'ouvrir et blanchit l'horizon, 6+6 b
Comme l'espoir blanchit le seuil d'une prison, 6+6 b
5 Se réveiller, c'est bien, et travailler, c'est juste. 6+6 a
Quand le matin à Dieu chante son hymne auguste, 6+6 a
Le travail, saint tribut dû par l'homme mortel, 6+6 b
Est la strophe sacrée au pied du sombre autel ; 6+6 b
Le soc murmure un psaume ; et c'est un chant sublime 6+6 a
10 Qui, dès l'aurore, au fond des forêts, sur l'abîme, 6+6 a
Au bruit de la cognée, au choc des avirons, 6+6 b
Sort des durs matelots et des noirs bûcherons. 6+6 b
Mais, au milieu des nuits, s'éveiller ! quel mystère ! 6+6 a
Songer, sinistre et seul, quand tout dort sur la terre ! 6+6 a
15 Quand pas un œil vivant ne veille, pas un feu ; 6+6 b
Quand les sept chevaux d'or du grand chariot bleu 6+6 b
Rentrent à l'écurie et descendent au pôle, 6+6 a
Se sentir dans son lit soudain toucher l'épaule 6+6 a
Par quelqu'un d'inconnu qui dit : Allons ! c'est moi ! 6+6 b
20 Travaillons ! — La chair gronde et demande pourquoi. 6+6 b
— Je dors. Je suis très las de la course dernière ; 6+6 a
Ma paupière est encor du somme prisonnière ; 6+6 a
Maître mystérieux, grâce ! que me veux-tu ? 6+6 b
Certe, il faut que tu sois un démon bien têtu 6+6 b
25 De venir m'éveiller toujours quand tout repose ! 6+6 a
Aie un peu de raison. Il est encor nuit close ; 6+6 a
Regarde, j'ouvre l'œil puisque cela te plaît ; 6+6 b
Pas la moindre lueur aux fentes du volet ; 6+6 b
Va-t'en ! je dors, j'ai chaud, je rêve à ma maîtresse. 6+6 a
30 Elle faisait flotter sur moi sa longue tresse, 6+6 a
D'où pleuvaient sur mon front des astres et des fleurs. 6+6 b
Va-t'en, tu reviendras demain, au jour, ailleurs. 6+6 b
Je te tourne le dos, je ne veux pas ! décampe ! 6+6 a
Ne pose pas ton doigt de braise sur ma tempe. 6+6 a
35 La biche illusion me mangeait dans le creux 6+6 b
De la main ; tu l'as fait enfuir. J'étais heureux, 6+6 b
Je ronflais comme un bœuf ; laisse-moi. C'est stupide. 6+6 a
Ciel ! déjà ma pensée, inquiète et rapide, 6+6 a
Fil sans bout, se dévide et tourne à ton fuseau. 6+6 b
40 Tu m'apportes un vers, étrange et fauve oiseau 6+6 b
Que tu viens de saisir dans les pâles nuées. 6+6 a
Je n'en veux pas. Le vent, de ses tristes huées, 6+6 a
Emplit l'antre des cieux ; les souffles, noirs dragons, 6+6 b
Passent en secouant ma porte sur ses gonds. 6+6 b
45 — Paix-là ! va-t'en, bourreau ! quant au vers, je le lâche. — 6+6 a
Je veux toute la nuit dormir comme un vieux lâche ; 6+6 a
Voyons, ménage un peu ton pauvre compagnon. 6+6 b
Je suis las, je suis mort, laisse-moi dormir !
— Non ! 6+6 b
Est-ce que je dors, moi ? dit l'idée implacable. 6+6 a
50 Penseur, subis ta loi ; forçat, tire ton câble. 6+6 a
Quoi ! cette bête a goût au vil foin du sommeil ! 6+6 b
L'orient est pour moi toujours clair et vermeil. 6+6 b
Que m'importe le corps ! qu'il marche, souffre et meure ! 6+6 a
Horrible esclave, allons, travaille ! c'est mon heure. 6+6 a
55 Et l'ange étreint Jacob, et l'âme tient le corps ; 6+6 b
Nul moyen de lutter ; et tout revient alors, 6+6 b
Le drame commencé dont l'ébauche frissonne, 6+6 a
Ruy Blas, Marion, Job, Sylva, son cor qui sonne, 6+6 a
Ou le roman pleurant avec des yeux humains, 6+6 b
60 Ou l'ode qui s'enfonce en deux profonds chemins, 6+6 b
Dans l'azur près d'Horace et dans l'ombre avec Dante ; 6+6 a
Il faut dans ces labeurs rentrer la tête ardente ; 6+6 a
Dans ces grands horizons subitement rouverts, 6+6 b
Il faut de strophe en strophe, il faut de vers en vers, 6+6 b
65 S'en aller devant soi, pensif, ivre de l'ombre ; 6+6 a
Il faut, rêveur nocturne en proie à l'esprit sombre, 6+6 a
Gravir le dur sentier de l'inspiration ; 6+6 b
Poursuivre la lointaine et blanche vision, 6+6 b
Traverser, effaré, les clairières désertes, 6+6 a
70 Le champ plein de tombeaux, les eaux, les herbes vertes, 6+6 a
Et franchir la forêt, le torrent, le hallier, 6+6 b
Noir cheval galopant sous le noir cavalier. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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