Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HRV_1/HRV12
Henriette HERVÉ
DILECTION
1925
SUIVANT L'HUMEUR DES JOURS
LORSQUE JE SERAI MORTE
Lorsque je serai morte, ah ! ne m'enfermez pas ! 6+6 a
Laissez-moi sans tombeau, sans grille qui me fasse 6+6 b
Sentir une barrière au-delà du trépas ! 6+6 a
Ne rationnez plus ma mesure d'espace ! 6+6 b
5 Puisque vivante j'ai plié devant les lois, 6+6 c
Morte, libérez-moi ! 6 c
Que je n'éprouve plus d'écrasantes contraintes ! 6+6 a
‒ Ne posez pas de dalle au-dessus de mon cœur ‒ 6+6 b
Qu'aucun obscur respect ne m'impose une feinte 6+6 a
10 ‒ Ne dressez pas de croix, ne versez pas de pleurs ‒ 6+6 b
Et, pour qu'en mon cercueil, j'oublie enfin l'entrave, 6+6 c
Qu'aucun nom ne s'y grave ! 6 c
Laissez se disperser mes cendres au dehors ! 6+6 a
Ne me concédez pas, ainsi que fait -la vie, 6+6 b
15 La place exacte et les limites de mon corps, 6−6 a
Mais que le vent du ciel prenne, emporte, amplifie, 6+6 b
Ma poussière anonyme et ce qu'elle contint 6+6 c
De désirs non éteints ! 6 c
Quand j'aurai dépouillé cette forme précise 6+6 a
20 Je ne connaîtrai plus de devoirs ni de droits ! 6+6 b
J'échapperai dès lors à toutes les emprises 6+6 a
Aux vôtres, êtres chers ! qui m'imposiez un choix 6+6 b
Par mon sentiment même ; aux tiennes, conscience, 6+6 c
Si dure à mes offenses ! 6 c
25 Et je pourrai ne suivre, enfin, que le Hasard ! 6+6 a
Ce Hasard dont l'ivresse, irresponsable et chaude, 6+6 b
Ne m'a pas terrassée, esprit et corps épars, 6+6 a
C'est lui qui mènera les nocturnes maraudes 6+6 b
Où les morts vont glaner les bonheurs défendus 6+6 c
30 Que, vifs, ils n'ont pas eus ! 6 c
Oui ! moi qui ne voulais m'engager sur les routes 6+6 a
Qu'après avoir compté leurs tournants périlleux, 6+6 b
J'irai, sans un scrupule, en poussière dissoute, 6+6 a
Danser sur le chemin qui me plaira le mieux ! 6+6 b
35 Vers quoi ?… Vers l'horizon d'un mirage lunaire 6+6 c
Ou le creux d'une ornière ! 6 c
Qu'importe ! Sans prévoir, sans craindre ou mesurer ! 6+6 a
J'irai, comme au printemps les pollens dans la brise ! 6+6 b
Pensent-ils, croyez-vous, lorsqu'ils vont à leur gré 6+6 a
40 Mêler leurs poudres d'or de cytise à cytise, 6+6 b
Ou porter aux pommiers l'amertume des buis 6+6 c
Sans souci de leurs fruits ? 6 c
C'est comme eux que je veux suivre ma fantaisie ! 6+6 a
Pour que la douce nuit fasse entr'ouvrir mon cœur, 6+6 b
45 Que mes désirs, non contenus, se rassasient, 4+4+4 a
Que ma cendre impalpable, encor pleine d'ardeurs, 6+6 b
Mais dépourvue enfin d'an excès de sagesse, 6+6 c
S'envole et se connaisse ! 6 c
Et qu'elle ose, elle qui n'aura plus de remords, 6+6 a
50 Qu'elle ose l'action, si simple et si sauvage, 6+6 b
Dont ma main frémissante a contenu l'effort 6+6 a
Sans l'accomplir, qu'elle ose enfin ! sur son passage, 6+6 b
Se poser largement, comme pour conquérir, 6+6 c
Par droit de son désir ! 6 c
55 Qu'elle aille s'emparer des biens qu'elle convoite, 6+6 a
La poussière de mon pauvre corps affamé ! 6−6 b
…Qu'elle aille caresser les petits cous tout moites 6+6 a
Des poupons endormis, et, qu'au contact aimé, 6+6 b
Elle ait l'illusion d'être encore féconde 6+6 c
60 Et d'enfanter un monde ! 6 c
Qu'elle aille se glisser aux lèvres des amants 6+6 a
A l'instant où l'aveu, quel qu'il soit en paroles, 6+6 b
N'étant plus qu'un instinct, les unit simplement, 6+6 a
Et que leur long baiser la presse et la console 6+6 b
65 De l'étreinte qu'elle a, jusque dans sa pensée, 6+6 c
Par devoir renoncée ! 6 c
Et qu'elle aille, pendant cette nuit, se poser 6+6 a
Pour partager l'émoi de quelque sombre couple 6+6 b
Que n'a pu contenter la saveur du baiser, 6+6 a
70 Quand l'un d'eux, fou d'amour, aura d'un couteau souple, 6+6 b
Fendu le cœur étroit, trop calme à son souhait, 6+6 c
Qu'il adore et qu'il hait ! 6 c
Que ma poussière alors s'imprègne goutte à goutte 6+6 a
De ce beau sang profond qui coule lentement 6+6 b
75 Et contient le secret qu'on cherche et qu'on redoute ! 6+6 a
Car j'aurai passé l'heure où soi-même on se ment, 6+6 b
Et je m'en irai droit vers les troubles délires 6+6 c
Dont le mystère attire ! 6 c
Ah ! vous n'avez connu de moi que la pudeur 6+6 a
80 Et la réserve et la tenue et le silence, 6−6 b
Mais moi je le savais que le cœur de mon cœur 6+6 a
Défaillait par excès et non pas par carence, 6+6 b
Et je savais aussi quel strangulant étau 6+6 c
Enserrait ses sursauts ! 6 c
85 N'est pas libre qui veut ! J'avais ma conscience 6+6 a
Qui veillait attentive à mes moindres écarts, 6+6 b
Et j'avais beau haïr sa détestable outrance 6+6 a
Je l'ai subie !… Alors quand il sera trop tard 6+6 b
Pour le bonheur, qu'au moins ma cendre se soulève 6+6 c
90 Vers l'ombre de ses rêves… 6 c
Ne posez pas de dalle au-dessus de mon cœur ! 6+6 a
‒ Que je n'éprouve plus d'écrasantes contraintes ‒ 6+6 b
Ne dressez, pas de croix, ne versez pas de pleurs ! 6+6 a
‒ Qu'aucun obscur respect ne m'impose une feinte ‒ 6+6 b
95 Mais, quand je serai morte, absolvez-moi tout bas 6+6 c
Et ne m'enfermez pas ! 6 c
mètre profils métriques : 6, 6=6
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