Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
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F = "e" féminin
| = césure
HAR_2/HAR115
Edmond HARAUCOURT
L’Âme nue
1885
II
LA VIE INTÉRIEURE
L’AUBE — MIDI — LE SOIR
MIDI
L’ÉGLISE
À ARMAND SILVESTRE
Les vierges des vitraux et les saints en camail, 6+6 a
Tamisant le soleil dans leur corps translucide, 6+6 b
Versent des tons mouillés et des lavis d’émail 6+6 a
Sur les marbres luisants qui montent vers l’abside. 6+6 b
5 Les cierges clignotants tremblent au pied des croix, 6+6 a
Dans l’ombre où les lauriers se penchent sur les vases ; 6+6 b
Un silence mystique engourdit les airs froids 6+6 a
Que les vapeurs d’encens ont parfumés d’extases. 6+6 b
Et dans la solitude énorme du saint lieu, 6+6 a
10 Les sièges, flancs à flancs, s’alignent en prière : 6+6 b
On dirait, prosternés sous l’image du dieu, 6+6 a
Des spectres de l’ennui qui pleurent sur la pierre. 6+6 b
Un malaise sacré tombe des cintres lourds ; 6+6 a
Par degrés, lente, autour des colonnes massives, 6+6 b
15 Voici que la nuit tend ses nappes de velours : 6+6 a
L’âme d’un siècle mort plane sous les ogives. 6+6 b
Elle descend, la nuit muette : son front brun 6+6 a
Se couche pour dormir dans l’angle des chapelles ; 6+6 b
Les feux, les ors, les tons, tous meurent, un par un… 6+6 a
20 La nuit dort. Les vitraux sont voilés de dentelles. 6+6 b
Oh ! ne pouvoir plier l’orgueil de mes jarrets 6+6 a
Vers ces dalles que tant de douleurs ont baisées ! 6+6 b
Ne plus pouvoir prier sur les marches usées 6+6 b
Des vieux autels que j’adorais, 8 a
25 Au temps où mes ferveurs apprises 8 c
Se courbaient sous les voûtes grises 8 c
Et voyaient Dieu dans les églises 8 c
Ou les forêts ! 4 a
L’âge pieux n’est plus où je chantais les psaumes 6+6 a
30 Et les vers incompris des cantiques romains, 6+6 b
Où mon enfance émue élevait ses deux mains 6+6 b
Vers l’Enfant-roi né sous les chaumes, 8 a
Âge naïf, bel âge blanc 8 c
Où sur mon cœur déjà brûlant 8 c
35 L’amour du Berger consolant 8 c
Mettait ses baumes ! 4 a
Ô Christ, tu n’es pas Dieu ! Jésus, tu me trompais ! 6+6 a
Mais qu’importe l’erreur, si la foi nous assiste ? 6+6 b
Pourvu qu’on aime un dieu, qu’importe qu’il existe ? 6+6 b
40 Tout est beau, si je me repais 8 a
D’un mot par qui mon cœur exulte : 8 c
Qu’il soit tangible ou soit occulte, 8 c
Il faut un rêve ! Il faut un culte ! 8 c
Il faut la paix ! 4 a
45 Dans l’air religieux et tiède de la chambre, 6+6 a
Les flambeaux parfumés versent des reflets d’ambre. 6+6 a
Toute nue, allongée, Elle dort, les seins droits : 6+6 a
Ses pieds sont joints, ses bras sont déployés en croix. 6+6 a
Vers l’épaule, sa tête impassible se penche, 6+6 a
50 Et ses cheveux luisants glissent sur sa peau blanche. 6+6 a
Son front rit, son sommeil a des rythmes si lents, 6+6 a
Si doux, si lents qu’à peine ils soulèvent ses flancs. 6+6 a
Son âme est insensible et sa chair inféconde : 6+6 a
Mais Elle est la splendeur et la gloire du monde. 6+6 a
55 Son cœur n’a ni regrets, ni vœux, ni passions, 6+6 a
Mais Elle est la douceur des consolations. 6+6 a
Un charme destructeur flotte autour de sa bouche : 6+6 a
Mais sa lèvre guérit les chagrins qu’Elle touche. 6+6 a
Les clous des sept péchés, les clous des sept douleurs 6+6 a
60 Sur son chevet sacré font des grappes de fleurs. 6+6 a
Et parmi le roseau, les trois lis et les palmes, 6+6 a
Une tête de mort baise ses deux pieds calmes. 6+6 a
mètre profils métriques : 8, 4, 6+6
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