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HEU_1/HEU49
Gaston HEUX
L'INITIATION DOULOUREUSE
1er cahier
1924
Le livre viril
IX
L'Obsession de l'Au-delà
Au Maître Albert Giraud,
en témoignage d'admiration.
LA SYMPHONIE JUPITER
Tu sors de cette énigme où l'Être absorbe l'être, 6+6 a
Étonne jusqu'aux pleurs de te connaître mieux, 6+6 b
Clair enfant dont la chair, toute à l'orgueil de naître, 6+6 a
Croyait ressusciter la jeunesse des dieux ! 6+6 b
5 Ton âme, féminine à la fois et très mâle, 6+6 a
Dryade du bouleau que m'évoquait ton corps, 6+6 b
S'entourait de ta chair comme d'écorce pâle, 6+6 a
Et tes gestes en fleurs naissaient de ses transports 6+6 b
Hélas, ô dieu déchu, la mort est dans ta force, 6+6 a
10 Et son image inerte engourdit ton sommeil… 6+6 b
La dryade se meurt au creux de ton écorce, 6+6 a
Ton âme s'évapore en brouillards au soleil. 6+6 b
Il restait tant de ciel dans ta forme mortelle ! 6+6 a
L'Esprit qui, par éclairs, s'y laissait entrevoir, 6+6 b
15 Banni d'un firmament qu'il retrouvait en elle, 6+6 a
Ainsi qu'un autre azur l'habitait sans déchoir ! 6+6 b
!C'était peu d'être une âme en un corps périssable,… 6+6 a
Tu voulais immortel ce qui n’eût guère été, 6+6 b
Et que le pur Passant qui pesait sur ce sable, 6+6 a
20 Y laissât pour jamais de son éternité. 6+6 b
Et tu vivais alors de suaves mystères… 6+6 a
O chair surnaturelle où tout l'Éden fleurit ! 6+6 b
En un transport mystique, au réseau des artères, 6+6 a
Où ne battait qu'un sang te parcourait l'esprit ! 6+6 b
25 Tu n'avais pas saigné, d'une tardive épreuve, 6+6 a
Par les sept trous béants ton céleste pouvoir… 6+6 b
L'illusion, ce pampre, étreignait l'âme neuve 6+6 a
Et sur ce thyrse ardent gonflait son raisin noir ! 6+6 b
Tout ton être naïf trempait comme une rive, 6+6 a
30 Sous mille abeilles d'or prometteuses de miel, 6+6 b
Au mensonge d'une eau qui leurre en sa dérive 6+6 a
Et, renversant l'azur, se donne pour le ciel ! 6+6 b
Le dieu se pleure encor dans un homme farouche : 6+6 a
L'azur, profond reflet de ta divinité, 6+6 b
35 L'azur qu'à pleines mains tu portais à ta bouche, 6+6 a
Comme une eau vive entre tes doigts s'est égoutté ! 4+4+4 b
Et pourtant dépouillé de toute essence vaine, 6+6 a
L'Être dont tu déchois, le Pur que tu conçus, 6+6 b
Le dieu que promettait la syllabe hautaine 6+6 a
40 Ne gardait rien de l'homme et nous a mieux déçus ! 6+6 b
Va ! mesure le gouffre à l'horreur de ta chute 6+6 a
Tu n'étais plus ce dieu presque déshéri 6+6 b
Dont l'Univers rétif, inerte dans sa lutte, 6+6 a
Est triomphant dé de l'avoir limité… 6+6 b
45 Tu n'étais pas contraint dans l'aspect qui le borne, 6+6 a
Par la forme divine et mortelle à moitié… 6+6 b
Enfant du statuaire autant que la licorne, 6+6 a
Dieu qui sent sa Pythie indigne du trépied ! 6+6 b
Il ne t'eût point suffi de ployer la Matière 6+6 a
50 Plus rétive qu'un peuple au poing de l’imposteur, 6+6 b
De subir la rebelle en sa défaite altière, 6+6 a
Trop bravé dans ton culte et moins dieu que dompteur ! 6+6 b
Car toute bouche écume au mors qui la pénètre. 6+6 a
A se vouloir de tout l'énergique milieu, 6+6 b
55 Qui s'enchaîne l'esclave a le destin du maître, 6+6 a
Et la haine est l'encens qui méconnaît ce dieu ! 6+6 b
