Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_1/HUG467
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome I
AUTREFOIS
1830-1843
LIVRE TROISIÈME
LES LUTTES ET LES RÊVES
VIII
Je lisais. Que lisais-je ? Oh ! le vieux livre austère, 6+6 a
Le poëme éternel ! — La Bible ? — Non, la terre. 6+6 a
Platon, tous les matins, quand revit le ciel bleu, 6+6 b
Lisait les vers d'Homère, et moi les fleurs de Dieu. 6+6 b
5 J'épèle les buissons, les brins d'herbe, les sources ; 6+6 a
Et je n'ai pas besoin d'emporter dans mes courses 6+6 a
Mon livre sous mon bras, car je l'ai sous mes pieds. 6+6 b
Je m'en vais devant moi dans les lieux non frayés, 6+6 b
Et j'étudie à fond le texte, et je me penche, 6+6 a
10 Cherchant à déchiffrer la corolle et la branche. 6+6 a
Donc, courbé, — c'est ainsi qu'en marchant je traduis 6+6 b
La lumière en idée, en syllabes les bruits, — 6+6 b
J'étais en train de lire un champ, page fleurie. 6+6 a
Je fus interrompu dans cette rêverie ; 6+6 a
15 Un doux martinet noir avec un ventre blanc 6+6 b
Me parlait ; il disait : — O pauvre homme, tremblant 6+6 b
Entre le doute morne et la foi qui délivre, 6+6 a
Je t'approuve. Il est bon de lire dans ce livre. 6+6 a
Lis toujours, lis sans cesse, ô penseur agité, 6+6 b
20 Et que les champs profonds t'emplissent de clarté ! 6+6 b
Il est sain de toujours feuilleter la nature, 6+6 a
Car c'est la grande lettre et la grande écriture ; 6+6 a
Car la terre, cantique où nous nous abîmons, 6+6 b
A pour versets les bois et pour strophes les monts ! 6+6 b
25 Lis. Il n'est rien dans tout ce que peut sonder l'homme 6+6 a
Qui, bien questionné par l'âme, ne se nomme. 6+6 a
Médite. Tout est plein de jour, même la nuit ; 6+6 b
Et tout ce qui travaille, éclaire, aime ou détruit, 6+6 b
A des rayons : la roue au dur moyeu, l'étoile, 6+6 a
30 La fleur, et l'araignée au centre de sa toile. 6+6 a
Rends-toi compte de Dieu. Comprendre, c'est aimer. 6+6 b
Les plaines où le ciel aide l'herbe à germer, 6+6 b
L'eau, les prés, sont autant de phrases où le sage 6+6 a
Voit serpenter des sens qu'il saisit au passage. 6+6 a
35 Marche au vrai. Le réel, c'est le juste, vois-tu ; 6+6 b
Et voir la vérité, c'est trouver la vertu. 6+6 b
Bien lire l'univers, c'est bien lire la vie. 6+6 a
Le monde est l'œuvre où rien ne ment et ne dévie. 6+6 a
Et dont les mots sacrés répandent de l'encens. 6+6 b
40 L'homme injuste est celui qui fait des contre-sens. 6+6 b
Oui, la création tout entière, les choses, 6+6 a
Les êtres, les rapports, les éléments, les causes, 6+6 a
Rameaux dont le ciel clair perce le réseau noir, 6+6 b
L'arabesque des bois sur les cuivres du soir, 6+6 b
45 La bête, le rocher, l'épi d'or, l'aile peinte, 6+6 a
Tout cet ensemble obscur, végétation sainte, 6+6 a
Compose en se croisant ce chiffre énorme : DIEU. 6+6 b
L'éternel est écrit dans ce qui dure peu ; 6+6 b
Toute l'immensité, sombre, bleue, étoilée, 6+6 a
50 Traverse l'humble fleur, du penseur contemplée ; 6+6 a
On voit les champs, mais c'est de Dieu qu'on s'éblouit. 6+6 b
Le lis que tu comprends en toi s'épanouit ; 6+6 b
Les roses que tu lis s'ajoutent à ton âme. 6+6 a
Les fleurs chastes, d'où sort une invisible flamme. 6+6 a
55 Sont les conseils que Dieu sème sur le chemin ; 6+6 b
C'est l'âme qui les doit cueillir, et non la main. 6+6 b
Ainsi tu fais ; aussi l'aube est sur ton front sombre ; 6+6 a
Aussi tu deviens bon, juste et sage ; et dans l'ombre 6+6 a
Tu reprends la candeur sublime du berceau. — 6+6 b
60 Je répondis : — Hélas ! tu te trompes, oiseau. 6+6 b
Ma chair, faite de cendre, à chaque instant succombe ; 6+6 a
Mon âme ne sera blanche que dans la tombe ; 6+6 a
Car l'homme, quoi qu'il fasse, est aveugle ou méchant. 6+6 b
Et je continuai la lecture du champ. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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