Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_1/HUG408
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome I
AUTREFOIS
1830-1843
LIVRE PREMIER
AURORE
VI
La Vie aux champs
Le soir, à la campagne,on sort, on se promène, 6+6 a
Le pauvre dans son champ,le riche en son domaine ; 6+6 a
Moi, je vais devant moi :le poëte en tout lieu 6+6 b
Se sent chez lui, sentantqu'il est partout chez Dieu. 6+6 b
5 Je vais volontiers seul.Je médite ou j'écoute. 6+6 a
Pourtant, si quelqu'un veutm'accompagner en route, 6+6 a
J'accepte. Chacun aquelque chose en l'esprit ; 6+6 b
Et tout homme est un livre Dieu lui-même écrit. 6+6 b
Chaque fois qu'en mes mainsun de ces livres tombe, 6+6 a
10 Volume vit une âmeet que scelle la tombe, 6+6 a
J'y lis.
Chaque soir donc,je m'en vais, j'ai congé, 6+6 b
Je sors. J'entre en passantchez des amis que j'ai. 6+6 b
On prend le frais, au fonddu jardin, en famille. 6+6 a
Le serein mouille un peules bancs sous la charmille ; 6+6 a
15 N'importe : je m'assieds,et je ne sais pourquoi 6+6 b
Tous les petits enfantsviennent autour de moi. 6+6 b
Dès que je suis assis,les voilà tous qui viennent. 6+6 a
C'est qu'ils savent que j'aileurs gts ; ils se souviennent 6+6 a
Que j'aime comme eux l'air,les fleurs, les papillons 6+6 b
20 Et les bêtes qu'on voitcourir dans les sillons. 6+6 b
Ils savent que je suisun homme qui les aime, 6+6 a
Un être auprès duquelon peut jouer, et même 6+6 a
Crier, faire du bruit,parler à haute voix ; 6+6 b
Que je riais comme euxet plus qu'eux autrefois. 6+6 b
25 Et aujourd'hui, sitôtqu'à leurs ébats j'assiste, 6+6 a
Je leur souris encor,bien que je sois plus triste ; 6+6 a
Ils disent, doux amis,que je ne sais jamais 6+6 b
Me fâcher ; qu'on s'amuseavec moi ; que je fais 6+6 b
Des choses en carton,des dessins à la plume ; 6+6 a
30 Que je raconte, à l'heure la lampe s'allume, 6+6 a
Oh ! des contes charmantsqui vous font peur la nuit ; 6+6 b
Et qu'enfin je suis doux,pas fier et fort instruit. 6+6 b
Aussi, dès qu'on m'a vu :« Le voilà ! » tous accourent. 6+6 a
Ils quittent jeux, cerceauxet balles ; ils m'entourent 6+6 a
35 Avec leurs beaux grands yeuxd'enfants, sans peur, sans fiel, 6+6 b
Qui semblent toujours bleus,tant on y voit le ciel ! 6+6 b
Les petits — quand on estpetit, on est très brave 6+6 a
Grimpent sur mes genoux ;les grands ont un air grave ; 6+6 a
Ils m'apportent des nidsde merles qu'ils ont pris, 6+6 b
40 Des albums, des crayonsqui viennent de Paris ; 6+6 b
On me consulte, on acent choses à me dire, 6+6 a
On parle, on cause, on ritsurtout ; — j'aime le rire, 6+6 a
Non le rire ironiqueaux sarcasmes moqueurs, 6+6 b
Mais le doux rire honnêteouvrant bouches et cœurs, 6+6 b
45 Qui montre en même tempsdes âmes et des perles. — 6+6 a
J'admire les crayons,l'album, les nids de merles ; 6+6 a
Et quelquefois on ditquand j'ai bien admiré : 6+6 b
« Il est du même avisque monsieur le curé. » 6+6 b
Puis, lorsqu'ils ont jasétous ensemble à leur aise, 6+6 a
50 Ils font soudain, les grandss'appuyant à ma chaise, 6+6 a
Et les petits toujoursgroupés sur mes genoux, 6+6 b
Un silence, et celaveut dire : « Parle-nous. » 6+6 b
Je leur parle de tout.Mes discours en eux sèment 6+6 a
Ou l'idée ou le fait.Comme ils m'aiment, ils aiment 6+6 a
55 Tout ce que je leur dis.Je leur montre du doigt 6+6 b
Le ciel, Dieu qui s'y cache,et l'astre qu'on y voit. 6+6 b
Tout, jusqu'à leur regard,m'écoute. Je dis comme 6+6 a
Il faut penser, rêver,chercher. Dieu bénit l'homme, 6+6 a
Non pour avoir trouvé,mais pour avoir cherché. 6+6 b
60 Je dis : Donnez l'aumôneau pauvre humble et penché ; 6+6 b
Recevez doucementla leçon ou le blâme. 6+6 a
Donner et recevoir,c'est faire vivre l'âme ! 6+6 a
Je leur conte la vie,et que, dans nos douleurs, 6+6 b
Il faut que la bontésoit au fond de nos pleurs, 6+6 b
65 Et que dans nos bonheurs,et que, dans nos délires, 6+6 a
Il faut que la bontésoit au fond de nos rires ; 6+6 a
Qu'être bon, c'est bon vivre,et que l'adversité 6+6 b
Peut tout chasser d'une âme,excepté la bonté ; 6+6 b
Et qu'ainsi les méchants,dans leur haine profonde, 6+6 a
70 Ont tort d'accuser Dieu.Grand Dieu ! nul homme au monde 6+6 a
N'a droit, en choisissantsa route, en y marchant, 6+6 b
De dire que c'est toiqui l'as rendu méchant ; 6+6 b
Car le méchant, Seigneur,ne t'est pas nécessaire ! 6+6 a
Je leur raconte aussil'histoire ; la misère 6+6 a
75 Du peuple juif, mauditqu'il faut enfin bénir ; 6+6 b
La Grèce, rayonnantjusque dans l'avenir ; 6+6 b
Rome ; l'antique Égypteet ses plaines sans ombre, 6+6 a
Et tout ce qu'on y voitde sinistre et de sombre. 6+6 a
Lieux effrayants ! tout meurt ;le bruit humain finit. 6+6 b
80 Tous ces démons taillésdans des blocs de granit, 6+6 b
Olympe monstrueuxdes époques obscures, 6+6 a
Les Sphinxs, les Anubis,les Ammons, les Mercures, 6+6 a
Sont assis au désertdepuis quatre mille ans ; 6+6 b
Autour d'eux le vent souffle,et les sables brûlants 6+6 b
85 Montent comme une merd' sort leur tête énorme ; 6+6 a
La pierre mutiléea gardé quelque forme 6+6 a
De statue ou de spectre,et rappelle d'abord 6+6 b
Les plis que fait un drapsur la face d'un mort ; 6+6 b
On y distingue encorle front, le nez, la bouche, 6+6 a
90 Les yeux, je ne sais quoid'horrible et de farouche 6+6 a
Qui regarde et qui vit,masque vague et hideux. 6+6 b
Le voyageur de nuit,qui passe à côté d'eux, 6+6 b
S'épouvante, et croit voir,aux lueurs des étoiles, 6+6 a
Des géants enchnéset muets sous des voiles. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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