Du caprice qu'il sème ô fatale récolte ! 6+6 a
Fruit amer qui déçoit sa vaine majesté ! 6+6 b
Celui-là seul est dieu qui prévient la révolte 6+6 a
60 Et n'étend que sur soi son sceptre respecté 6+6 b
Rien n'étant hors de toi, divinité plénière, 6+6 a
Qui donc, dans quel troupeau, sous tes jougs ennemis, 6+6 b
Quel bœuf eût empourpré la cinglante lanière 6+6 a
Dont le bouvier divin flagelle l'insoumis ? 6+6 b
65 Tant de fiers asservis sont esclaves à peine 6+6 a
Qui déjà dans leur geste ont l'instinct de trahir… 6+6 b
Toi, ton règne du moins ne savait point la haine 6+6 a
Tu t'acceptais pour maître, heureux de t'obéir ! 6+6 b
Comme au reflet du Dieu se sacrent les apôtres, 6+6 a
70 L'ombre que tu n'es point atteste ton soleil ; 6+6 b
O toi que l'on évoque en évoquant les autres, 6+6 a
Où rien ne se ressemble on te trouve pareil ! 6+6 b
Sous aucun horizon ton Essence n'abdique 6+6 a
Où donc choient en grains d'or, sur quelle étrange fleur, 6+6 b
75 Ces pollens étoilés qu'emporte un vent mystique, 6+6 a
Si ce n'est sur toi-même en fécondant ton cœur… 6+6 b
Et tu penchais ainsi ta solitaire essence 6+6 a
Sur le vertige et les aspects du devenir, 6−6 b
Ne palpitant qu'en eux la mort et la naissance, 6+6 a
80 Toi qui n'eus pas à naître et ne pouvais mourir. 6+6 b
L'immensi te ravissait dans une extase 4+4+4 a
Tu l'étreignais des sens et d'un avide accueil, 6+6 b
Et jamais l'infini ne débordait ce vase 6+6 a
Qu'élargissait sans trève un prodige d'orgueil. 6+6 b
85 Ton regard tout puissant suscitait ce miracle 6+6 a
De t'emplir de lueurs, de rythme et d'univers… 6+6 b
Un souffle de Dodone emportait ton oracle 6+6 a
Si loin qu'il s'égarât sous tes ombrages verts ! 6+6 b
Tes yeux s'ouvraient, t'affranchissent de tes limites, 4+8 a
90 Et le chœur gravitait, des Astres et du Jour, 6+6 b
D'une aube à l'autre caden selon tes rites, 4+4+4 a
A ton centre éternel enchné par l'amour !… 6+6 b
Pour peu que la lumière offensât ton caprice, 6+6 a
Tu plongeais dans une ombre esclave de ta loi, 6+6 b
95 D'un battement de ta paupière négatrice, 6−6 a
Le beau gouffre étoi que tu portais en toi ! 6+6 b
Mais la nuit constellait, à ton être fondue, 6+6 a
Les sens secrets qu'obscurément nous essayons… 4+4+4 b
Les mondes dispersés dans ta propre étendue 6+6 a
100 Au travers de ta chair échangeaient leurs rayons 6+6 b
Et soudain tes yeux clos éteignant les abîmes, 6+6 a
Tu renaissais pure ténèbre en la créant ;… 4+4+4 b
Tout s'évanouissait dans tes gouffres intimes 6+6 a
Et toi-même, en ton œuvre, instaurais le néant ! 6+6 b
105 Désormais, tu gémis… l'évidence t'habite 6+6 a
Ceux-là ferment les yeux que guette un prompt déclin 6+6 b
Comme on cherche un regard au vide d'une orbite, 6+6 a
Rien qui survive en toi de ton pouvoir divin !… 6+6 b
Résigné désormais à d'humaines sagesses, 6+6 a
110 Tu fais tiens les trésors d'un pénible savoir, 6+6 b
D'un sourire anxieux mendiant ses largesses, 6+6 a
Pâle d'un avenir qu'il t'enseigne à prévoir ! 6+6 b
Tu meurs déjà d'angoisse, homme, ta dernière heure : 6+6 a
Tu crois vivre, et voici, t'abusant sur ton sort, 6+6 b
115 Que tu roules tes jours au tourbillon d'un leurre 6+6 a
Et que craque en tes os le squelette du mort. 6+6 b
