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HEU_1/HEU47
Gaston HEUX
L'INITIATION DOULOUREUSE
1er cahier
1924
Le livre viril
VIII
Le Goût de la Mort
LA MORT DES PEUPLES
A Théodore Moulin,
qui nous a penchés sur l'agonie russe.
LES HALEURS DE LA VOLGA
(Au programme d'une fête de charité.)
Ils remontent parfois à travers ma mémoire, 6+6 a
Échos de l'art fervent qui nous les divulgua, — 6+6 b
Ces chants que les haleurs, fils de la Terre Noire, 6+6 a
Traînent avec leur barque aux bords de la Volga. 6+6 b
5 Dans le grand fleuve d'or crépite un crépuscule, 6+6 a
Et cent bateaux épars se hâtent sous ces voix, 6+6 b
Dont le vivant épieu comme un troupeau stimule 6+6 a
Et guide au ras des eaux la file des convois. 6+6 b
Les plaines, alentour, tout en gerbes dorées, 6+6 a
10 Guettent parmi les vents la musique des chœurs 6+6 b
Ébauches qui, là-bas, sur des brumes nacrées, 6+6 a
Flottent dans mille bruits qu'interprètent des cœurs. 6+6 b
Le fleuve est sur ta lèvre, ô haleur qui t'arc-boutes, 6+6 a
Et, dans tes airs berçant les herbes et les joncs, 6+6 b
15 A travers tant d'espace il me sait aux écoutes, 6+6 a
Volontaire captif du prestige des sons… 6+6 b
— Autres temps ! tout son cours, ô Russie, est ténèbres 6+6 a
Et la faim t'exténue et chaque effort tenté 6+6 b
Au dos de tes haleurs fait sourdre les vertèbres 6+6 a
20 Et courbe sous la sangle un squelette hébété ! 6+6 b
Et nous, te dédiant notre fête, ô Martyre, 6+6 a
Notre cœur à ce point te serait étranger 6+6 b
Qu'il voue à tes malheurs, dans la fièvre et le rire, 6+6 a
Un culte inconscient sous un rite léger ? 6+6 b
25 Comprenons-nous si mal ta rumeur d'agonie, 6+6 a
Grand peuple des haleurs instruits par les roseaux, 6+6 b
Toi qui reçus jadis l'instinct de l'harmonie 6+6 a
Comme un don fluvial des berges et des eaux ! 6+6 b
Reste-t-il tant d'attraits à tes lèvres défaites 6+6 a
30 Qu'au sens de leurs appels nous nous soyons mépris ? 6+6 b
En vain, pleins de ta mort, se dressent tes prophètes… 6+6 a
La distance ironique a méconnu leurs cris. 6+6 b
Mais non ! rien ne l'ignore, et faute d'un miracle 6+6 a
Sur la steppe qui gerce et se meurt de soleil, 6+6 b
35 Rien ne reste survivre au fatal habitacle, 6+6 a
Qu'une vie obstinée et semblable au sommeil. 6+6 b
Parfois le râle épais d'un spectre qui sursaute 6+6 a
S'évade comme une âme et chevauche le vent, 6+6 b
Et, versant l'insomnie où que l'accueille un hôte, 6+6 a
40 Aux remords de nos nuits inflige un confident. 6+6 b
Sous une ombre pesante ainsi qu'un lourd reproche, 6+6 a
Il attise nos sens, ce fantôme indigné, 6+6 b
Et, l'hymne étant trahi qui meurt de proche en proche, 6+6 a
En sauve au moins l'écho dans un monde éloigné… 6+6 b
45 … Comprends mieux à présent, toi qu'un désastre apporte 6+6 a
Spectre qui suis du doigt, aux ciels où tu naquis, 6+6 b
Les chants désespérés d'une race mi-morte, 6+6 a
Loin de choir au silence, ils nous avaient conquis… 6+6 b
Regarde ! nous chargeons d'espérance et d'étoiles 6+6 a
50 Des flotilles d'azur et de sûrs réconforts… 6+6 b
Nous pressons de nos cris la paresse des voiles… 6+6 a
Ensemble nous volons vers la Terre des Morts ! 6+6 b
Et trouvant à l'amour la puissance des charmes, 6+6 a
Nous voici les haleurs de ces convois sacrés 6+6 b
55 Qui remontent, chantants, le long cours de tes larmes, 6+6 a
Les torrents ruisselants que tes yeux ont pleurés ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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