Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HAR_2/HAR127
Edmond HARAUCOURT
L’Âme nue
1885
II
LA VIE INTÉRIEURE
L’AUBE — MIDI — LE SOIR
MIDI
CHANAAN
Ils sont vécus, les jours où mes désirs nomades 6+6 a
Couraient allègrement de lointain en lointain 6+6 b
Et s’arrêtaient le soir pour cueillir des grenades 6+6 a
Au fond des oasis qu’ils rêvaient au matin… 6+6 b
5 Ah ! les fruits savoureux qu’on prend à mains câlines, 6+6 a
Les haltes de hasard sur la croupe des monts ! 6+6 b
Ah ! les côtes, les cols, les flancs ronds des collines, 6+6 a
Et les grèves, parmi l’odeur des goémons ! 6+6 b
Plus de sommeil conquis près des gorges conquises, 6+6 a
10 Plus d’alanguissement sous l’ombre des forêts ; 6+6 b
Et c’est fini du rire et des chansons exquises 6+6 a
Qu’entonnaient au réveil les départs sans regrets… 6+6 b
La caravane errante a trouvé sa patrie : 6+6 a
Éden des derniers jours et des premiers repos, 6+6 b
15 Où, quand tombe le soir sur la mousse fleurie, 6+6 a
Les grands baisers puissants se couchent par troupeaux. 6+6 b
Vallon tiède et lascif, parc et berceaux d’Armide ; 6+6 a
Empire extasié des fleurs et des oiseaux, 6+6 b
Où l’on entend, la nuit, glisser dans l’air humide 6+6 a
20 Le gazouillis léger des eaux sous les roseaux… 6+6 b
Jardin universel, charme total du monde ; 6+6 a
Sérail de voluptés changeantes, où l’amour 6+6 b
Mêle le baiser brun et la caresse blonde, 6+6 a
Tour à tour, et sans fin ni trêve, et tour à tour. 6+6 b
25 Paysage alterné du Pôle et du Tropique 6+6 a
Où toutes les ardeurs suivent tous les frimas ; 6+6 b
Golfe où l’âme s’endort, sous un vent balsamique, 6+6 a
Dans la chanson des flots et le roulis des mâts. 6+6 b
Des piments et des lis, des menthes et des mauves ; 6+6 a
30 La ferveur des Simouns, la fraîcheur des caveaux ; 6+6 b
La grâce des serpents et la fierté des fauves, 6+6 a
Et le rire incessant des ciels toujours nouveaux… 6+6 b
Ô Seule ! Ô Chanaan ! Terre des aromates ! 6+6 a
J’allais : tu m’apparus dans le reflet vermeil 6+6 b
35 Dont tes contours vibrants doraient leurs splendeurs mates, 6+6 a
Comme une île de marbre au coucher du soleil. 6+6 b
Et je te reconnus, Femme, sans t’avoir vue, 6+6 a
Toi qui devais courber mes rêves sous ta loi, 6+6 b
Verser à tous mes sens l’ivresse jamais bue, 6+6 a
40 Et dépeupler mes cieux pour les peupler de toi ! 6+6 b
Passent les jours ! À tous les temps, je suis ta chose ; 6+6 a
Et partout je vois luire, à travers mes ennuis, 6+6 b
Ton œil noir au feu rouge et ta lèvre au feu rose, 6+6 a
Comme un phare allumé sur l’océan des nuits ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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