Tu souffrais dans ta chair ? le Sage te rassure : 6+6 a
« Pour guérir de ton mal sors d'un long préjugé… 6+6 b
» Où n'est point de matière, il n'est plus de blessure, 6+6 a
120 » Et l'être, simple esprit, n'est qu'un rêve imagé ! 6+6 b
» J'étouffe au fond de toi l'Homme en pleurs dans ta vie 6+6 a
» Tiens de moi ta victoire, humble qui te soumets ! 6+6 b
» L'homme n'est qu'apparence et te voici ravie. 6+6 a
» L'absurde illusion d'avoir été jamais !… 6+6 b
125 » Les yeux que tu fermais sur le sang de tes larmes, 6+6 a
» Ce qu'il tient de détresse en ce furtif éclair 6+6 b
» Où le cœur sent sa plaie et saigne sur les armes, 6+6 a
» Tout cela, pourpre tiède et froid tranchant du fer, 6+6 b
» Tes paupières s'ouvrant comme un éclat de rire, 6+6 a
130 » Ce qui te rend divins les instants des aveux 6+6 b
» D'où l'amour de soi-même est seul à se proscrire, 6+6 a
» Tout cela, force mâle et parfum des cheveux, 6+6 b
» Tout cela qui n'est rien sil n’est point apparence 6+6 a
» S'enfle, se creuse ou dort comme un rythme des eaux ; 6+6 b
135 » Tout n'est que jeux de vague en ton intelligence 6+6 a
» Et rien n'est que ton ombre en tes propres réseaux ! » 6+6 b
Ainsi parlait le sage au bord de tes abîmes… 6+6 a
Pour t'alléger du mal dût-il t'anéantir, 6+6 b
Tu t'ouvrais à l'écho de ses leçons sublimes, 6+6 a
140 Tu n'étais plus qu'esprit et le sentais mentir. 6+6 b
Car au plus fort des maux qu'importe d'où l'on souffre ? 6+6 a
D'un leurre universel triste réalité ! 6+6 b
Tu t'obstines à croire aux parois de ton gouffre 6+6 a
Et t'en fais un témoin, ô dieu précipité ! 6+6 b
145 Tout t'étreint du dehors en l'obscure bataille, 6+6 a
Ce globe est ton embûche autant que ton appui. 6+6 b
De ses mille reflets sa présence t'assaille, 6+6 a
Mais que peux-tu pour toi qui ne vienne de lui ? 6+6 b
Depuis que tu n'es plus ta seule certitude, 6+6 a
150 Cherche donc hors de toi : tout n'est point blasphémé… 6+6 b
Des mages tard venus ont sculpté dans l'étude 6+6 a
Le masque du seul dieu qui vaille d'être aimé… 6+6 b
Ils décrètent très haut : « Longue gloire à l'Unique ! 6+6 a
» Faux prophètes, déments contre l'Homme alliés, 6+6 b
155 » Gonflez de vent menteur, comme un pan de tunique, 6+6 a
» Les fantômes flottants des dieux multipliés ! 6+6 b
» Dressez-leur des autels à d'étroits intervalles, 6+6 a
» Tous, dans l'encens d'un seul, se sentiront trahir ! 6+6 b
» S'ils heurtent dans nos cœurs leurs volontés rivales, 6+6 a
160 » C'est en braver combien du crime d'obéir ! 6+6 b
» Tremblants adorateurs qu'ils frappent dans la poudre 6+6 a
» Tout immortel dépit, parmi tant d'Immortels, 6+6 b
» A l'encensoir voisin allumera sa foudre, 6+6 a
» Et du culte d'autrui vengera ses autels ! » 6+6 b
165 » Ah ! d'un choix sacrilège épargnez-nous l'épreuve 6+6 a
» Livrez vos Panthéons aux fureurs de l'épieu ! 6+6 b
» Tel qu'au même Océan cent ruisseaux en un fleuve, 6+6 a
» Que notre foi ruisselle en l'unité de Dieu ! » 6+6 b
La musique s'étouffe autour de ces louanges 6+6 a
170 Dont cent initiés n'encensent que le Seul, 6+6 b
Le Parfait dont l'aspect improvise les anges 6+6 a
Et qui dans ses rayons réveille le linceul. 6+6 b
Plus d'un Sage pourtant retient d'une imposture, 6+6 a
