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HEU_1/HEU41
Gaston HEUX
L'INITIATION DOULOUREUSE
1er cahier
1924
Le livre viril
V
L'Art d'Autrui
(Sur la page de garde de Au cœur frais de la forêt.)
A Philéas Lebesgue,
en souvenir d'une étape à Neuville-Vault.
Pèlerinage littéraire
On souriait en le disant Fils de la Terre, 6−6 a
Mais j'en croyais plutôt ce confident écrit, 6+6 b
Son art où s'est vaincu comme un don de se taire, 6+6 a
Et déjà mon respect, plein de son rêve austère, 6+6 a
5 L'affiliait à d'autres dieux, comme un Esprit. 4+4+4 b
Antée est fils du sol, qu'un front bas déshonore 6+6 a
L'élan qu'y prend son pied d'autres l'ennobliront 6+6 b
De ses quatre sabots s'inspire le Centaure, 6+6 a
Mais ce dieu hennissant que la Terre restaure 6+6 a
10 N'en dresse que plus fier le prestige du front. 6+6 b
:On insistait en vain : « Ce dompteur de charrue 6+6 a
(Et le cal en répond, de ses rugueuses mains) 6+6 b
Accouple auprès des bœufs son Pégase qui rue ; 6+6 a
Le souci d'engranger la moisson rousse et drue 6+6 a
15 Donne à ses vers heureux d'inquiets lendemains. 6+6 b
Il habite là-bas, en colline picarde, 6+6 a
Près de hameaux déserts un village épuisé 6+6 b
Soixante âmes à peine ont commis à leur garde, 6+6 a
Comme un vivant défi vers la Louve hagarde, 6+6 a
20 Ce dévouement obscur qu'un grand cœur trouve aisé, 6+6 b
Car, pareil à ces chiens hurlant à la pénombre 6+6 a
Qui soupçonnent du flair un fauve épouvantail, 6+6 b
Si des jeunes troupeaux se décime le nombre, 6+6 a
Il le sait trop, c'est que la bête louche et sombre 6+6 a
25 Par les guérets de France assiège tout bercail. 6+6 b
— A jamais compromis dans sa moisson charnelle 6+6 a
Le sol divin trahi par ses vivants hoyaux ! 6+6 b
La France, hélas ! plus que la tombe est solennelle, 6+6 a
Et qui se sent prophète et se penche sur elle 6+6 a
30 Clôt déjà son vantail sur le vide d'agneaux. 6+6 b
C'est peu de méditer sur sa race appauvrie 6+6 a
En émoussant l'épreuve au lieu de la souffrir, 6+6 b
Et la paix inféconde égalant la tuerie, 6+6 a
Il se vivrait cent fois, et presque avec furie, 6+6 a
35 Pour tant de résignés qui s'aident à mourir. 6+6 b
Qu'il fauche avec ses fils, engerbe avec ses filles, 6+6 a
La moisson qu'il mérite userait l'affiloir, 6+6 b
Et sa femme au grand cœur, dans l'attente des drilles, 6+6 a
Met la bûche tardive à son feu de broutilles, 6+6 a
40 Où quelque salamandre habitera ce soir. 6+6 b
… S'il n'a point, au grelot des vieilles carrioles, 6+6 a
Emporté vers son toit des hôtes attendus, 6+6 b
Ni, lustrant du regard, du geste et des paroles, 6+6 a
Le pays qui s'allonge au bas des rampes molles, 6+6 a
45 Gardé sur sa douceur les esprits suspendus ; 6+6 b
S'il n'a pas évoqué, clocheton qui va poindre, 6+6 a
L'église et son village expirant alentour, 6+6 b
Ni, d'un geste de prêtre impatient de l'oindre, 6+6 a
Comme à quelque mourant qu'il lui presse de joindre, 6+6 a
50 Offert pour viatique un miracle d'amour ; 6+6 b
Viens donc ! découvre seul ces pentes ombragées, 6+6 a
Et la ferme qui tente au haut des chemins clairs ; 6+6 b
Les sources à l'étape ont de fraîches gorgées, 6+6 a
Et serrant le trésor des meules engrangées 6+6 a
55 Tout grenier s'entrebâille et t'enfièvre les airs. 6+6 b
C'est ici… reconnais l'idéal des poètes ! 6+6 a
Qui fait choix d'Hésiode a prévu le fermier… 6+6 b
L'oiseau des basses-cours a l'aile des mouettes… 6+6 a
Il coule à ta rencontre en rigoles muettes 6+6 a
60 De l'or nauséabond qui s'entasse au fumier. » 6+6 b
Ironie ! Hésiode est le rival d'Homère !… 6+6 a
« Les Travaux et les Jours » ? roses d'un sol bourbeux !… 6+6 b
La ferme dès le soir s'entr'ouvre à la Chimère, 6+6 a
Et s'étoilant la vitre à sa lampe éphémère, 6+6 a
65 Sent s'attendrir vers elle un meuglement des bœufs… 6+6 b
O Paradis secret sous l'aspect de géhenne ! 6+6 a
Et voilà que j'hésite à forcer son accueil, 6+6 b
Comme si le jardin d'une âme élyséenne, 6+6 a
Enveloppant d'encens la Tour éburnéenne, 6+6 a
70 De sa flore sacrée en défendait le seuil. 6+6 b
Quiconque à la beauté garde un culte fidèle, 6+6 a
Pour passer sur des fleurs aspire à s'alléger… 6+6 b
L'Ombre d'un pur poète erre sur l'asphodèle, 6+6 a
Et, faisant son orgueil d'un illustre modèle, 6+6 a
75 La masure est de loin la Maison du Berger. 6+6 b
Que la ferveur de l'art dans trop d'âmes soit morte, 6+6 a
Toute l'humilité d'un glorieux logis 6+6 b
Me dénonce nos temps dès le pas de ta porte, 6+6 a
O toi que l'horizon dans son langage exhorte 6+6 a
80 A fondre avec son ciel tes gestes élargis. 6+6 b
Je n'en bénis pas moins la rustique retraite 6+6 a
Où de vivre à l'étroit tu t'es moins dispersé… 6+6 b
Toi qui n'a point d'orgueil, c'est ta fierté secrète 6+6 a
D'un rôle universel tu te sens l'interprète, 6+6 a
85 Et ce soleil épars tu l'offres condensé. 6+6 b
Les divins entretiens par dessus les querelles, 6+6 a
Qui donc mieux que toi-même en conserve le ton ? 6+6 b
Mon esprit qui butine aux fleurs surnaturelles, 6+6 a
Pour cette fois encor suspend, sur d'humbles ailes, 6+6 a
90 Une ivresse d'abeille aux lèvres d'un Platon. 6+6 b
Et que ce soit ta joie, ô Maître simple et grave, 6+6 a
De tenter d'un parfum jusque d'autres pays. 6+6 b
Ton fier isolement n'y mettra point d'entrave ; 6+6 a
Loin de n'être du bruit que l'innombrable esclave 6+6 a
95 Nous volons de partout librement éblouis ! 6+6 b
Ta parole a du miel la suave attirance, 6+6 a
Et tu restes si peu du monde des bergers, 6+6 b
Que je crois, désormais, dépassant l'apparence, 6+6 a
Entendre bourdonner la bouche de la France 6+6 a
100 Sous l'immense désir des essaims étrangers. 6+6 b
mètre profil métrique : 6=6
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