Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HAR_1/HAR38
Edmond HARAUCOURT
La Légende des Sexes
Poëmes Hystériques
1882
La légende des sexes
RÊVE
À Léon Cladel.
Je me rappelle un soir de rage et d'hystérie 6+6 a
Où, soûl de notre amour et bleui de baisers, 6+6 b
J'étais tombé d'un bloc, pâmé, l'âme tarie, 6+6 a
Le cœur vide et les reins brisés. 8 b
5 Je dormais. Et no dans l'extase des rêves, 6+6 a
J'évoquais l'idéal d'un paradis charnel 6+6 b
Où de blondes houris, belles comme des Èves, 6+6 a
Donnaient le coït éternel. 8 b
Lascivement, sous la transparence des voiles, 6−6 a
10 Les nombrils caressant me baisaient au nombril, 6+6 b
Et passaient plus nombreux que le troupeau d'étoiles 6+6 a
Qui passe au ciel des nuits d'avril. 8 b
Sans cesse ! Mes désirs chantaient l’épithalame ; 6+6 a
Ma virilité fière ardait comme un grand feu, 6+6 b
15 Et sous le vent du rut pourléchait de sa flamme 6+6 a
L’autel où l’homme devient dieu. 8 b
Superbe, elle vibrait sur les chairs qu’on titille, 6+6 a
Et fouillait, sous le poil qui frise à l’Occident, 6+6 b
L’ombre chaude, où l’orgueil de ma force érectile 6+6 a
20 Plantait son baiser fécondant. 8 b
Elle allait, jamais lasse et jamais assouvie, 6+6 a
Et sous l’étranglement mouillé des spasmes nus, 6+6 b
Elle crachait à flots les germes de la vie 6+6 a
Au creuset rose de Vénus ! 8 b
25 Les bras blancs m’étouffaient sur les poitrines blanches ; 6+6 a
Les bustes, sous mon corps, se tordaient, pantelants ; 6+6 b
De longs frissons crispaient la ronde ampleur des hanches : 6+6 a
Les genoux craquaient sur mes flancs ! 8 b
Puis, c’était la douceur des doigts errants sur l’aine, 6+6 a
30 L’effleurement lascif et rôdeur des seins lourds, 6+6 b
Et la langue, au milieu des parfums de l’haleine, 6+6 a
Posant ses touchers de velours. 8 b
Et c’était cette soif lubrique de vampire 6+6 a
Qui colle ses suçoirs sur l’homme turgescent ; 6+6 b
35 Qui, s’enivrant des sucs masculins qu’elle aspire, 6+6 a
Va puiser l’âme au fond du sang ! 8 b
C’était plus qu’on ne rêve et plus qu’on ne devine, 6+6 a
Ce que nul être humain n’a conçu ni chanté : 6+6 b
C’était tout ce que peut l’érection divine 6+6 a
40 Travaillant dans l’éternité. 8 b
Oh, ce que j’ai connu dans cette heure sublime : 6+6 a
L’immensité d’un rut peuplant les Univers, 6+6 b
Et ma sève, coulant à remplir un abîme 6+6 a
Plus insondable que les mers ! 8 b
45 Tout ce que j’ai g d’indicibles ivresses ! 6+6 a
Les siècles de coït passaient comme des jours, 6+6 b
Et j’aimais en un jour des milliers de mtresses, 6+6 a
Et toujours… Toujours… Et toujours ! 8 b
Rêve, hélas ! Et depuis qu’il leurra ma pensée, 6+6 a
50 Je traîne dans mon cœur l’impuissance d’un vœu 6+6 b
Et l’âpre souvenir de ma force passée, 6+6 a
Moi qui suis homme, — et qui fus dieu ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6−6
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