Que sans ces dieux rivaux, jaloux d'être encensés, 6+6 b
175 Jamais l'Homme, étriquant leur multiple nature, 6+6 a
N'eût flatté dans un seul cent tyrans condensés. 6+6 b
Et, par le sanctuaire où l'étreignent les Mages 6+6 a
Plus d'un, dont la ferveur avec eux y rêva, 6+6 b
Pense surprendre encore, au plus lointain des âges, 6+6 a
180 Les Elohim vaincus rugir dans Jéhovah ! 6+6 b
Mais de leurs maigres mains dont ils ouvrent la Bible 6+6 a
Ceux qui gardent captifs les mystiques secrets, 6+6 b
Font sortir Javeh de cet antre terrible 6+6 a
Comme un rauque lion qu'ils entourent de rets. 6+6 b
185 Ses yeux chargés de rêve et de Terre promise 6+6 a
S'étonnent de s'ouvrir sur un monde igno 6+6 b
Et vers ses saints gardiens rugissant sa surprise, 6+6 a
Il cherche quelque proie à son courroux sacré. 6+6 b
Et le voilà, dieu de la horde passagère, 6−6 a
190 Comme au temps où ses crocs précédaient Israël, 6+6 b
Et, mordant à la gorge une race étrangère, 6+6 a
Servaient la prophétie en serviteur cruel. 6+6 b
Ils l'entraînent grondant du fond de sa tanière, 6+6 a
Ils connaissent l'orgueil de son brumeux cerveau, 6+6 b
195 Et, cessant de flatter sa rugueuse crinière, 6+6 a
Le réveillent du poing sur le siècle nouveau. 6+6 b
Ils lui disent tout bas : « Nous t'adorons encore, 6+6 a
» Non plus en Sabaoth, gardien du peuple pur, 6+6 b
» Mais sous d'autres aspects c'est ton nom qui s'implore, 6+6 a
200 » Maintenant et jadis, comme au fond du futur ! 6+6 b
» Ainsi donc, gloire à toi qui reluis sur ma face ! 6+6 a
» Nos idéals présents à demi révolus 6+6 b
» T'assignent, Éternel, des formes dans l'espace, 6+6 a
» Et tu rugis à tort, Monstre que tu n'es plus ! 6+6 b
205 » Déjà Chair violente, avant l'ère romaine, 6+6 a
» Essuyant des esprits l'inquiet désaveu, 6+6 b
» Tu rugissais encor sous l'apparence humaine, 6+6 a
» Mais tu sors épu de tes buissons de feu ! 6+6 b
» Nous t'avons dispersé, Prince, dans l'invisible, 6+6 a
210 » Hors de ton sanctuaire à ce point agrandi, 6+6 b
» Que l'impie, à jamais s'aveuglant sur ta cible, 6+6 a
» Croit te blesser partout de son glaive brandi. 6+6 b
» Mais l'humble, dont la foi veut l'aide des prunelles, 6+6 a
» Où rien n'emplit les yeux se lasse de chercher, 6+6 b
215 » Et s'il faut ton martyre à ces âmes charnelles 6+6 a
» Donne-leur pour témoin ta blessure à toucher ! 6+6 b
» Car nul ne sera dieu, selon ces simples âmes, 6+6 a
» S'il ne vient, bras en croix et la plaie au grand jour, 6+6 b
» Tout transpercé des clous ou tout marqué des flammes, 6+6 a
220 » Offrir à leur salut la rançon de l'amour ! » 6+6 b
« N'espérez donc qu'en nous ! » dit l'Orient bouddhiste, 6+6 a
Et par les longs massifs du jardin Loumbini, 6+6 b
Telle qu'au fond des yeux la douceur en persiste, 6+6 a
Aux grâces de l'enfance il contraint l'Infini. 6+6 b
225 » O Sage, ô dernier-né de la ferveur indoue, 6+6 a
» Nous te savons un dieu, toi qui naissais d'un roi… 6+6 b
» Ton existence humaine en vain nous désavoue. 6+6 a
» Qui n'eût prévu ton règne eût douté de la foi. 6+6 b
» Un miracle répond de ta céleste essence : 6+6 a
230 » Ta force puérile est mtresse de tout… 6+6 b
» Et déjà dans l'instant que remplit ta naissance, 6+6 a
» Pensif parmi les fleurs tu te dresses debout ! 6+6 b
