Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_1/HUG476
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome I
AUTREFOIS
1830-1843
LIVRE TROISIÈME
LES LUTTES ET LES RÊVES
XVII
Chose vue un jour de printemps
Entendant des sanglots, | je poussai cette porte. 6+6 a
Les quatre enfants pleuraient | et la mère était morte. 6+6 a
Tout dans ce lieu lugubre | effrayait le regard. 6+6 b
Sur le grabat gisait | le cadavre hagard ; 6+6 b
5 C'était déjà la tombe | et déjà le fantôme. 6+6 a
Pas de feu ; le plafond | laissait passer le chaume. 6+6 a
Les quatre enfants songeaient | comme quatre vieillards. 6+6 b
On voyait, comme une aube | à travers des brouillards, 6+6 b
Aux lèvres de la morte | un sinistre sourire ; 6+6 a
10 Et l'aîné, qui n'avait | que six ans, semblait dire : 6+6 a
« Regardez donc cette ombre | où le sort nous a mis ! » 6+6 b
Un crime en cette chambre | avait été commis. 6+6 b
Ce crime, le voici : | — Sous le ciel qui rayonne, 6+6 a
Une femme est candide, | intelligente, bonne ; 6+6 a
15 Dieu, qui la suit d'en haut | d'un regard attendri, 6+6 b
La fit pour être heureuse. | Humble, elle a pour mari 6+6 b
Un ouvrier ; tous deux, | sans aigreur, sans envie, 6+6 a
Tirent d'un pas égal | le licou de la vie. 6+6 a
Le choléra lui prend | son mari ; la voilà 6+6 b
20 Veuve avec la misère | et quatre enfants qu'elle a. 6+6 b
Alors, elle se met | au labeur comme un homme. 6+6 a
Elle est active, propre, | attentive, économe ; 6+6 a
Pas de drap à son lit, | pas d'âtre à son foyer ; 6+6 b
Elle ne se plaint pas, | sert qui veut l'employer, 6+6 b
25 Ravaude de vieux bas, | fait des nattes de paille, 6+6 a
Tricote, file, coud, | passe les nuits, travaille 6+6 a
Pour nourrir ses enfants ; | elle est honnête enfin. 6+6 b
Un jour, on va chez elle, | elle est morte de faim. 6+6 b
Oui, les buissons étaient | remplis de rouges-gorges, 6+6 a
30 Les lourds marteaux sonnaient | dans la lueur des forges, 6+6 a
Les masques abondaient | dans les bals, et partout 6+6 b
Les baisers soulevaient | la dentelle du loup ; 6+6 b
Tout vivait ; les marchands | comptaient de grosses sommes ; 6+6 a
On entendait rouler | les chars, rire les hommes ; 6+6 a
35 Les wagons ébranlaient | les plaines ; le steamer 6+6 b
Secouait son panache | au-dessus de la mer ; 6+6 b
Et, dans cette rumeur | de joie et de lumière, 6+6 a
Cette femme étant seule | au fond de sa chaumière, 6+6 a
La faim, goule effarée | aux hurlements plaintifs, 6+6 b
40 Maigre et féroce, était | entrée à pas furtifs, 6+6 b
Sans bruit, et l'avait prise | à la gorge, et tuée. 6+6 a
La faim, c'est le regard | de la prostituée, 6+6 a
C'est le bâton ferré | du bandit, c'est la main 6+6 b
Du pâle enfant volant | un pain sur le chemin, 6+6 b
45 C'est la fièvre du pauvre | oublié, c'est le râle 6+6 a
Du grabat naufragé | dans l'ombre sépulcrale. 6+6 a
O Dieu ! la sève abonde, | et, dans ses flancs troublés, 6+6 b
La terre est pleine d'herbe | et de fruits et de blés, 6+6 b
Dès que l'arbre a fini, | le sillon recommence ; 6+6 a
50 Et, pendant que tout vit, | ô Dieu, dans ta clémence, 6+6 a
Que la mouche connaît | la feuille du sureau, 6+6 b
Pendant que l'étang donne | à boire au passereau, 6+6 b
Pendant que le tombeau | nourrit les vautours chauves, 6+6 a
Pendant que la nature, | en ses profondeurs fauves, 6+6 a
55 Fait manger le chacal, | l'once et le basilic, 6+6 b
L'homme expire ! — Oh ! la faim, | c'est le crime public ; 6+6 b
C'est l'immense assassin | qui sort de nos ténèbres. 6+6 a
Dieu ! pourquoi l'orphelin, | dans ses langes funèbres, 6+6 a
Dit-il : « J'ai faim ! » L'enfant, | n'est-ce pas un oiseau ? 6+6 b
60 Pourquoi le nid a-t-il | ce qui manque au berceau ? 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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