» De tes pieds enfantins prémice vagabonde ! 6+6 a
» Tu fis sept pas vainqueurs vers les quatre horizons, 6+6 b
235 » Et sur les dieux présents revendiquant le monde, 6+6 a
» Essayais le pouvoir de neuves oraisons… 6+6 b
» Enfanté dans un cri bienheureux de la femme, 6+6 a
» Promis avant de naître à ce sort idéal 6+6 b
» Dont le trésor secret attendait ton Sésame, 6+6 a
240 » Jusqu'au respect des lys tout te sacrait royal ! 6+6 b
» Ton père, avec tendresse, et ta mère ravie 6+6 a
» S'aidant autour de toi des dieux et du hasard, 6+6 b
» Composaient le décor où se rirait ta vie, 6+6 a
» Et penchés sur tes yeux imploraient ton regard. 6+6 b
245 » Mais toi, tu repliais ta précoce pene, 6+6 a
» Et, les Dévas pleuvant en averses de fleurs, 6+6 b
» Ton âme, dès l'azur sur leurs traces lane, 6+6 a
» Se reprochait leur joie en écoutant nos pleurs. 6+6 b
» Tu grandis cependant : l'immanente sagesse 6+6 a
250 » Sut t'asservir trente ans à l'idéal commun, 6+6 b
» Et la Femme, qui fait son art de la caresse, 6+6 a
» D'une Yaçodhara te versait le parfum. 6+6 b
» En gestes de mortel en vain tu t'évertues… 6+6 a
» Au temple où tu descends éperdu d'onction, 6+6 b
255 » Vois ! le ciel se prosterne : un peuple de statues 6+6 a
» Humilie à tes pieds son adoration ! 6+6 b
» Si les chœurs de l'azur voués à ta louange 6+6 a
» Ont par tes jeunes ans prolongé leurs concerts, 6+6 b
» Depuis ton jour natal les brahmanes du Gange 6+6 a
260 » Doutèrent bien des fois sur les veddas ouverts. 6+6 b
» Mais avant le Vieillard, l'Infirme et le Cadavre, 6+6 a
» Saint trois fois pour les cieux, mais de l'humble ignoré, 6+6 b
» Avant d'avoir vécu, Homme, de ce qui navre, 6+6 a
» Tu n'as frappé les cœurs d'aucun signe sacré. 6+6 b
265 » Car les dieux de l'azur ne sont point ceux de l'homme 6+6 a
» Il t'a fallu dans un éclair mûrir ton sort ; 6−6 b
» Toi dont la brise en fleurs éparpillait l'arome, 6+6 a
» N'être plus que l'odeur qui traîne sur la mort ! 6+6 b
» Tu t'arraches vivant aux délices profanes, 6+6 a
270 » Tu t'engloutis dans ta pensée et dans les bois, 6−6 b
» Et sous ton vêtement d'herbes et de lianes 6+6 a
» Tu sors ascète et dieu pour la première fois ! 6+6 b
» Cakya désormais emplit l'âme exaue 6+6 a
» Mais céleste d'essence, il ne passe pour tel 6+6 b
275 » Qu'au jour où blêmiront, au fond de sa pene, 6+6 a
» La vieillesse, la fièvre et la mort du mortel ! » 6+6 b
— » Soit ! qu'il saigne en esprit et s'épargne les claies ! 6+6 a
» Un autre a méri l'universel baiser 6+6 b
» Que pose notre amour sur les lèvres des plaies 6+6 a
280 » Et qui donne au vrai Christ de s'immortaliser. 6+6 b
» Tout Dieu comme un Lazare, a couché dans sa tombe ! 6+6 a
» Heureux qui dans la mort trempe sa majesté. 6+6 b
» Un autre a pu survivre où notre Christ succombe 6+6 a
» Mais le Christ ressuscite et pour l'éternité ! 6+6 b
285 » Que n'a-t-il en esprit râlé son agonie ? 6+6 a
» Qui donc fustigeait-on dans ce pâle captif ? 6+6 b
» Sous moins d'outrage, et sans la pourpre d'ironie, 6−6 a
» Mon roi n'eût point conquis son prestige plaintif ! 6+6 b
» Depuis vingt siècles pleins, lugubre privilège ! 6+6 a
290 » Je sacre dans sa chair l'Homme qu'on tourmenta, 6+6 b
» Et j'entends retentir sous le choc sacrilège, 6+6 a
» Contre ses os broyés les clous du Golgotha ! » 6+6 b
— Quelqu'un se lève alors des profondeurs de l'être, 6+6 a
Qui sourit tristement des beaux noms prononcés. 6+6 b
295 Leur sens porte si loin ses mots aigus de Maître, 6+6 a
Qu'on cherche le carquois des traits qu'il a lancés. 6+6 b
« Je ne sais rien des dieux : les blocs de leur grande Ombre 6+6 a
» Un mage au plein soleil les pousse tour à tour, 6+6 b
» Comme l'enfant naïf qui voulait scruter l'ombre, 6+6 a
300 » N'en retrouve aux clartés que du jour dans le jour ! 6+6 b
» J'ignore tout des dieux, mais connais trop du monde 6+6 a
» Pour remettre à la foi le soin de l'ébaucher ! 6+6 b
» Le temple qu'il n'est plus, la science le fonde, 6+6 a
» Et l'univers du prêtre est ma cible d'archer !… » 6+6 b
305 Il parle et le voici dans les feux de son glaive, 6+6 a
Ou tendant comme un arc toute réalité… 6+6 b
Il lance au firmament contre le plus beau rêve 6+6 a
L'âpre flèche, et jamais flèche n'a mieux porté ! 6+6 b
Il perce d'un trait sûr, sous la Terre farouche, 6+6 a
310 Les éléphants pensifs du rêve oriental, 6+6 b
Ou du vent furieux qui souffle de sa bouche 6+6 a
Ébranle sous le ciel ses piliers de cristal. 6+6 b
Grâce ! sous l'être impie un sol noir se dérobe 6+6 a
A qui rien n'est sacré d'où viendra le salut ? 6+6 b
315 Nous tombons lourdement de la chute du globe, 6+6 a
Tout chancelle, et la proie au loin flaire l'affût !… 6+6 b
… Mais l'archer souriant s'ingénie à sourire 6+6 a
L'effroi qui nous mtrise est sans force sur lui ! 6+6 b
— « Vois ! le vide t'épargne, il est vain de maudire 6+6 a
320 » Ta chute infatigable est ton meilleur appui ! » 6+6 b
Et je comprends soudain la leçon du génie 6+6 a
Rien n'est vraiment le mal qu'en restant l'incompris 6+6 b
La certitude un jour, même dans l'agonie, 6+6 a
Réduira notre chair au calme des Esprits ! 6+6 b
325 Or, parmi les Esprits, nul n’éclate en merveilles 6+6 a
Comme ces Êtres purs, au fond des cœurs séduits, 6+6 b
Vous toutes, déités qui naissez de nos veilles, 6+6 a
Vous toutes, déités qui naissez de nos nuits ! 6+6 b
L'impie à son insu recèle votre flamme 6+6 a
330 Chaque fois qu'un grand rêve étoile son œil fier… 6+6 b
D'un idéal mortel nous composons votre âme. 6+6 a
Et vous mourrez demain, ô vous, nos filles d'hier. 6+6 b
Eh bien, morts ou vivants, vous n’avez plus d'athées, 6+6 a
Eh bien, soyez nos dieux, Passants intérieurs 6+6 b
335 Fendant les paradis de vos ailes bleues, 6+6 a
Sous le respect sceptique et les yeux épieurs ! 6+6 b
Mais il est ici bas plus d'une âme naïve 6+6 a
Qui définit les cieux par un vol éternel, 6+6 b
Ne voulant pas de dieux à qui l’homme survive, 6+6 a
340 Ni, par dessus l'esprit, le règne du charnel ! 6+6 b
!Ah ! s'il nous meurt jamais ce simple entre nos frères 6+6 a
Qui des seuls Immortels attendait le vrai sceau, 6+6 b
Penchons sur lui, penchons, sans les dire éphémères, 6+6 a
Ceux dont l'homme est la tombe autant que le berceau… 6+6 b
345 Ils serviront la race où leur sort est d'éclore, 6+6 a
Et viendront de leurs doigts fermer les humbles yeux, 6+6 b
Au faible qui sait mal s'évanouir encore, 6+6 a
Harmonieusement de la mort de nos dieux ! 6+6 b
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